Extrait du bulletin municipal de Meillant (Cher)
n°4, Janvier 1987



QUELQUES LUEURS
sur le
HAMEAU de SAINT RHOMBLE


par le Père René Challet
Curé de Meillant de 1978 à 1995

Les origines
La chapelle
Sa paroisse
Ses sources
Quelques vieux habitants de Saint Rhomble
Les croix de Saint Rhomble

Quinze cents mètres au sud-ouest de Meillant, Saint Rhomble se blottit dans un recoin de la dernière ondulation du bassin parisien, en un lieu où l'eau sourd de tous côtés. Mais qu'en savons nous ? Sans vouloir être exhaustif, essayons seulement de soulever légèrement un coin du voile.



Les Origines


Quand ce petit village apparaît pour la première fois dans l'histoire, très exactement le 13 septembre 1115, il possède déjà sa chapelle, donc son chapelain et son cimetière.

Bien plus, depuis 917, soit presque deux siècles, il dépend au spirituel de l'abbaye de Déols, située près de Châteauroux.

La chapelle, « capella Sancti Romuli », est dédiée à Saint Rhomble, saint mystérieux s'il en est. De lui on sait seulement qu'il était prêtre et qu'il fut inhumé à Saint Satur, près de Sancerre, un jour de 1er novembre, plus d'un siècle avant Charlemagne. Son nom est d'ailleurs toujours inscrit au calendrier du diocèse de Bourges, mais à la date du 6 novembre.

On aimerait bien savoir comment ce saint, dont le culte resta confiné dans le Sancerrois, en vint à être vénéré ici dès le temps de Charlemagne et peut-être même un peu plus tôt, comme semble l'indiquer la découverte de cerceuils de pierre dans le cimetière entourant la chapelle.

Avant la construction de la départementale n° 92, pour aller de Meillant à Bruère il fallait passer par Saint Rhomble, Saint Silvain et les bas de La Celle à proximité de la Font Saint Clair.


Sur trois kilomètres, on rencontrait trois villages, trois sources et trois saints guérisseurs. Saint Clair était invoqué pour les maux d'yeux ; Saint Silvain, un peu pour toutes les maladies, mais surtout pour le mystérieux et effrayant « feu de Saint Silvain ». Quand à Saint Rhomble, « il avoit le bruit de guarir les fols » (il avait la réputation de guérir les fous).

Tout cela n'est pas fortuit et nous fait remonter dans le temps bien avant le Moyen-Âge, jusqu'à nos ancêtres les Gaulois.

N'a-t-on pas trouvé à Farges, il y a quelques années, la statue d'une divinité gauloise encore à sa place dans sa source ? Elle avait eu de la chance : située dans un lieu écarté, elle avait sans doute été oubliée lors de la conversion de nos campagnes au christianisme, quand pour faire oublier les divinités des eaux et les vieux mythes païens on introduisait à leur place le culte d'authentiques saints chrétiens.



La chapelle


La chapelle Saint Rhomble existe toujours, mais plus d'un meillantais l'ignore.

De forme rectangulaire elle est fort petite (8m x 5m60).
À l'ouest on y accédait par une porte plein cintre aujourd'hui murée, mais qui se voit encore en partie. Elle est éclairée par deux fenêtres plein cintre (0m85 x 0m32), l'une du coté nord, l'autre du coté sud.

L'abside plate était dotée d'une fenêtre semblable. L'intérieur était entièrement revêtu de fresques dont les traces se devinent encore. Il ne semble pas que la chapelle ait été voûtée.

À une époque indéterminée cette chapelle devint maison d'habitation. Un plancher fut construit à mi-hauteur. La porte d'entrée fut transformée en cheminée, une porte et une fenêtre furent ouverts dans le mur sud. Les fresques furent piquées au marteau avant d'être recouvertes d'un enduit.

Tous ces travaux sont sans doute légèrement antérieurs à la Révolution de 1789, ce qui explique la note de l'abbé Lacord, vicaire de Meillant en 1828 puis curé jusqu'en 1868 : « Aucun des anciens du pays ne se rappelle d'y avoir vu dire la Messe ». Le 25 août 1811, la chapelle était occupée « gratis » par la veuve Roussellet. Le 13 juillet 1823 une expertise estime que les réparations indispensables coûteraient 493 livres, alors que bâtiment et terrain valent seulement 400 livres.

