NOIRLAC

NOTRE-DAME
de
LA MAISON-DIEU


par M Marcel Aubert en 1931

L'ANCIENNE ABBAYE CISTERCIENNE
DE
NOIRLAC



Histoire
Description
Eglise
Cloître
Bâtiments conventuels
Bibliographie
Notes







HISTOIRE

Une tradition ancienne rapportée par l'Exorde de Cîteaux (1), et suivie par Manrique (2), Janauschek (3) et l'historien de saint Bernard, l'abbé Vacandard (4), place au 27 octobre 1136 la fondation de l'abbaye de La Maison-Dieu généralement nommée Noirlac dans les textes, après 1276.

Douze moines de Clairvaux seraient venus s'installer dans ce repli de la vallée du Cher, auprès d'un étang, sous la conduite d'un cousin de saint Bernard, son ami le plus cher, Robert, qui est considéré comme le premier abbé de Noirlac (5). Aucun texte ne précise l'année ni les conditions de cette fondation.

Cette première installation dut être bien précaire, et les premiers bâtiments furent sans doute montés en matériaux de fortune. Les débuts furent difficiles, et Raynal rapporte (6) qu'en 1149, saint Bernard écrivit à Suger pour lui signaler le dénuement extrême de ses moines :

« Nos frères de la Maison-Dieu, au diocèse de Bourges, manquent de pain, et nous avons entendu dire que la récolte de mon seigneur le roi est abondante en ce pays et qu'elle s'y vend à bas prix. Nous vous prions de leur faire donner sur cette récolte ce que votre prudence jugera convenable, car mon seigneur le roi, quand il était dans la contrée, avait coutume de leur faire du bien ». Cette lettre prouve que l'abbaye était fondée déjà depuis plusieurs années, mais que sa situation était loin d'être prospère.

Le tout-puissant ministre de Louis VII intervint-il ou saint Bernard se tourna-t-il d'autre côté ? Toujours est-il que, dès 1150, Ebbes V de Charenton, sur les possessions duquel les moines étaient venus s'installer, leur faisait une donation qui assurait l'avenir de leur maison. Cette donation faite par Ebbes V de Charenton et sa femme Agnès fut approuvée, en 1159, par l'archevêque de Bourges, Pierre de La Châtre. En 1180, Ebbes VI, fils d'Ebbes V et d'Agnès, confirmait la donation et y ajoutait de nouveaux biens (7).

Les moines commencèrent aussitôt ces constructions de pierre, église, bâtiments conventuels, hôtellerie, communs, dont nous admirons encore aujourd'hui les magnifiques restes.


Pendant la deuxième moitié du XIIe siècle, et pendant tout le XIIIe et le XIVe, les donations se multiplient, et les moines pourront terminer l'église et les bâtiments conventuels, reconstruire le cloître, multiplier les bâtiments d'exploitation et les granges sur un domaine qui comprendra 17 fermes, des bois d'une étendue de 275 hectares, des maisons, des moulins, des prés, des dîmes, des cens, ainsi que l'a montré M. J. Plat (8).

Les corps des seigneurs de Charenton, et ceux des grands donateurs étaient enterrés dans le cimetière et dans le cloître. Dom Estiennot et La Thaumassière nous ont conservé le souvenir des diverses tombes que l'on voyait encore au XVIIe siècle à Noirlac (9). Dans la salle capitulaire étaient les tombes de plusieurs abbés, et aussi celles d'Ebbes V de Charenton et d'Agnès sa femme, de leur fils Ebbes VI, de la fille de ce dernier, Mahaut et de son mari, Renaud de Montfaucon, devenu par alliance seigneur de Charenton. Ces deux dernières étaient des tombes plates où étaient gravées les figures de la noble dame et du chevalier.


Dans le cloître, auprès de la salle capitulaire, était la pierre tombale d'un chevalier en armes, mort en 1361, mais l'inscription à demi effacée n'a pas permis de l'identifier. Non loin se voyaient encore, au XVIIe siècle, les pierres tombales de plusieurs abbés, de Raoul de La Châtre et de son épouse.

M. Deshoulières a recherché d'après les indications données par Dom Estiennot, l'emplacement précis de trois autres tombes conservées dans le cloître (10).

Le chevalier Guillaume de Saussure, mort en 1423, avait été enterré dans le cloître « prope mystagogium », près de la sacristie, dans l'angle nord-est du cloître.

La tombe de l'abbé Garnier se trouvait dans la galerie nord du cloître, que l'on appelait la galerie de la Collation, courte lecture tirée de la vie des Pères que les Cisterciens font entre vêpres et complies dans la galerie du cloître voisine de l'église (11). La galerie comportait parfois, adossés à l'église, un siège pour l'abbé et des bancs pour les moines, et, en face, une chaire pour le lecteur. Cette disposition se voit encore à Cadouin (Dordogne).

Le corps de l'abbé Robert que l'on pensait être celui du fondateur de l'abbaye, ce qui ne pourrait être admis si le fondateur de Noirlac est bien le cousin de saint Bernard, ainsi que je l'ai montré plus haut, reposait dans un enfeu de l'angle sud-est du cloître, près du passage et de la salle qui était alors l'école.

Dans l'église même, que des dérogations à la règle laissaient envahir peu à peu par les tombes, se voyait encore au XVIIe siècle près du maître-autel, côté de l'Évangile, le monument de l'archevêque de Bourges, Henri d'Avaugour, et la statue en pierre de Charly, avec la tête et les mains en marbre blanc, qui le représentait en gisant revêtu de ses habits pontificaux (12). Il s'était retiré à Noirlac au début de l'année 1446, et y mourut quelques mois plus tard, le 13 octobre. Un fragment de ce tombeau est conservé au musée de Bourges.

Près de ce monument était déposé le coeur de Constance de Saluces, veuve de Geoffroy Le Meingre dit Boucicaut, gouverneur du Dauphiné qui avait, en 1407, donné à l'abbaye des ornements d'autel, et des tapisseries d'Arras historiées de scènes religieuses et des figures des neuf Preux.

Dans le croisillon nord étaient les pierres tombales de Jacques de Chauvenon +1467, et de Jean de Chauvenon, représentés tous deux en chevaliers.

Au début du XVe siècle, l'abbaye avait eu fort à souffrir des bandes armées qui parcouraient le pays, et, le 15 octobre 1423, les moines obtinrent des sires d'Albret l'autorisation de construire un donjon près de la porte d'entrée et de fortifier les bâtiments.

Au XVIe siècle, les guerres de religion entraînent de nouveaux désastres : en 1562, les Huguenots détruisaient le porche de l'église, endommageaient gravement le pignon nord, et incendiaient le bâtiment des convers : les travées méridionales de ce bâtiment et le dortoir et sa charpente disparurent dans les flammes. L'institution de la commende devait d'ailleurs, ici comme par toute la France, porter un coup fatal à l'abbaye. Depuis 1510, les revenus de l'abbaye sont en partie accaparés par l'abbé commendataire, les bâtiments sont abandonnés et les moines réduits à la portion congrue ; leur nombre tombera à cinq ou six, et même pendant quelque temps à quatre.

Dom Martène, qui visita l'abbaye en 1708 (13), admira la beauté des bâtiments et y reconnut la grandeur d'une gloire passée :
« l'abbaye, dit-il, a conservé plus de restes de son ancienne splendeur que celle de Font-Morigny.
« Les cloîtres, le chapitre, le parloir, le noviciat, le réfectoire, la cuisine marquent quelque chose de grand. La cheminée de la cuisine est d'une structure singulière, car elle est double et s'avance jusqu'au milieu de la cuisine. On me dit que M. le Prince l'ayant vue ne pouvait cesser de l'admirer. L'église est encore toute entière. Les chaires du choeur se ressentent de la simplicité du temps de saint Bernard. Je n'en ai vu que fort peu de semblables. L'abbé de Clairvaux, faisant sa visite, en fit retrancher la moitié.
»

Aussitôt après le désastre de 1562, on avait dû boucher les portes occidentales de l'église et réparer tant bien que mal le pignon nord. Le bâtiment des convers, ou du moins ce qui en restait avait été à peu près abandonné et c'est sans doute pour suppléer aux greniers qui y avaient été établis depuis la disparition des convers que l'on monta au-dessus des galeries du cloître ces hauts combles à pans de bois et hourdis de maçonnerie légère qui subsistèrent jusqu'aux restaurations du XIXe siècle.

Plusieurs pièces conservées aux archives du Cher et qui m'ont été très aimablement communiquées par M. Gandilhon, nous fixent sur l'état des bâtiments, et sur leur affectation aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Dès 1657, le 9 avril, un partage avait eu lieu entre l'abbé et les religieux qui, depuis 1654, n'étaient plus qu'au nombre de quatre : l'abbé disposera de l'ancien bâtiment des convers, devenu le logis abbatial, à peu près en ruines et où, d'ailleurs, il n'habitera jamais, avec les greniers de la galerie du cloître voisine, la grande cuisine, plusieurs chambres basses pour ses fermiers, le portail d'entrée du cloître et une partie des jardins.
-Les religieux gardent le cloître, le dortoir, le réfectoire, la chambre des hôtes et les greniers au-dessus des trois autres galeries du cloître (14).

Quelques années plus tard, profitant de la tolérance accordée en 1666 par le pape Alexandre VI, les moines divisaient l'ancien dortoir en cellules, desservies à l'ouest par un corridor et éclairées, à l'est, par les petites fenêtres anciennes.

