L'ABBE CLAUDE SIMARD
ANCIEN VICAIRE DE MEILLANT
GUILLOTINE A PARIS LE 21 MAI 1794




Claude Simard naquit à Saint-Amand le 6 avril 1727, et fut baptisé le surlendemain par l'abbé Pirot, vicaire, en l'église de la paroisse du Vieux-Château, qu'on appelle aujourd'hui tout simplement La Paroisse.

Un an plus tôt, le 12 février 1726, ses parents Maître Pierre Simard le jeune, bourgeois de St-Amand, et Demoiselle Marie-Anne Ragot s'étaient mariés dans cette même église en présence de l'abbé Antoine Carlin.

Celui-ci, curé de Meillant de 1711 à 1731, signa l'acte : Carlin prêtre commis. En effet, tout en continuant à résider à Meillant, il administra la paroisse de Saint-Amand de 1726 à 1731. C'est alors seulement qu'il devint curé en titre de Saint-Amand. Il y mourut en octobre 1749 et fut inhumé le 9 octobre dans le choeur de l'église, âgé de 72 ans.

Les familles Simard et Ragot faisaient partie de la bourgeoisie aisée et bien assise de la région. On y trouvait alors des avocats en Parlement, un maître des eaux et forêts, un bailli du Vieux-Château, un procureur à la Cour de Moulins, un conseiller du Roi et président du grenier à sel de Moulins, etc..

Claude Simard, quant à lui, choisit la vie religieuse et joignit l'abbaye des chanoines de Notre-Dame de Salles, abbaye aujourd'hui détruite qui était située tout près de la cathédrale de Bourges. Quand fut-il ordonné prêtre? On ne le sait pas exactement, mais ce fût très probablement vers 1751-1752. Une dizaine d'années plus tard, le 5 janvier 1762, pour la première fois on trouve sa signature dans les registres paroissiaux de Meillant, où il vient d'arriver comme vicaire du curé Claude Estienne Lerasle. Simard ne restera à Meillant que seize mois. Mais ce bref séjour avait suffit pour créer des liens d'amitié entre le vicaire et son curé. Aussi, à la mort de Lerasle, c'est Claude Simard qui, le 19 mars 1768, préside ses funérailles accompagné de Michel Noullan "prêtre irlandois" curé d'Arpheuilles, d'André Simon curé de La Celle-Bruère, de Pierre Damont archiprêtre de Saint-Amand, de Bonnet curé d'Orval, de Pierre Pingaud vicaire de Meillant, et de frère Dominique Dupuy capucin desservant de Meillant.

Rappelons ici que la pierre tombale de Claude Estienne Lerasle se voit toujours sur la pelouse à coté de notre église.

En mai 1763 Claude Simard devient curé de Saint-Georges de Poisieux. Il y reste jusqu'au 31 décembre 1773, soit dix ans. Il est alors remplacé par l'abbé Jean-Baptiste Tourret.

Simard n'étant pas de ceux qui émaillent leurs registres paroissiaux de remarques, de commentaires et notes de tout genre, rien ne nous indique comment il a vécu ces dix années. Pourtant on ne peut s'empêcher de se poser des questions. En fin décembre 1773 Claude Simard n'a encore que 47 ans. A-t-il pris sa retraite ? Et pourquoi ? Fatigué, est-il devenu aumônier de l'hôpital de Saint-Amand ou d'une communauté religieuse ? On a dit qu'il était devenu "prêtre habitué" à la paroisse de Saint-Amand. Si c'est exact, comment se fait-il qu'on ne trouve pratiquement jamais son nom ou sa signature dans les registres paroissiaux, sauf le 23 mai 1781.

Ce jour-là, il est présent au mariage de Charles Geoffrenet de Champdavid et de Marguerite-Hélène Villatte. Au bas de l'acte on voit sa signature : Simard prêtre.

Une chose est certaine : en 1781 Simard réside à Saint-Amand. Le 29 novembre « un procès verbal est rendu par les sieurs Petit, Baudot et Pingaud, contrôleur et commis, contre l'abbé Simard pour vin non déclaré aux entrées ». Pour ce délit Simard doit payer une amende de 24 livres.

Il est vraisemblabkle qu'il habite déjà la maison qu'il vient de faire bâtir, et que Mallard en 1895 situe au n°4 de la rue Cordier. (Les numéros ont changé depuis 1895).

Il est probable aussi que Simard, de temps en temps va dans sa belle propriété de Villemort, paroisse de Marçais.

Mais les temps changent. En 1789 c'est la révolution.

Le 26 décembre 1790 la constitution civile du clergé est approuvée par le roi. Tous les évêques, curés, vicaires et autres fonctionnaires publics doivent y prêter serment. Mallard écrit que Simard ne prêta pas ce serment. Il aurait alors été destitué des fonctions écclésiastiques qu'il remplissait.

Mais lesquelles ? Le 5 brumaire An II (26-10- 1793) Claude Simard demande un certificat de résidence qui ne lui pas accordé. C'est dommage pour lui bien sûr ; mais c'est dommage pour nous aussi car nous aurions son signalement.

C'est ainsi que, par son certificat de résidence nous pouvons visualier l'abbé Greffin qui desservit Meillant de 1795 à 1815 : « Jacques Auguste Greffin, prêtre ci-devant religieux carme en cette ville, âgé de 51 ans, taille de 5 pieds 2 pouces, cheveux et sourcils noirs mêlés de gris, nez gros et long, bouche commune, menton rond, front élevé et découvert, visage long et marqué de petite vérole, demeurant actuellement en cette ville, rue Sainte-Barbe (aujourd'hui rue Raoul Rochette), maison appartenant à la citoyenne veuve Chassaigne, et y résidant depuis le mois de mars 1791 ».