Le conseil de Fabrique décide donc de l'aliéner « sous le titre d'arrentement perpétuel ». Le 1er octobre suivant la rente fut mise aux enchères. François Buchet, de Saint-Rhomble, offrit onze francs. Etienne Plaçon, du bourg de Meillant, offrit vingt francs. François Grandjean, propriétaire demeurant au bourg de Saint-Rhomble, offrit vingt et un francs de rente annuelle et perpétuelle et fut déclaré adjudicataire définitif pour en jouir à perpétuité.

Cette rente fut payée à la paroisse jusqu'en 1905, et passa alors à la commune. Monsieur Lallier, le propriétaire actuel, racheta cette rente.

Mais voici une surprise. Les registres du conseil de Fabrique nous apprennent que Saint Rhomble n'avait pas seulement une chapelle, mais deux l'une à coté de l'autre. Celle dont nous venons de parler, que Buhot de Kersers date du début du 13e siècle, semble avoir été la plus jeune. L'autre est toujours appellée « l'ancienne » dans les registres.

D'après le plan général des terres de Meillant levé en 1768-69 par le Duc de Charost, cette ancienne chapelle était située une quinzaine de mètres environ au nord de celle qui subsiste encore, et avait la même orientation : le soleil levant au matin de Noël, tout comme les églises d'Uzay et de Noirlac.

Cette ancienne chapelle fut démolie début 1809. Il semblerait pluôt qu'on l'aida à s'écrouler, car quatorze ans plus tard « les décombres des vieilles masures de l'ancienne chapelle » n'avaient pas été déblayées et encombraient encore le terrain. Quoiqu'il en soit, aussitôt, le 5 mars 1809 les quelques pièces de bois d'ouvrage récupérées lors de la démolition furent vendues à Denis Charton, « thuillier à Sarzay » en échange « pour 600 thuilles, trois poinçons de chaux et six faitières, le tout rendu et conduit à l'église paroissiale dudit Meillant ».

Tout cela soulève bien des questions. Pourquoi deux chapelles côte à côte dans un même cimetière ? Quand l'ancienne chapelle fut-elle bâtie ? Laquelle des deux était dotée du clocher effilé que nous laisse entrevoir l'estampe de Chastillon vers 1605 ? Laquelle avait la cloche de 100 livres que Julien Villepelet emmena à la Fonderie le 12 octobre 1792 ? Laquelle des deux était la célèbre chapelle dont on parlait au début du 10e siècle ? Que sont devenus « les quelques saints en bois, entr'autres Saint Romble et Saint Roch, assez grossièrement sculptés et les deux petits buffés d'assez bon goût » qui furent transportés à l'église de Meillant ? (Un inventaire du 9 avril 1893 mentionne encore un « Saint Roch en bois peint » mais point de Saint Rhomble)...



Sa paroisse


En août 1236, un parchemin mentionne dans une même phrase les « paroisses de Meillant, de Saint Rhomble et d'Arpheuilles ». Mais un siècle plus tard, en 1327, le livre de comptes de Jean Bertrand nous oblige à nous demander si Saint Rhomble est toujours une paroisse. On a écrit qu'à cette époque il serait devenue une vicairie de Meillant, ce qui est très vraisemblable mais serait à vérifier.

Il existe, en bordure du territoire de La Celle et en haut de la côte de Sully, une pièce de terre que les cartes de l'I.G.N. appellent « La Brosse », mais qu'un plan du XVIIIe siècle nomme « Usage de La Brosse de St. Rombe ». (Notons l'orthographe « Saint Rombe » qui correspond, aujourd'hui encore, à la prononciation locale).
Cette terre, alors en forêt, était un des endroits où les paroissiens de Saint-Rhomble eurent, jusque vers 1884, le droit de couper leur bois de chauffage et de construction et aussi de faire paître leurs troupeaux « de toute éternittez et anciennettez ».



Ses sources


Les spéléologues commencent seulement à explorer le réseau souterrain des eaux de Saint Rhomble. Quant à nous qui avons les pieds sur terre et avons peur de nous aventurer dessous, nous connaissons tous le lavoir couvert et sa fontaine en bordure de la grand route.

Gallo-romaine disent certains, reconstruite au 17e disent d'autres. La question peut se poser.

Mais avons-nous tous remarqué du même coté de la route, dans un champ, une centaine de mètres plus près de Meillant, une petite construction voûtée en pierre ?

Elle est datée de 1608 et recouvre une autre source.

Dans la partie basse du bourg, un deuxième lavoir non couvert est alimenté par une troisième source.


Tout près, une borne-fontaine en fonte distribue les eaux d'une quatrième source si bonne, dit-on, qu'on a vu un vieux prêtre de Saint Amand (je penserais plutôt à un vieil évêque) et des religieuses venir y remplir des jarres et bidons sans nombre. « L'eau est meilleure, disaient-ils, que les eaux minérales ».