Un nouveau partage, signé le 10 octobre 1692, nous donne quelques précisions sur les bâtiments élevés à l'ouest du cloître : l'abbé jouira de l'étage du logis abbatial, y compris l'escalier proche de l'entrée du cloître par où on montait à cet étage ; il aura encore la jouissance des greniers voisins et d'une partie du cellier du logis où l'on percera une porte charretière qui existe encore aujourd'hui. L'entrée du cloître, entre le logis abbatial et le bâtiment de l'ancienne cuisine, sera commune à l'abbé et aux moines ; elle était précédée d'un pont-levis, dernier vestige des fortifications de 1423, ainsi que le donjon voisin de l'entrée, dont l'usage appartiendra à l'abbé. Enfin, l'abbé pourra, pour lui seul, et à l'exception de ses fermiers, avoir une entrée directe de son logis dans l'église, « laquelle il prendra par le moyen d'un petit escalier qu'il pourra faire faire de la tribune dans le coin du collatéralle droit de l'église, lequel est proche et à costé droict d'une des grandes portes par laquelle on entre de la grande cour dans l'église et qui est présentement murée ». C'est à cette époque et pour permettre ce passage que l'on agrandit la dernière baie au nord du mur est du bâtiment des convers et la fenêtre voisine de la première travée du collatéral sud de la nef. Une chambre des hôtes devra être aménagée, à côté des chambres du jardinier et des serviteurs de l'abbaye, au-dessus de la cuisine et des pièces voisines, avec un escalier d'accès convenable (15).

L'aménagement de l'ancien bâtiment des convers en logis abbatial ne sera jamais exécuté et l'on attendra même plusieurs années encore avant de rétablir les murs et la charpente de l'étage.

Deux devis d'estimation des travaux urgents à faire à l'abbaye et aux métairies, et qui devront être payés sur les coupes de bois de l'abbaye, furent dressés le 20 octobre 1717 et le 22 août 1724 (16). Ce dernier s'élève à 84.985 livres. Dans l'église, il faudra, outre diverses consolidations aux murs, aux contreforts et aux arcs-boutants (17), refaire le vitrage, réparer les charpentes, notamment celle du clocher de la croisée qui, dès 1717, avait été reconnue pourrie, abaisser la toiture du collatéral sud de la nef qui bouche les fenêtres, remplacer les vieilles stalles par de nouvelles, faire un pont de pierre à l'entrée de l'église, déboucher les portes fermées depuis 1562 et y établir des vantaux. Les cellules du dortoir des moines, fort obscures, sont en mauvais état (18) ; on rétablira des cloisons, remontera le pignon au sud et dallera le corridor. La chambre du prieur qui fait suite au dortoir, au sud-est, dans le bâtiment en aile, sera rasée jusqu'au niveau des voûtes basses, les murs remontés sur une hauteur de 9 pieds et le plafond refait. Les charpentes du réfectoire, de la cuisine et de l'escalier du logis abbatial devront être réparées, ainsi que celles des greniers au-dessus des galeries du cloître. On posera des vitres dans les grandes fenêtres du réfectoire et refera le carrelage, ce qui prouve que l'on ne pensait pas alors à l'entresoler. Quant au bâtiment des convers devenu logis abbatial, mais abandonné depuis l'incendie de 1562, il était en si mauvais état que l'on songeait à l'abattre (19). On se ravisa, et en 1724, on décida de raser le haut des murs nord et ouest et de les refaire de neuf avec croisées et entablement ; l'étage sera carrelé et la charpente démolie et remplacée par une toiture à croupe.

Après une nouvelle estimation, les travaux furent adjugés à 120.000 livres le 1er septembre 1724. Ils étaient terminés le 7 novembre 1730, et un arrêt du Conseil du roi réglait, sur le produit des ventes de bois, le payement des travaux (20).

Un inventaire très détaillé du 1er janvier 1751 (21) nous donne de nouveaux détails sur les bâtiments et décrit leur mobilier. Dans l'église, le grand autel est adossé à une boiserie décorée au milieu d'un tableau de deux pieds de hauteur sur six de long représentant la Cène avec saint Bernard à gauche et saint Benoît à droite, et, au-dessus, de quatre autres tableaux : la Descente de croix, l'Annonciation, saint Pierre et saint Paul, séparés par les statues de la Vierge, sainte Scolastique, saint Benoît et saint Bernard. Les quatre chapelles sont dédiées à la Vierge, à saint Bernard, à saint Benoît et à tous les saints. La nef est séparée du choeur par une boiserie en bon état ainsi que les stalles.

La sacristie, voûtée, éclairée et boisée, était meublée d'une armoire aux ornements et d'un confessionnal.

Les cellules du dortoir n'avaient pas encore reçu la belle parure que nous admirons aujourd'hui et n'étaient éclairées que par les petites fenêtres primitives. Deux cellules voûtées, l'une au-dessus de la travée orientale de la sacristie, en saillie sur le mur, l'autre à l'ouest donnant sur le cloître, paraissent être les cellules primitives de l'abbé et du moine sacristain (22).

Du dortoir, on traverse l'infirmerie, au-dessus de la salle qui venait d'être terminée, —elle porte la date de 1748 — à l'extrémité sud du bâtiment et en retour vers l'ouest, pour gagner l'appartement des hôtes, organisé dans l'ancien réfectoire entresolé et comprenant trois chambres en haut et trois en bas, un corridor pour les desservir et un escalier à rampe de fer pour monter à l'étage. Cette disposition, qui subsiste encore aujourd'hui et qui n'avait pas été prévue lors des travaux de 1724-1730, ne remonte donc qu'aux années 1740-1750.

Après la cuisine sont deux arrière-cuisines, avec tout le linge, la vaisselle, l'étain, l'argenterie, etc. ; au-dessus des chambres, le bâtiment des convers, comprenant cellier et grenier, restait divisé entre les moines et l'abbé.

La lecture de cette pièce, très précise et très détaillée, donne l'impression que les bâtiments ont été bien restaurés depuis 1724 et que tout y est en bon état, mais bien vaste pour le prieur, le procureur, deux moines et leurs serviteurs.

C'est sans doute peu après cette date de 1751, à la suite d'un accord que nous n'avons pu retrouver, que l'ancien dortoir des moines fut complètement transformé, les cellules remplacées par des chambres plus grandes à alcôves et à boiseries éclairées par de larges fenêtres largement cintrées en haut, avec un balcon à grille de fer forgé à la baie centrale. Les chambres, d'un décor si riche et si élégant, ne devaient plus être destinées aux moines, mais à l'abbé et aux hôtes de l'abbaye, et les moines étaient relégués dans l'ancien réfectoire où avaient été aménagés, vers 1740-1750, des chambres destinées d'abord aux hôtes.

Le mur oriental du bâtiment avait été remis à neuf, la sacristie et la chambre qui la surmontait rasées et un oculus percé pour éclairer l'ancienne antichambre qui n'est plus qu'un passage permettant de monter à la salle établie au-dessus des chapelles du croisillon sud et au clocher. De nouvelles fenêtres et de nouvelles portes sont percées, mais on aperçoit encore les restes des petites fenêtres de l'ancien dortoir, qui avaient été conservées jusque-là.

Au moment de la Révolution, le nombre des moines était remonté à cinq, avec, à leur tête, un prieur et un sous-prieur. Les moines furent dispersés, l'abbaye vendue et morcelée, les bâtiments abandonnés.

En 1822, une fabrique de porcelaine dépendant d'une maison de Mehun-sur-Yèvre s'y installa, et les vieux bâtiments eurent fort à souffrir de cette nouvelle destination. L'église fut divisée par un plancher en deux dans le sens de la hauteur, une porte fut établie dans les deux portes géminées anciennes ; des fours à porcelaine furent adossés contre le mur nord du collatéral ; les greniers du cloître furent rehaussés et agrandis. La galerie sud du cloître fut crevée de deux larges portes, privée de ses contreforts : ses voûtes s'effondrèrent.

Après 1886, de nouveaux désastres sont à redouter, et, dans une lettre du 29 juillet 1893, G. Darcy, qui avait, quelques années auparavant, fait d'excellents relevés de l'église et de l'abbaye, alerte le Ministre : on vient de démolir les ateliers au-dessus des galeries du cloître, et les voûtes du cloître sont exposées à toutes les intempéries ; on a fait déposer trois panneaux de vitrerie de la fin du XIIe siècle qui subsistaient dans les fenêtres hautes du croisillon sud et dans la dernière fenêtre de la nef du côté sud, vitraux définitivement perdus et qui eussent constitué un souvenir bien précieux de l'art des Cisterciens. Enfin, le bâtiment du cellier est menacé, on veut l'abattre pour utiliser les pierres et les poutres.

L'année suivante l'abbaye était vendue. Le nouveau propriétaire, l'abbé Pailler, curé de Saint-Roch à Saint-Amand, qui voulait en faire un orphelinat industriel et agricole, débarrassa l'église de ses planchers et de ses fours, nettoya les murs, vida les salles des débris qui les encombraient, acheva d'enlever les ateliers établis sur les galeries du cloître et protégea les voûtes par un dallage de briques. En 1895, sur le rapport de Selmersheim, les Monuments historiques décidèrent de s'associer à l'effort de l'abbé Pailler pour sauver ces bâtiments classés depuis longtemps, et G. Darcy fut chargé de diriger les travaux.

Malheureusement l'oeuvre de l'abbé Pailler échoua, et, en 1896, Noirlac était à nouveau mis en vente. G. Darcy, secondé par Buhot de Kersers, voulut faire acheter les bâtiments par l'État, mais il ne put réussir, et Noirlac devint la propriété de la communauté des soeurs du Sacré-Coeur de Loigny (Eure-et-Loir), condamnée par le Saint-Office le 15 avril de cette même année et dissoute par la loi de 1901.