En octobre-novembre 1793 une campagne de « déprêtrisation » se déclenche dans la Nièvre et le Cher, qui s'étendra à toute la France. Menaces et pressions sont exercées sur les prêtres par les autorités pour qu'ils renoncent à leur état et abjurent leur sacerdoce.

Le 27 brumaire An II (17-11- 1793) Claude Simard est le second prêtre du district de Libreval-sur-Cher (Saint-Amand) qui renonce à son état de prêtre, mais il ne remet pas ses lettres de prêtrise au district, déclarant les avoir perdues.

Hélas sa lettre d'abdication n'a pas été retrouvée. Elle aurait permis de le connaître un peu mieux, car certains prêtres exprimaient des réserves. Ainsi Gabriel Morlet, alors curé intrus de Libreval et en même temps président du district de Libreval (un peu l'équivalent de sous-prêfet), ne renonce qu'à ses fonctions de curé de Libreval.

Un autre, Antoine Demenitroux, apparemment renonce à tout. Mais en bon roublard, il ajoute : « La volonté générale sera toujours le thermomètre de la mienne et le bonheur publique mon premier sentiment ». En 1795 sentant le thermomètre remonter, l'un comme l'autre reprennent leurs lettres de prêtrise. Morlet, plus tard, deviendra curé de La Celle-Bruère où sa pierre tombale se voit encore dans l'église ; Demenitroux deviendra curé de Meillant où sa tombe se voit toujours dans le cimetière.

Quant à Claude Simard, il ne pourra en faire autant. En haut lieu on s'intéresse à lui, car une lettre a été interceptée dans laquelle il fait montre de sentiments royalistes.

Le 12' pluviôse" An II (31-1-1794), le conseil municipal de Libreval délibère, entre autres choses, à son sujet. On pense à le mettre en prison. Mais on se demande si les simples prêtres, qui ne sont ni curés ni vicaires, doivent être considérés comme des fonctionnaires publics, et "si ceux qui ont été destitués sont dans le cas d'arrestation". On fait aussi la remarque que Simard n'a pu obtenir un certificat de civisme. En conséquence le conseil ajourne sa décision jusqu'à la prochaine séance.

Deux jours plus tard, le 14 pluviose (2-2-1794), le maire de Libreval lance un mandat d'arrêt contre Simard et plusieurs autres personnes: "Nous, Maire, officiers municipaux de la commune de Libreval-sur-Cher, chef-lieu de district du département du Cher... mandons et ordonnons à tous exécuteurs de mandement de justice de conduire à la maison d'arrêt du district de Libreval, les citoyens Pierre Geoffrenet de Rhodais et Marie-Virginie Debize son épouse demeurant en cette commune rue de la Porte de Bourges, Jean-Charles Josset-Vougon demeurant en la même commune rue de l'Ecu, Claude Simard prêtre aussi domicilié rue Cordier, ....Demahy (?) invalide aussi domicilié en la dite commune rue Fradet, tous réputés gens suspects par l'article deux du décret de la Convention Nationale du 17 septembre dernier...
Le 14 pluviôse de l'An II de la République Une et Indivisible.
Signé: Jean-Gabriel Robin maire ; Pierre Fidel Piaud, David Tabouet, officiers municipaux".

Le lendemain, 15 pluviose, Claude Simard est arrêté et écroué à la maison d'arrêt (l'hôtel Saint-Vic, aujourd'hui musée) par André Alexandre Maréchal, huissier public de la commune de Libreval. En outre, sa maison est mise sous scellés.

Simard avait peut-être oublié de prendre avec lui son rasoir et un peu de linge, une couverture... On lit en effet dans le registre du conseil municipal: "Le citoyen Clause Simard fait passer une pétition par laquelle il expose que depuis 12 jours les scellés ont été posés chez luy par ledit juge de paix, qu'il y a renfermé sous ces scels des objets à son usage, et il demande d'en ordonner la levée dans le jour.

Le conseil arrête que les scellés seront levés par le juge de paix du canton, lequel sera prévenu". (Délibération du 29 pluviôse).

Une dizaine de soeurs de la Charité étaient alors incarcérées à la maison d'arrêt. Elles ne furent libérées qu'en 1796. Alors elles racontèrent une chose curieuse : ayant appris qu'un prêtre était détenu dans une cellule de l'étage supérieur, directement au dessus de leur chambre & ayant réussi à communiquer avec lui, elles se hissaient sur leurs paillasses entassées sur une table, et le prêtre les entendait en confession l'oreille collée sur une petite ouverture adroitement pratiquée entre les carreaux. Elles recevaient chaque fois l'absolution comme une préparation à la mort, car on les menaçait souvent des noyades de la Loire ou de la guillotine de Paris. Plusieurs prêtres étaient détenus alors dans cette prison. Lequel d'entre eux entendait leurs confessions ? Claude Simard ? Nous ne le saurons jamais.

Le 21 floréal (10-5-1794) après quatre mois de prison, Claude Simard est pris en charge par le maréchal des logis Bonloirau "pour, le conduire à Paris de brigade en brigade".

Onze jours plus tard, le 2 prairial (21-5-1794), l'abbé Claude Simard, ci-devant vicaire de Meillant, âgé de 67 ans, est guillotiné à Paris. Deux cents ans plus tard il convenait de s'en souvenir.


R.Challet


Bulletin municipal n°12 – janvier 1995