Les eaux de toutes ces sources se déversent dans le petit ruisseau venant de l'étang de la Chaudière qui devient alors l'Hyvernin (Evurna, disaient les textes latins du 12e siècle). Ce ruisseau traverse l'étang de Saint Rhomble et, passant en contrebas des granges de basse-cour, se dirige vers le Moulin du Pré et Champange pour se jeter dans le Cher à Rhodais.

Depuis des siècles et des siècles, un canal de dérivation mène une partie des eaux de l'Hyvernin dans les fossés du château.
Réparé en 1655, c'est lui qui alimente le Lavoir Carré et longe la rue du même nom.



Quelques vieux habitants de Saint Rhomble


Le plus ancien habitant dont le nom nous soit parvenu s'appelait Raynaud Mainier. En 1204 il touchait annuellement une rente de 12 deniers sur le Moulin du Pré, qu'on appelait aussi Moulin de Chiret.
Le chevalier Molsos, de Charenton, et ses frères ayant fait don du moulin à Noirlac, ce sont les moines qui dorénavant s'engagent à lui payer cette rente. Il se pourrait bien que ce Raynaud Mainier ait possédé le Moulin de Champange.
En effet, en 1258, soit 16 ans après sa mort, on l'appelait encore indifféremment le Moulin de Champange ou le Moulin de Mainier.

En 1242, Odéarde, sa veuve, « du consentement des ses enfants: Eudes, Pierre, Etienne, Raynaud, Agnès, et de tous ses fils (sic) » fait don aux moines de 12 deniers qui lui étaient dus annuellement par une autre habitante de Saint Rhomble, veuve d'un certain Bonnet. Bien plus, générosité suprême ! Odéarde donne aux moines « son ouche personnelle », c'est-à- dire la terre qu'elle avait reçue en dot lors de son mariage ; et elle précise bien dans l'acte de « donation entre vifs » (nos formules actuelles sont fort anciennes!) qu'elle ne leur donne pas seulement les noix, les noyers et les autres arbres fruitiers, mais « le fonds de terre » lui-même. Cette ouche qui s'appelait le « champ deu Chapiteu » serait peut-être à chercher derrière les Bouchailles qui s'appelaient alors « la Boschal ».

Mentionnons aussi une certaine Emengarde, même si probablement elle n'habitait pas Saint Rhomble, car elle en tirait des revenus, notamment celui de la dîme. Nous le savons, car un beau jour elle donna à l'abbaye de Noirlac « le quart de la dîme de Saint Rhomble ». La dîme étant en principe un revenu d'Eglise, cette donation fut approuvée en 1211 par Gérard, Archevêque de Bourges et Primat d'Aquitaine.

Cette Emengarde était la sœur du chevalier Etienne des Fourneaux, sans aucun doute l'homme le plus riche de Meillant. Il percevait même « la dîme du château de Meillant » et en disposait à sa guise. Il se permit des générosités extraordinaires à l'égard de Noirlac, générosité qui d'ailleurs furent au cours des siècles suivants la cause de multiples ennuis et procès.



Les croix de Saint Rhomble


Deux croix de pierre sont scellées l'une dans le mur de la maison de Mr Jacquin, l'autre dans le mur de la grange de Mr. Dequiedt.

Sur la première, on lit : « 1765 G. IUTIER », et sur la seconde :


« ISHS (i.e. Jésus, sauveur des hommes)
G. IUTIER 1769
(plus le dessin d'un coeur)
».

Ces deux croix ne sont pas des croix de cimetière, mais des croix de chemin ou de carrefour.
Examen fait des registres paroissiaux leurs dates ne correspondent ni à des baptêmes, ni à des mariages, ni à des décès.
Les Iutier, ou Jutier, ou Justier étaient installés à Saint Rhomble depuis longtemps. L'un d'entre eux, Jean Justier, qui épousa en 1735 Marguerite Guinaud veuve de Nicolas Pétaud, savait lire et écrire puisqu'à cette même date il était procureur du conseil de Fabrique. C'est lui qui tenait les comptes de la paroisse et en rendait compte chaque année à l'archidiacre de Bruère.


Bien d'autres choses seraient à dire sur Saint Rhomble, ses étangs, ses domaines, sur les terres qu'y possédait Noirlac, sur le nombre de ses habitants, sur le Parc de Meillant, etc.. Une autre fois, peut-être.

R. Challet