En 1908, les biens étaient encore sous séquestre, mais Darcy fut autorisé à faire les travaux indispensables : établissement des terrasses sur les voûtes du cloître, réfection des souches des cheminées de la salle des moines et de la salle des novices. Enfin, le 29 décembre 1909, après une visite des bâtiments par M. Dujardin-Baumetz qui manifesta hautement son indignation de voir délaisser des bâtiments aussi remarquables, Noirlac fut acheté par le département du Cher. Les travaux de restauration et d'entretien ont alors été repris, et ils n'ont cessé depuis d'être dirigés avec un soin pieux par M. Lucien Roy, puis par M. Huignard. Des bâtiments adventices au nord de l'église, et près du cellier ont été rasés, les terrains assainis par de grands fossés, le mur nord de l'église en partie reconstruit et les couvertures refaites. Le cloître et les différentes salles, ainsi que le bâtiment proche de l'entrée ont été nettoyés, réparés, consolidés. Les charpentes et les couvertures, dont certaines sont en fort mauvais état, seront réparées suivant un projet de restauration d'ensemble dressé par M. Huignard, et dont l'exécution se prolongera pendant plusieurs années.






DESCRIPTION



La route de Bruères à Saint-Amand débouche devant Noirlac sous une arcade qui est le seul témoin de l'ancienne porte de l'abbaye ;

des arrachements, du côté sud, montrent que la porte primitive formait un couloir long de près de 20 mètres, large de 7 m. 60 et couvert de quatre voûtes d'arêtes encadrées par deux arcs d'entrée larges de 1 m. 05. Au sud existe encore une partie de l'église des étrangers, ouverte à tous les passants, hommes et femmes, que l'on trouve toujours auprès des portes des abbayes cisterciennes. C'était une salle rectangulaire, longue de 17 m. 45 et large de 6 m. 05, percée à l'ouest d'une porte ouvrant hors de l'enceinte de l'abbaye et éclairée, à l'est, par une grande fenêtre ébrasée large de plus de 3 mètres.

La route pénètre ensuite dans la première enceinte de l'abbaye, et longe, vers le nord, la deuxième enceinte, dont l'entrée actuelle s'ouvre dans l'axe de la première auprès de quelques constructions, restes des anciens communs.

En 1423, les religieux obtinrent l'autorisation de fortifier Noirlac et des restes de ces fortifications apparaissent encore dans certains bâtiments et notamment au cellier ; mais le donjon qui se trouvait au sud de ce dernier, près de la porte du cloître, a complètement disparu.

En avant des bâtiments réguliers, à l'ouest de l'église et du cellier, passe un grand conduit de 1 m. 40 de large à la base et haut de plus de 1 m. 30, voûté en berceau, descendant vers le Cher, et qui paraît bien avoir été un égout (23).

Autour du cloître sont disposés les bâtiments monastiques, suivant un ordre qui ne varie guère dans les abbayes cisterciennes. L'église ici est au nord ; à l'est, la sacristie et la librairie du cloître, la salle capitulaire, le parloir, l'escalier montant au dortoir qui occupe tout l'étage et la grande salle sur laquelle ouvre, à l'est, une salle plus petite ; au sud, le chauffoir, le réfectoire et les cuisines dont il ne subsiste plus rien ; à l'ouest, le cellier que devaient prolonger autrefois vers le sud, le passage formant l'entrée du cloître et le réfectoire des convers ; sur le tout, régnait le dortoir des convers.






Eglise

— L'église, orientée, dessine le plan typique cistercien dont un des plus anciens exemples se voit à Fontenay : choeur à chevet plat, transept débordant sur chacun des bras duquel s'ouvrent deux chapelles limitées à l'est par un mur plat, longue nef de huit travées doublées de collatéraux. Un porche de quatre travées était accolé à la façade. Sur la croisée s'élevait autrefois un clocheton. L'étude détaillée de la construction fait apparaître diverses campagnes de construction et des changements dans le système de voûtement (24).

Le choeur commencé vers 1150, aussitôt après la donation d'Ebbes de Charenton qui assurait l'avenir de l'abbaye, comprend deux travées, celle de l'est formant sanctuaire légèrement plus étroite, 7 m. 10 contre 7 m. 95 pour le choeur ; chacune est couverte d'une voûte en berceau brisé aux impostes chanfreinées. Les voûtes en blocage reposent sur des sommiers d'appareil. Les murs sont construits de pierres layées avec soin ; certaines présentent un dessin de chevrons exécutés à la laye que l'on retrouve dans les chapelles du transept qui appartiennent à la même campagne de construction que le choeur. Quelques unes portent des marques de tâcheron, notamment à la pile nord de l'entrée du choeur. Les hauteurs d'assises sont assez irrégulières.

Le mur de fond est percé de trois fenêtres brisées, largement ébrasées, comme dans la plupart des églises cisterciennes, et notamment à Fontenay, surmontées d'un oculus qu'encadre un arc en plein cintre porté sur deux colonnettes, dont les chapiteaux ornés de feuillages stylisés sont surmontés de tailloirs carrés. Des fenêtres avaient peut-être été prévues de chaque côté du sanctuaire et on aperçoit encore, à l'extérieur, des ouvertures informes ; à l'intérieur, on n'en trouve aucune trace. Dans le mur sud de la deuxième travée sont réservées une crédence, transformée plus tard en armoire, et une piscine en plein cintre munie de deux cuvettes d'ouverture rectangulaire ; l'une présente une feuillure et était sans doute fermée autrefois par un couvercle (25).

L'autel était donc placé ici, comme à Preuilly où il a pu être remonté à la place primitive, à Jouy où l'on a retrouvé ses fondations et dans la plupart des églises cisterciennes, au fond du choeur, un peu en avant du mur du chevet.

L'arc d'entrée du choeur retombe sur deux pilastres dont les impostes sont moulurées d'un bandeau, un quart de rond et un cavet séparés par des listels. Il est brisé et a une clé, comme la plupart des arcs brisés montés dans l'église.

Les voûtes du transept sont beaucoup plus élevées que celles du choeur et un mur pignon, ici comme à Fontenay, se dresse au-dessus de l'arc d'entrée du choeur ; il est percé d'une fenêtre largement ébrasée.

Le transept déborde au nord et au sud ;

la croisée mesure 8 mètres et les croisillons 10 m. 04 de long, sur une largeur de 7 m. 95 qui est celle du choeur. Les murs nus montent jusque sous les voûtes ; seuls des pilastres aux piliers d'angle de la croisée portent les deux arcs-doubleaux brisés au nord et au sud. Peut-être avait-on pensé établir ici, comme à Fontenay, des voûtes en berceau sur la croisée et sur les croisillons, mais on renonça à ce projet — ce changement de parti apparaît dans l'appareil du mur ouest du croisillon nord, à l'extérieur, au niveau de la corniche des bas-côtés de la nef, — pour établir des voûtes sur croisées d'ogives retombant sur des fûts tronqués accrochés aux angles de la croisée et des croisillons. Les tailloirs, sobrement moulurés, sont placés de biais dans la croisée et à angle droit dans les croisillons ; les chapiteaux sont ornés de feuilles plates et les ogives se profilent en un tore entre deux doucines.

La croisée centrale est munie à son sommet d'un oeil, de petit diamètre, par où l'on montait les cloches dans le clocheton de bois qui surmontait primitivement le transept et dont le soubassement en pierres se voit encore dans les combles du grand toit. Un escalier à vis, réservé dans l'épaisseur du pilier sud-est de la croisée et dont la cage mesure 0 m. 60, partait des combles des chapelles du croisillon sud (26) et débouchait au-dessus des voûtes maîtresses. Une grande croisée d'ogives, à clé nue, couvre chacun des bras du transept. Ces voûtes sont fortement bombées, comme les deux dernières voûtes de la nef, et ne reposent pas sur des formerets. La technique de ces voûtes, le profil des ogives et des tailloirs, le décor des chapiteaux nous font penser que ces travaux ont dû être exécutés vers 1170, et les voûtes montées en même temps que le haut des murs, dont l'appareil correspond exactement à celui des colonnettes et des sommiers des ogives.

Au fond du croisillon nord une porte en arc surbaissé est aujourd'hui bouchée. Un oculus percé au haut du mur de fond au-dessus de trois fenêtres bouchées et deux fenêtres en arc brisé, à l'est et à l'ouest, éclairent le croisillon. Une baie, murée, surmonte la première chapelle et donnait dans le comble ; elle semble avoir été percée après coup.

Les deux chapelles du croisillon nord sont couvertes chacune d'une voûte d'arêtes et éclairées à l'est par une fenêtre en arc brisé. Les arcades d'entrée sont brisées et retombent sur des pilastres dont les impostes ont le même profil que celles qui reçoivent l'arcade d'entrée du choeur, du côté nord : bandeau, cavet et quart de rond séparés par des onglets. Chacune des chapelles est munie d'une piscine à deux trous rectangulaires, dont l'un à feuillure, et d'une armoire à gonds, sans feuillure, réservées dans le mur, du côté sud. La piscine de la première chapelle, contre le choeur, est en arc brisé ; celle de la deuxième en plein cintre et bordée d'une moulure.

Le mur de fond du croisillon sud paraît avoir été monté un peu avant la chapelle du croisillon : le mur et la pile d'angle de cette chapelle ont été relancés dans un mur déjà existant. Il est percé, en son milieu, d'une porte conduisant à la sacristie, et, à droite, d'une autre menant au dortoir et débouchant à un peu plus d'un mètre au-dessus du sol, sur une terrasse constituée par un massif de maçonnerie creusé d'une sorte de niche bordée par un tore continu et amorti à l'angle en une colonne dont le chapiteau est orné de feuilles plates étroites et allongées ; la base aplatie est accrochée par des griffes au socle légèrement enterré.

Un escalier de bois s'y appuyait autrefois, remplacé plus tard par un escalier de pierre qu'éclaire une fenêtre percée au-dessus, vers l'ouest. Dans le mur de fond était une petite baie dont le cintre est découpé dans un linteau, baie qui, comme à Fontenay, donnait sur le dortoir ; tout en haut, sous la voûte, une fenêtre, largement ébrasée, prenait jour au-dessus de la toiture du dortoir.

La nef, longue de huit travées, communique avec les collatéraux par de grandes arcades brisées, simples et non moulurées portées par de hauts piliers rectangulaires renforcés d'un pilastre sur le collatéral et dont les bases s'amortissent en des sortes de grands congés en pointe, ornés de baguettes et dessinant un ressaut. Elle est éclairée par de hautes fenêtres légèrement brisées, ébrasées vers le bas, et a été élevée en trois campagnes nettement caractérisées.

À la première, qui correspond aux années 1150-1160 où furent construits le choeur et les parties basses du transept, appartiennent les trois dernières piles, de chaque côté de la nef, renforcées de colonnes sur dosseret descendant au-dessous de la ligne des impostes, construction massive et puissante destinée peut-être à supporter, ici comme à Fontenay, une voûte en berceau. En même temps avait été construite la partie inférieure du mur des deux dernières travées du collatéral sud, dont les pilastres plus larges et plus saillants portent des arcs-doubleaux brisés plus bas que les autres. La différence de niveau entre le sommet des grandes arcades et les arcs-doubleaux fait penser que l'on avait prévu sur les collatéraux, ici comme à Fontenay, des voûtes en berceaux transversaux dont les impostes auraient passé au-dessus des arcs-doubleaux, et qui auraient encadré les grandes arcades et les fenêtres, non encore construites d'ailleurs.

Vers 1170, on décida de monter, à la place des voûtes en berceau prévues primitivement, des voûtes d'ogives sur le transept et la nef et des voûtes d'arêtes sur les collatéraux ; on surhaussa alors les murs gouttereaux du transept et des deux dernières travées de la nef et monta les voûtes d'ogives très bombées qui les couvrent ; on extradossa les arcs-doubleaux des deux dernières travées du collatéral sud, rehaussa le mur percé de fenêtres élevées donnant au-dessus des combles du cloître primitif, plus bas que le cloître actuel, et monta les voûtes d'arêtes qui encadrent ces fenêtres. Celles-ci ont été murées lors de la construction du cloître, vers 1270. En même temps, on construisait les deux dernières travées du collatéral nord sont avec des arcs-doubleaux plus élevés qu'au sud et jetait, au même niveau qu'au sud, les voûtes d'arêtes indispensables à l'équilibre des voûtes de la nef : les arcs-boutants n'existaient pas encore. L'arcade d'entrée sur les bras du transept se trouve ainsi plus haute au nord, où elle fut construite en même temps que les travées voisines du collatéral, que du côté sud, où elle appartient, à la campagne de construction précédente. Ce fut l'objet de la deuxième campagne, de 1170 environ à 1190. C'est sans doute à la même époque que l'on éleva le mur des premières travées du collatéral sud contre lequel s'appuyait le cloître primitif ; il est en moellons, tandis que, dans les deux dernières travées, il est appareillé.

Dans une troisième campagne, qui se prolongea pendant toute la première moitié du XIIIe siècle, on construisit les six premières travées de la nef, couvertes de voûtes sur croisées d'ogives moins bombées, retombant sur des colonnes tronquées, comme dans les trois dernières piles, et terminées par des culots à feuillage, mais engagées dans des dosserets qui s'arrêtent sur la ligne des impostes des piliers moins larges que dans les deux dernières travées — 1 m. 37 contre 1 m. 75 — et rétrécis vers le haut, sous les grandes arcades, par deux glacis. On voulait conserver le type des piliers des deux dernières travées, mais comme l'on prévoyait, dès les fondations, des voûtes d'ogives qui ne nécessitaient plus des murs gouttereaux aussi épais, on diminua la section des piles et par conséquent, des murs au-dessus. Les chapiteaux des colonnes, décorés de feuilles plates et surmontés d'un haut tailloir simplement mouluré d'un cavet dans les deux dernières travées, sont chargés de volutes et de crochets, avec des tailloirs creusés en larmier dans ces premières travées. À la première pile de la nef, plus récente que les autres, le tailloir de la colonne engagée est à pans, alors qu'il est carré dans les autres travées, et sur le culot sont sculptées des feuilles de chêne.

Le profil des ogives, un tore entre deux cavets, est sensiblement le même d'un bout à l'autre de la nef. Les formerets, qui manquaient encore sous la grande voûte dans les deux dernières travées, comme dans le transept, existent dans les premières. Les arcs-doubleaux, brisés et de profil rectangulaire, semblables dans toute la nef, retombent sur les colonnes engagées, et les ogives sur les dosserets.

À cette même campagne se rattachent les six premières travées des collatéraux. Chaque travée est couverte d'une voûte d'arêtes encadrée par des arcs-doubleaux plus élevés que les trois derniers au sud, pour dégager les fenêtres ouvrant au-dessus du cloître.

Les pilastres qui reçoivent les doubleaux contre les murs latéraux sont moins larges et moins saillants et, par conséquent, l'ouverture de l'arcade est plus large que dans les deux dernières travées du côté sud — 3 m. 40 à 3 m. 50 contre 2 m. 95.

La largeur des grandes arcades de la nef, qui était de 3 m. 37 dans les deux dernières travées, est portée à 3 m. 80 dans la sixième et la deuxième, 3 m. 90 dans la première et 3 m. 65 dans les autres. La largeur de la nef, qui était d'environ 8 mètres entre les trois dernières piles, se rétrécit à 7 m. 58 aux piles 5, 4 et 3, 7 m. 42 aux piles 2, et 7 m. 35 entre les piles 1.

Tout, dans le plan, l'élévation, la décoration, la construction des voûtes, marque donc un changement de parti entre les deux dernières travées de la nef et les premières. La hauteur des voûtes du transept est de 17 mètres sous clé, celles de la nef de 16 m. 45 et des collatéraux de 7 m. 50.

Une porte à linteau, sous un arc de décharge en plein cintre, percée dans la dernière travée du collatéral sud, fait communiquer l'église avec la travée orientale du cloître.

Deux piscines en plein cintre aux arêtes abattues sont dans le mur de la quatrième et de la cinquième travée du collatéral sud, ce qui prouve qu'il y avait là des autels adossés aux clôtures qui séparaient le choeur des moines du choeur des malades et des moines âgés, et ce dernier du choeur des convers.

Dans la première travée de ce même collatéral sud se remarque un collage à 0 m. 60 de l'arête extérieure de l'ébrasement de la fenêtre et à 1 m. 45 de l'angle sud-ouest du collatéral. C'est en ce point que le mur sud de l'église vient s'appuyer sur l'angle nord-est du cellier, dont la construction est antérieure à celle des premières travées de l'église, et qui fut conservé lors de l'achèvement de celle-ci, ainsi que l'indique l'appareil des murs, la trace verticale très nette du collage, et, au bas, le talus du soubassement extérieur du cellier que l'on trouve ici comme à l'extérieur des autres constructions du XIIe siècle et notamment au chevet de l'église.

Dans cette travée est percée une porte en arc tréflé débouchant aujourd'hui sur la galerie occidentale du cloître, et, primitivement, sur la ruelle séparant le cloître du bâtiment des convers. La fenêtre, au-dessus, en arc brisé, avec un joint à la clé, a été agrandie en porte à feuillures et gonds en 1692, pour permettre de passer à l'étage supérieur du bâtiment des convers dans l'église. Un escalier de bois devait être installé dans l'angle du collatéral.

Sur la première pile, du côté nord, est gravée l'épure au trait de la galerie sud du cloître, construite dans la deuxième moitié du XIVe siècle.

Deux portes géminées en plein cintre, dont les voussures toriques reposent sur des colonnettes aux chapiteaux ornés de crochets et aux bases aplaties et débordantes portant sur un socle mouluré, débouchaient de l'église sous le porche accolé à la façade et qui comprenait quatre travées couvertes de voûtes sur croisées d'ogives dont les arrachements sont encore visibles, ainsi que les colonnes engagées, aux beaux chapiteaux à crochets et les consoles qui en recevaient les retombées contre la façade. Le porche fut détruit par les Huguenots en 1562, et, au XIXe siècle, les deux portes furent détruites et remplacées, pour les besoins de la fabrique qui s'était installée dans l'église, par une porte unique plus large.

Au milieu de la façade, une rose, encadrée par un arc en plein cintre, est ornée de six festons taillés dans des dalles.

Une grande toiture à double pente recouvre le vaisseau central. La charpente est à entraits retroussés, pour échapper à l'extrados fortement bombé, surtout dans les deux dernières travées des voûtes. Une corniche, du type bourguignon, court sous les toitures hautes et basses, sauf aux chapelles du transept dont les murs ont été remontés pour agrandir les combles. Des contreforts larges et peu saillants épaulent l'édifice aux angles et en face des doubleaux de la nef et des collatéraux ; ceux des six premières travées de la nef du côté nord sont plus saillants que les autres. Les voûtes hautes de la nef sont épaulées par des arcs-boutants étroits, très simples, sans clocheton ni fleuron sur la culée, qui ont été ajoutés après coup, dans les deux dernières travées de la nef : leur tête s'appuie sur la moulure du glacis des contreforts. Dans les premières travées, ils n'avaient pas été prévus lors de la plantation des murs, mais ils ont été ajoutés en même temps que l'on construisait les parties hautes de la nef, et leur tête est appareillée avec le contrefort contre lequel ils s'appuient.

Les contreforts d'angle du croisillon sud sont réunis et forment une masse épaisse, puissante, peu saillante, qui enveloppe complètement l'angle; ils facilitent ainsi le raccord du bâtiment avec le dortoir et le cloître, et diminuent les noues assez compliquées et les ressauts de la toiture en ce point. Ce parti habile se retrouve dans d'autres églises cisterciennes, notamment à Silvacane.

La façade du bras nord du transept, qui avait eu fort à souffrir des guerres de religion, fut encore défigurée par les occupants de la première moitié du XIXe siècle, et elle se trouve aujourd'hui en partie cachée par les terrassements posés sur la voûte en berceau d'une salle longue de 13 m. 75 et large de 3 m. 30 ajoutée au XVIIe siècle ou au XVIIIe au pied du croisillon.

L'étude détaillée de l'église nous a donc permis d'y reconnaître trois campagnes de construction, qui, d'après le dessin des arcs, les profils des moulures, le décor des chapiteaux, peuvent être datées respectivement de 1150-1160 environ, 1170-1190, et de la première moitié du XIIIe siècle. À la première appartiennent le choeur et les parties basses du transept et des deux dernières travées de la nef et du collatéral sud ; à la deuxième, les voûtes d'arêtes des chapelles, les parties hautes et les voûtes du transept, des deux dernières travées de la nef et du collatéral sud, ainsi que le mur sud de ce collatéral sauf dans la première travée, mur contre lequel s'appuyait, au sud, le cloître primitif, enfin les deux dernières travées du collatéral nord ; à la troisième, les six premières travées de la nef et des collatéraux ; le travail se terminait vers le milieu du XIIIe siècle par la façade et le porche qui y était accolé. La construction fut donc très lente, et dura près de cent ans, mais elle présente cependant une véritable unité dans ses grandes lignes, et le changement de parti en élévation est dû au remplacement des voûtes en berceau que l'on avait sans doute projetées ici comme à Fontenay, par des voûtes d'arêtes sur les chapelles et les collatéraux, et des voûtes d'ogives sur la nef et le transept.






Cloître

— Au sud de l'église s'étendent, autour du cloître, les bâtiments conventuels, encore en grande partie conservés.

Les quatre galeries du cloître ont été construites à différentes époques, dans la seconde moitié du XIIIe siècle et au cours du XIVe, sur un plan rectangulaire plus long d'environ 5 mètres de l'est à l'ouest.

Du cloître primitif, il ne subsiste aucun témoin sauf peut-être, sur les murs des galeries nord et sud, et, notamment dans les travées orientales, des traces de voûtains, qui font penser qu'il aurait été couvert de voûtes d'arêtes, et, le long du mur de l'église, des témoins du solin de l'ancienne charpente passant sous l'appui des fenêtres qui se trouvèrent bouchées par les combles du nouveau cloître.

Ce cloître devait être carré. Madame de Maillé a prouvé, dans un mémoire qui sera publié sous peu et dont elle a bien voulu me communiquer les conclusions, qu'une ruelle séparait la galerie ouest du bâtiment des convers, comme il en existait dans les plus anciennes abbayes cisterciennes, à Clairvaux, à Pontigny, à Fontenay, à Preuilly, à Fossanova en Italie, abbayes qui présentent avec Noirlac de curieuses ressemblances, et encore à Royaumont au XIIIe siècle. Cette ruelle, large de près de 6 mètres, ainsi que le prouve un arrachement au bas du mur de l'église et l'arrêt du solin du cloître primitif le long du même mur, isolait les moines des convers qui pouvaient ainsi se rendre directement du bâtiment qui leur était réservé à l'église sans traverser le cloître. Une porte large de 1 m. 32, qui paraît bien avoir existé dès l'origine, à l'extrémité sud du mur oriental de ce qui était autrefois le dortoir des convers, au-dessus du cellier, et les fenêtres de ce dortoir, qui ne pouvaient donner directement sur le cloître, sont des témoins de cette disposition primitive.

Le puits se trouvait ainsi sensiblement au centre du cloître.

Comme à Royaumont et à Villers, où la voûte qui portait l'escalier existe encore, un escalier extérieur permettait de descendre du dortoir dans la ruelle. À Fontenay, le mur occidental du cloître vient buter sur la deuxième travée de l'église, et, dans la première, on voit encore la porte qui faisait communiquer la ruelle et l'église.

Dans la nouvelle construction, le maître d'oeuvre a allongé le préau vers l'ouest et monté la galerie occidentale du cloître sur l'emplacement de l'ancienne ruelle.

Les deux galeries les plus anciennes du nouveau cloître sont celles du nord et de l'ouest, appuyées contre l'église et contre le cellier. La première, au nord, longue de 38 m. 10 et large de 4 m. 73, comprend cinq travées couvertes de voûtes d'ogives sexpartites en blocage, renforcées par une ligne de faîte appareillée — la travée occidentale est plus longue que les autres, — et deux travées d'angle dont la croisée d'ogives se complète de deux branches réunissant la clé au mur de fond.

À l'est, la branche qui vient retomber contre le mur plus ancien du croisillon sud bouche en partie une niche cintrée, peut-être un enfeu. La deuxième, à l'ouest, longue de 33 m. 09 et large de 5 m. 04, comprend quatre travées égales couvertes de voûtes sexpartites et, au sud, une travée d'angle semblable aux précédentes. La galerie ouest est plus large que la galerie nord ; la pente des toitures était sensiblement la même, et la toiture de la galerie ouest montait plus haut que celle de la galerie nord, ainsi que le prouvent quelques corbeaux encore en place aujourd'hui.

Ogives et doubleaux se profilent d'un tore, renforcé d'un listel nettement marqué, et retombent d'un côté sur des consoles, — moulurées au nord, ornées de feuillages à l'ouest, — et, de l'autre, sur les arceaux du préau.

La galerie nord fut commencée la première et les quatre travées orientales furent construites avant la dernière travée à l'ouest. Chacune d'elles s'ouvre sur le préau par quatre arcades brisées retombant sur cinq piles monolithes découpées en forme de colonnes géminées et portant deux oculus encadrés chacun par un grand arc également brisé. Les ogives principales et les doubleaux retombent sur des piles de maçonnerie, flanquées de colonnettes, tandis que des colonnes géminées semblables à celles des autres arcades reçoivent les ogives intermédiaires. On s'aperçut, au cours de la construction, que les voûtes seraient insuffisamment contrebutées, et on épaula les retombées des ogives par un étroit éperon d'une saillie de 1 m. 08, qui vient s'appuyer sur le bahut du cloître et est appareillé au-dessus avec les piles fortes, tandis que, en face des ogives intermédiaires, il masque les colonnes, dont les chapiteaux et les tailloirs sont appareillés avec l'éperon lui-même.

Dans la dernière travée à l'ouest, on établit, dès les fondations, une pile intermédiaire sous l'ogive secondaire, avec deux colonnes géminées sous les arcs des baies et une colonne sous la retombée de l'ogive. Nous retrouvons cette pile intermédiaire alternant avec la pile forte dont elle est séparée par un groupe de colonnes géminées, dans la galerie occidentale. Cette dernière a donc été construite après la galerie nord.

En outre, dans la galerie nord, l'arc d'encadrement intérieur des baies se double d'un formeret retombant assez gauchement, aux piles principales, sur une colonnette, et butant plus mal encore sur les ogives intermédiaires. Le maître d'oeuvre, sentant la difficulté qu'il y avait à placer ce deuxième arc encadrant le premier et en comprenant l'inutilité, l'a supprimé dans la galerie ouest.

Les piles d'angle, moins allongées et plus trapues, sont flanquées de trois colonnes de chaque côté et amorties, à l'angle, sous la retombée de l'ogive, par une septième colonne, le tout d'appareil, tandis que les autres colonnes sont monolithes, maintenues par des goujons aux bases et aux chapiteaux.

Les arcades des baies sont creusées en leur intrados d'une sorte de feuillure qui prouve que, à un moment donné, elles furent vitrées.

Colonnes et piles reposent sur un bahut dont l'angle s'amortit d'une sorte de talon renversé. Les tailloirs se creusent d'un larmier ; les chapiteaux s'ornent de crochets et de feuilles découpées ; l'astragale s'amincit en amande ; les bases se profilent alternativement d'une scotie profonde prise entre deux tores, le tore inférieur aplati et débordant, et d'un tore posé sur un socle creusé d'une gorge entre deux tores. Dans la travée occidentale de la galerie nord, les tores inférieurs très aplatis des bases de la pile intermédiaire sont soutenus par de petites consoles.

Ces détails, les profils des nervures des voûtes, la décoration des chapiteaux, prouvent que ces galeries, commencées vers 1270, alors que venait d'être terminée l'église, furent achevées dans le dernier quart du XIIIe siècle. La galerie nord fut commencée la première et les travaux allèrent de l'est à l'ouest ; on construisit ensuite la galerie ouest.

On commença alors la galerie orientale du cloître qui fut montée dans la première moitié du XIVe siècle. Les cinq travées, de plan carré, sont couvertes de voûtes sur croisée d'ogives dont le profil rappelle celui des deux galeries nord et ouest. Les baies sont garnies d'un réseau de triangles curvilignes à redents, et dans la dernière travée au sud, plus large que les autres, d'une rose à cinq lobes, portée par des arcs brisés trèflés retombant sur deux piles dans la première travée au nord, sur trois dans les autres, dessinant quatre colonnes accolées. Le galbe des piles principales se profile également de colonnes sous la retombée des arceaux des baies et des arcs d'encadrement et aussi des doubleaux et des ogives des voûtes. Les éperons, plus larges que dans les galeries précédentes, sont aussi plus longs et forment une saillie de 1 m. 54. Dans la première travée, on a utilisé des tailloirs et un groupe de chapiteaux à crochets qui étaient restés inemployés dans les galeries précédemment construites. Les autres chapiteaux sont ornés de feuilles et de feuillages au milieu desquels apparaissent des masques et des figures décoratives ; les astragales se creusent en larmier ; les tailloirs, moins épais, polygonaux, ne comprennent plus qu'un méplat et un cavet séparés par un onglet ; dans les bases, la scotie a disparu et les deux tores se sont soudés et rattachés au socle pour donner le profil caractéristique du XIVe siècle.

On ne trouve pas ici de traces de feuillures dans le réseau comme dans les galeries nord et ouest.

La pile d'angle au sud, montée avec le reste de la galerie, était restée épanelée et elle ne fut moulurée qu'un peu plus tard, lorsque l'on construisit la galerie sud, ce qui explique les irrégularités que l'on y voit et notamment cet astragale taillé à quelques centimètres au-dessus du joint, parti de décoration illogique et d'ailleurs fort laid.

C'est seulement au milieu, ou plutôt dans la deuxième moitié du XIVe siècle, que fut bâtie la galerie méridionale. L'architecte, gêné peut-être par les dispositions de l'ancien cloître, avait établi assez irrégulièrement les voûtes. Elles se sont effondrées et, sans doute, depuis le début du XIXe siècle ; mais les arrachements permettent de restituer, de l'est à l'ouest, une travée de voûtes sexpartite, deux travées carrées et deux sexpartites. Ces voûtes retombaient du côté du fond sur des consoles et, vers le préau, sur des piles aujourd'hui sans éperon. Les piles extrêmes existent encore, — celles du milieu ont été détruites au cours du dernier siècle ; une autre a été déplacée et ne se trouve plus en face de la retombée de la voûte ; — elles dessinent un plan en losange enrichi de nombreuses colonnes ; l'épure en est conservée sur la première pile nord de la nef de l'église, où l'avait dessinée à la pointe le maître d'oeuvre. La corbeille des chapiteaux, entièrement nue, est surmontée de tailloirs à becs profilés en larmiers. Sous la retombée des ogives et des doubleaux, les colonnes s'amincissent également en amande. Les bases sont à peu près les mêmes que dans la galerie est. Chacune de ces piles alterne avec une pilette sans chapiteau, entourée de nervures dessinant des colonnes et des colonnettes qui se prolongent dans le réseau des baies. Celui-ci est formé d'un triangle curviligne à redent porté par deux arcades tréflées et profilées en amande.

Vers le milieu de la galerie, à hauteur des deux travées de plan carré, —- rappelons que primitivement le cloître s'étendait moins loin à l'ouest, — s'ouvrait une petite salle en saillie sur le préau, qui abritait la fontaine des moines. Il n'en subsiste plus rien aujourd'hui. Une colonnette dont le fût descend jusqu'au sol — tandis que les autres s'arrêtent sur le bahut — contre la deuxième pile en partant de l'est devait porter l'arcade d'entrée du lavabo.

À une époque, dont la date est difficile à déterminer, à la fin du XVIe siècle peut-être, après les dévastations des guerres de religion, on établit au-dessus des quatre galeries du cloître un étage à pans de bois, dont les combles transversaux, à deux versants, s'appuyaient sur les murs des bâtiments conventuels et sur la toiture du collatéral de l'église. Ces galeries hautes, qui communiquaient avec les bâtiments par des portes encore visibles aujourd'hui en plusieurs endroits, formaient de grands greniers que se partagèrent les moines et l'abbé, lors des règlements de 1692, et qui subsistèrent jusqu'au XIXe siècle, où Darcy acheva de les détruire lors des restaurations qu'il exécuta dans l'abbaye. Dans l'angle nord-est, angle de l'église et du dortoir, devait exister à l'origine une cellule voûtée ouvrant sur le dortoir par une porte en plein cintre existant encore aujourd'hui, et dont la toiture à double pente s'appuyait sur le mur du croisillon, sous des solins encore visibles. C'était sans doute la cellule du moine sacristain qui veillait sur le sanctuaire par la fenêtre ouvrant dans le mur ouest du croisillon sud et qui devait sonner la cloche et allumer les lampes et les chandelles au dortoir et dans l'église, chaque nuit au moment de matines (27). On trouve cette cellule encore bien conservée au Thoronet ; dans quelques autres abbayes, des témoins marquent l'emplacement qu'elle occupait. Cette cellule existait encore en 1751 et ne dut disparaître qu'au cours des travaux du XIXe siècle.

À quatre mètres environ au nord-est du centre du préau se trouve le puits, dont les ferrures peuvent remonter au XVIe siècle.






Bâtiments conventuels
— Le bâtiment des moines, à l'est du cloître, a été construit dans la seconde moitié du XIIe siècle. Commencé du côté nord, vers 1160-1170, un peu après l'église, il a été terminé au sud à la fin du XIIe siècle. Il comprend, du nord au sud, la sacristie, la salle capitulaire, le parloir qui faisait sans doute en même temps passage de communication entre le cloître et le jardin, l'escalier montant au dortoir, la salle, communiquant avec un bâtiment en aile qui, à l'origine, se prolongeait vers l'est et devait servir de soubassement au bâtiment des latrines et qui, dans la suite, devint l'habitation de l'abbé, puis du prieur.


La sacristie
La salle capitulaire
Le parloir
La salle des moines
Le dortoir des moines
Le réfectoire
Le chauffoir
Le bâtiment des convers
Le cellier





La sacristie
La sacristie s'appuie au nord sur le mur du fond du croisillon sud de l'église, plus ancien qu'elle, et dans lequel on relança les arcs-doubleaux en plein cintre non moulurés qui séparent les voûtes d'arêtes en blocage (28). Il ne subsiste plus aujourd'hui que deux travées ; une troisième, couverte également d'une voûte d'arêtes, faisait autrefois saillie à l'est, et le mur de la sacristie prolongeait le mur de fond des chapelles des croisillons ; des arrachements, les amorces des voûtes permettent de reconstituer très exactement cette travée dont l'arc-doubleau existe encore. Elle fut supprimée un peu après 1750, lors des remaniements du mur oriental du bâtiment des moines.

La voûte de la travée voisine du cloître est d'environ un mètre plus bas que celles des deux autres travées, pour laisser passer l'escalier conduisant de l'église au dortoir. Cette travée ouvre directement sur le cloître par une porte cintrée ; une cloison, comme à Fossanova, la séparait sans doute autrefois de la deuxième travée, et elle constituait ce que les textes nomment l' « armarium claustri », sorte de réduit que l'on trouve toujours dans le cloître, près de la porte par où les moines entrent dans l'église, et où ils prenaient et déposaient après s'en être servi les livres qui leur servaient pour la lecture et la collation dans le cloître.

La construction de la sacristie est postérieure non seulement à celle du mur de fond du croisillon sud, mais encore à celle des chapelles de ce croisillon, car on voit le long de ces chapelles un biseau de soubassement qui se continue tout autour du choeur et qui montre que l'on avait pensé laisser primitivement, à l'extérieur le mur sud des chapelles, qui, très peu de temps après, fut enfermé dans la sacristie et abrité par ses voûtes. Le mur de fond de la sacristie vint se coller sur le contrefort sud de la chapelle.




La salle capitulaire

La salle capitulaire, longue de 12 m. 70 du nord au sud, et haute de 4 m. 60 sous voûte, construite vers 1170, comme la sacristie, est divisée en six travées carrées par deux colonnes qui soutiennent avec, le long des murs, des colonnes tronquées terminées en cône renversé, fréquentes dans les constructions cisterciennes, les retombées des six croisées d'ogives de la voûte. Suivant une habitude des Cisterciens, la salle capitulaire est construite avec plus de recherche que les autres salles, et celle-ci est couverte de voûtes d'ogives alors que les salles voisines construites en même temps qu'elle et même après elle, ont encore des voûtes d'arêtes. Les doubleaux et les formerets sont en plein cintre et à arêtes vives. Les branches d'ogives, qui se croisent au centre, sur une clé sans aucun décor, sont moulurées d'un simple tore dégagé par deux cavets. Les colonnes isolées sont décorées chacune de seize cannelures concaves amorties deux à deux par des congés à leurs extrémités. Les bases à huit pans se profilent d'un cavet entre deux tores, le tore inférieur complètement aplati sur le socle.

Le chapiteau, orné de minces feuilles plates très allongées, est surmonté d'un tailloir octogone composé d'un bandeau réuni à un tore par un cavet bordé de deux arêtes ; l'astragale s'amincit en amande. Il semble que dans tous les détails de cette mouluration, le maître d'oeuvre, craignant d'amollir les formes, ait multiplié les pans et les arêtes, soit en plan, soit en profil. La même remarque peut être faite pour les baies par lesquelles la salle capitulaire communique largement, comme l'ordonne la règle, avec le cloître. De chaque côté de la porte dont l'arc, en plein cintre, non mouluré, retombe sur deux fortes colonnes, est percée une baie divisée en deux formes par des arceaux légèrement brisés et portant un tympan ajouré d'une sorte de losange aux lignes convexes. Cette double arcade, taillée dans de fortes dalles de pierre dont les morceaux sont réunis par des joints, est amortie aux angles par un biseau terminé par un congé. Elle retombe à ses extrémités sur de fortes colonnes appareillées avec les piles de la baie et, au centre, sur une élégante colonnette octogone posée sur une base également octogone.




Le parloir
L'étroite salle qui suit au sud, couverte de deux voûtes d'arêtes était, comme à Clairvaux et à Fontenay, le parloir où le prieur pouvait converser avec les moines. Peut-être une porte était-elle percée à l'est dès l'origine, ce qui permettait de passer du cloître au jardin sans traverser la salle des moines ; la porte actuelle, qui date du XVIIIe siècle, paraît avoir été repercée dans une porte ancienne. À Clairvaux, le fond du parloir qui servait également de bibliothèque était clos et on devait traverser la salle pour se rendre du grand cloître au petit cloître, à l'infirmerie, à la maison de l'abbé et au noviciat. Il semble, au contraire, qu'à Cîteaux et dans mainte autre abbaye, Silvacane, Senanque, le Thoronet, Fossanova, Casamari, Poblet, etc., le parloir formait en même temps passage. À Fontenay, l'escalier du dortoir fut, dans la suite, supprimé et transformé en passage ; et on monta au dortoir par un escalier dressé dans le petit chauffoir, au sud du cloître. Dans quelques grandes abbayes, comme à Bronnbach, Villers, on trouve à côté l'un de l'autre, entre le chapitre et la salle, le parloir, l'escalier et le passage.

Le couloir voisin renfermait l'escalier, dont les arrachements sont encore visibles sur le mur, qui montait au dortoir. Sous la cage de l'escalier, est une salle basse couverte de deux voûtes d'arêtes, communiquant au sud avec la salle par une porte rectangulaire couverte par un linteau soutenu par deux corbeaux creusés d'un cavet, comme dans toutes les portes des constructions élevées au XIIe et au début du XIIIe siècle. Elle est éclairée par une petite fenêtre autrefois fermée par des barreaux ; les trous de scellement sont encore visibles. Deux niches, hautes de 0 m. 65 et larges de 0 m. 80, sont creusées dans le mur. Peut-être ce réduit, qui existe dans la plupart des abbayes cisterciennes, servait-il primitivement de bibliothèque pour les manuscrits ; peut-être fut-il plus tard utilisé comme prison : il faudrait y voir la prison des moines mentionnée à diverses reprises dans les statuts du XIIIe siècle, depuis 1206.




La Salle des moines
La partie sud du bâtiment est occupée par une grande salle, la Salle des moines, qui donne sur le cloître, dans la dernière travée de la galerie orientale, par une porte largement ouverte sous un linteau en bâtière soutenu par deux corbeaux.

Elle est divisée en deux par une épine de trois colonnes et couverte de huit voûtes d'arêtes ; elle était chauffée par une cheminée creusée dans le mur oriental de la troisième travée et s'éclairait par des fenêtres percées à l'est, au sud et à l'ouest. Cette dernière a été bouchée lors de la construction d'une pièce aménagée, en 1748, entre la salle et le réfectoire. Un banc courait tout autour des murs. La cheminée n'existait peut-être pas dès l'origine et a pu être ajoutée postérieurement.

Les chapiteaux lisses des colonnes soulignés par un astragale torique creusé d'un léger cavet, les bases où la scotie s'encadre entre deux tores aplatis, le profil très simple des tailloirs, nous amènent à penser que cette salle, où se tenaient les moines pour lire et travailler, lorsque le temps ne permettait pas de demeurer dans le cloître, fut construite à la fin du XIIe siècle.

C'est à la même époque que dut être élevé le bâtiment en aile, à l'est, dont la salle basse couverte de deux voûtes d'arêtes, très remaniée au XVIIIe siècle, est également chauffée par une cheminée dont le corps fait saillie sur le mur nord et terminée, comme à Fontenay, par un tuyau cylindrique, surmonté d'une flèche conique percée de trous comme la précédente. Ces deux lanternons ajourés furent reconstruits au XIXe siècle par Darcy, d'après les modèles anciens encore conservés. Comme la précédente, cette cheminée fut montée après coup et sa souche masque, à l'extérieur, le montant d'une fenêtre. Un mur séparait primitivement la première travée de la deuxième qui devait se prolonger vers l'ouest, et constituait sans doute le soubassement du bâtiment des latrines qui est généralement placé en cet endroit, à l'extrémité du dortoir. Au XVIIIe siècle, le bâtiment fut raccourci, transformé et affecté au prieur. Les voûtes furent reconstruites, les murs supérieurs remontés et on perça au sud deux hautes fenêtres. On aperçoit encore dans les murs les restes des portes et fenêtres primitives.




Le dortoir des moines
Au-dessus de ces bâtiments s'étendait le dortoir des moines, communiquant directement avec l'église par l'escalier qui débouche au fond du croisillon sud.

Toute cette partie fut remaniée au XVIIe siècle d'abord, lorsque le pape Alexandre VI autorisa les moines à remplacer par des cellules le dortoir commun, puis un peu après le milieu du XVIIIe, lorsque l'on établit ces jolies chambres à alcôves destinées à l'abbé et à ses hôtes, les moines, peu nombreux d'ailleurs, ayant été relégués dans l'ancien réfectoire où avaient été aménagées un certain nombre de cellules.

Mais on aperçoit encore dans les murs est et ouest les petites fenêtres arrondies à leur sommet de l'ancien dortoir, et on retrouve, dans la partie nord, touchant à l'église, les témoins d'un arrangement intéressant, qui n'est plus visible que dans quelques abbayes cisterciennes, comme au Val-Notre-Dame, auprès de Paris : au-dessus de la travée aujourd'hui disparue de la sacristie, était une petite chambre voûtée, dont le sol se trouvait à environ 0 m. 70 au-dessus du sol du dortoir et qui communiquait par un étroit escalier de huit marches avec l'escalier principal descendant dans l'église. C'était à l'origine la chambre de l'abbé et, lorsque plus tard, l'abbé fut logé dans un bâtiment spécial, ce devint la chambre du prieur. Abbé ou prieur étaient ainsi isolés, mais pouvaient facilement surveiller le dortoir. Au XVIIIe siècle, la pièce avait été transformée en prison. En pendant, vers l'est, était une autre pièce voûtée montée sur les galeries du cloître et qui était la chambre du moine sacristain, ainsi que je l'ai montré plus haut.

Vers le milieu du XVIIIe siècle, très peu d'années sans doute après l'année 1751 où fut fait cet inventaire que nous avons signalé plus haut, on rasa la saillie que faisait cette petite pièce et la travée de la sacristie située au-dessous ; les traces de l'arc d'entrée de la chambre sont encore visibles à l'extérieur, dans le mur oriental du bâtiment des moines, qui fut restauré et percé de portes et de grandes fenêtres légèrement cintrées à leur partie haute, en même temps que l'on établissait dans le dortoir, à la place des cellules, les chambres à alcôves. On perça alors le petit oculus destiné à éclairer le couloir et l'escalier qui conduisaient autrefois à la chambre de l'abbé, et le passage menant à l'escalier des combles de l'église.

On avait réservé dans l'épaisseur du mur de l'église, sous un arc en quart de cercle et sur une longueur de 2 m. 70, l'emplacement nécessaire à un escalier large de 0 m. 55, montant aux combles des chapelles du croisillon et constituant l'unique passage permettant d'aller de l'église et du dortoir à l'escalier du grand comble et du clocher de la croisée.

Au cours de récents travaux, l'architecte en chef des Monuments historiques, M. Huignard, restaurant le décor du XVIIIe siècle de la salle du premier étage du bâtiment en aile, découvrit au-dessus du plafond des solives ornées de peintures du XVIIe siècle et réemployées ici au XVIIIe siècle lorsque l'on reconstruisit la chambre du prieur. Quelques unes ont été conservées dans une salle voisine.




Le réfectoire
Au sud du cloître, les bâtiments conventuels sont malheureusement détruits ou défigurés. Au centre, s'allongeait vers le sud le réfectoire, dessinant un rectangle irrégulier long de 24 m. 25, — le mur du fond a une direction légèrement sud-ouest nord-est, — divisé en deux par trois hautes colonnes recevant les retombées des huit croisées d'ogives portant la voûte lancée à 9 m. 50 au-dessus du sol ; dans la première travée à l'ouest et la dernière à l'est, un oculus est creusé au milieu de la clé pour laisser passer les cordes des cloches disposées autrefois dans des clochetons sur les deux versants de la couverture du réfectoire, cloches servant à régler les divers moments des repas, et notamment de la collation après vêpres, ainsi que l'a fort bien expliqué Madame de Maillé (29).


Coupe longitudinale du réfectoire



Les ogives au tore légèrement aminci en amande, comme les doubleaux et les formerets, retombent sur des colonnettes posées sur des culots et, au centre, sur les grandes colonnes dont le chapiteau tourné et le tailloir circulaire mouluré d'un larmier entre deux tores sont les mêmes que ceux du cellier. Les fenêtres qui éclairaient le réfectoire étaient divisées en deux par un meneau portant deux arcs brisés surmontés d'un oculus. Deux portes flanquées de grandes niches en tiers-point faisaient communiquer le réfectoire avec le cloître ; au-dessus sont percées deux roses à six lobes exactement semblables à celle de la façade de l'église terminée un peu avant le milieu du XIIIe siècle. Ce détail concorde avec le style des ogives, des chapiteaux, des tailloirs, des bases, la composition des fenêtres, pour nous faire dater le réfectoire des années 1240-1250. Dans l'angle sud-est a été ajouté, au XVe siècle, un contrefort d'angle.


Vers 1740-1750, le réfectoire fut divisé en deux dans le sens de la hauteur par un plancher, et des cellules lurent aménagées pour les hôtes ; un large escalier, à belle grille de fer forgé, monte au premier étage. Les moines paraissent avoir habité ces cellules dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. (*).





Le chauffoir
Du côté est, entre le réfectoire et la salle se trouvait le chauffoir donnant directement sur le cloître, couvert par quatre voûtes d'arêtes et divisé peut-être eu deux, comme à Fontenay, le petit et le grand chauffoir ; au-dessus devaient être des chambres qui communiquaient avec le dortoir par une porte encore visible, chambres de repos pour les moines fatigués ou affaiblis par la saignée. Une autre salle fut accolée à celle-ci, au sud, en 1748, ainsi que l'indique la date inscrite au-dessus de la porte ; ses voûtes retombent sur un mur épais de 0 m. 84 qui doubla les anciennes constructions.


À l'ouest du réfectoire était la cuisine avec sa grande cheminée double et avançant jusqu'au milieu de la pièce, que Dom Martène put admirer encore en 1708 et qui paraît avoir subsisté jusqu'à la Révolution, et différentes pièces, offices et resserres, que nous ne connaissons plus aujourd'hui que par ce que nous en disent les textes du XVIIe et du XVIIIe siècle.




Le bâtiment des convers
À l'ouest du cloître, s'élevait le bâtiment des convers comprenant le réfectoire, aujourd'hui détruit, et le cellier qui seul subsiste. Entre les deux, était le passage d'entrée du cloître et des bâtiments réguliers. Sur le tout, s'étendait le dortoir. Lorsque, au XIVe et au XVe siècle, l'institution des convers s'affaiblit au point que leur nombre dans les plus grandes abbayes cisterciennes s'en trouvait extrêmement réduit, ces bâtiments se vidèrent ; des chambres d'hôtes et des greniers furent aménagés dans l'ancien dortoir. La partie sud du bâtiment disparut dans le grand incendie allumé par les Huguenots en 1562. Ce qui subsistait fut affecté à l'abbé et prit le nom de logis abbatial, mais l'abbé n'y habita jamais. Un escalier fut construit au sud du cellier, desservant l'étage et aussi quelques chambres aménagées au-dessus des cuisines voisines, au sud de l'entrée du cloître.




Le cellier

Le cellier qui existe encore est une magnifique salle divisée en dix travées par une épine de quatre colonnes. Une partie des murs, où l'on aperçoit encore des traces de baies en plein cintre, remonte à la deuxième moitié du XIIe siècle et était debout avant la construction des premières travées de l'église, comme je l'ai expliqué plus haut : l'angle nord-est du cellier est nettement visible dans la première travée du collatéral sud. Le mur ouest limitait primitivement une ruelle réservée entre ce bâtiment et le cloître. Ce cellier du XIIe siècle était sans doute séparé de l'étage supérieur par un plancher porté par plusieurs files de colonnes . Vers 1240, on planta ces colonnes aux chapiteaux circulaires, bas et limités par un astragale et un tailloir en tore aminci dégagé par un cavet, comme on en trouve souvent dans l'architecture anglaise, dans l'abbaye cistercienne de Tintera par exemple, et aux bases creusées d'une scotie étranglée entre deux tores aplatis, le tore inférieur légèrement débordant. La concordance absolue de ces chapiteaux et de ces bases avec ceux du réfectoire me fait dater ces deux constructions de la même époque, vers 1240-1250, époque où l'on terminait l'église et où l'on montait au milieu de la façade la grande rose à six lobes, soeur de celle du pignon du réfectoire. Les ogives et les doubleaux carrés, aux angles abattus, se croisent sur une clé et retombent sur ces colonnes et sur des culots encastrés dans les murs. La hauteur de la voûte est de 6 m. 35. Les formerets des voûtes masquaient sans doute la partie supérieure des fenêtres primitives dont les cintres durent être refaits plus bas ; plusieurs de ces fenêtres ne se trouvent pas dans l'axe des nouvelles travées ; l'une d'elles, au nord, a même été bouchée par la retombée des voûtes. Le bâtiment se continuait vers le sud par un passage, puis par le réfectoire des convers détruit par l'incendie de 1562, dont les traces sont encore visibles sous les voûtes des deux travées méridionales du cellier. Au début du XVIIIe siècle, de larges fenêtres et deux portes furent percées dans les murs, à l'ouest et au nord, et le cellier fut partagé entre les moines et l'abbé.

Par un arrangement daté du 10 octobre 1692, l'étage supérieur fut à nouveau attribué à l'abbé avec autorisation de percer des portes à l'extrémité nord du mur est et dans la travée voisine de l'église, la première travée du collatéral sud, pour gagner directement l'église ; un escalier devait descendre de cette porte haute dans le collatéral ; les portes furent percées en agrandissant d'anciennes fenêtres, mais il semble bien que l'abbé n'en profita jamais.

Au début du XVIIIe siècle, les murs nord et ouest furent en partie reconstruits et les autres restaurés ; mais l'on retrouve encore dans le mur est les petites fenêtres rectangulaires percées au XIIe siècle et la porte d'où l'on descendait alors dans la ruelle des convers, fenêtres et porte, qui furent aveuglées par la charpente montée sur la galerie du nouveau cloître à la place de la ruelle, à la fin du XIIIe siècle. Les fenêtres furent ouvertes à nouveau mais rétrécies, lorsqu'un étage fut monté au-dessus de la galerie du cloître, étage attribué à l'abbé en même temps que les greniers du cellier. La charpente fut également reconstruite au début du XVIIIe siècle, à la place de l'ancienne incendiée en 1562.





BIBLIOGRAPHIE


— Archives départementales du Cher, fonds de Noirlac, 8 H 1 à 8 H 101.
— Gallia Christiana, t. II, col. 195-198 et Instr., col. 64-67.
— Dom Estiennot, Les Antiquités bénédictines du Berry, ms., vers 1673-1674, Bibl. Nat., ms. lat. 12743, 2e partie, chap. XLI.
— La Thaumassière (Gaspard Thaumas de), Histoire du Berry, 1691.
— Raynal (L.-H. Chaudru de), Histoire du Berry, 1844-1847, t. II, pp. 137-141.
— Buhot de Kersers, Histoire et statistique monumentale du Cher, t. VI, 1892.
— Lefèvre-Pontalis (E.), L'abbaye de Noirlac, dans Congrès archéol. de Bourges, 1898.
— Du Broc De Segange (Ct), Excursion autour de Saint-Amand, Noirlac, dans Bull, de la Soc. Emul. du Bourbonnais, 1907, pp. 43-59, 4 pi.
— Plat (J.), L'abbaye de Noirlac, son histoire, son architecture, 1924.
— Villepelet (J.) et Raffinât (H.), Une visite à l'abbaye de Noirlac, 1926.
— Deshoulières, Les églises de France, Cher, 1932.

Extrait du
GUIDE ARCHÉOLOGIQUE DU CONGRÈS DE BOURGES
1931

L'intégralité de cet ouvrage est accessible sur le site Gallica de la BnF.




Notes
























(1) Exordium magnum ordinis cisterciencis, III, 9-10.























(2) Annales Cisterciennes, VI, 6 ; IX, I.























(3) Orig. Cisterc., I, 43.























(4) Vie de saint Bernard, 1895, t. II, p. 397.























(5) D'après les historiens de Noirlac, Robert aurait été très longtemps abbé de Noirlac et serait enterré dans le cloître ; mais si ce Robert est bien le cousin très aimé de saint Bernard, on sait que dès 1138 il alla fonder l'abbaye des Dunes au diocèse d'Ypres et qu'il y resta jusqu'en 1153 où il fut appelé au gouvernement de Clairvaux, suivant le désir exprimé par saint Bernard sur son lit de mort.























(6) Histoire du Berry, t. II, 1S44, pp. 137-141.
— La lettre de saint Bernard est publiée dans les Hist. de Fr., XV, 612.























(7) Gallia christiana, t. II, Instr. col. 64-67.—Bien que la donation soit faite aux moines de Clairvaux, abbaye mère de la Maison-Dieu, et non à la Maison-Dieu même, peut-être à demi abandonnée alors, ainsi qu'il semble ressortir de la lettre de saint Bernard citée plus haut, on ne peut la considérer comme une charte de fondation, car la Maison-Dieu existait déjà, et c'est sur son emplacement que sera élevée l'abbaye bénéficiaire. D'autre part, certains détails de la rédaction, l'absence apparente de signes de validation, pourraient faire penser que cette pièce de 1150 est une charte narrative destinée à conserver le souvenir d'une donation antérieure, donation verbale peut-être et dont on voulait fixer les termes par écrit. Mais la présence du témoin Baron qui a écrit l'acte donne à penser que la rédaction a suivi de peu la donation ; en outre, l'archevêque Pierre de La Châtre, dans sa charte de confirmation de 1159, affirme que la donation a été faite personnellement par Ebbes, et par sa femme la comtesse Agnès qui a signé comme témoin. Il semble que la date de 1150, qui est la date de la rédaction, doit être aussi celle de la donation. On pourrait s'étonner d'ailleurs que, si une donation aussi considérable avait été faite dès 1136, les moines se fussent trouvés, quelques années plus tard, dans la pénible situation que signale saint Bernard, en 1149. Je proposerai donc de rétablir ainsi les faits : saint Bernard, en 1136, envoie de Clairvaux des moines dirigés par Robert fonder une abbaye à Noirlac, sur un emplacement marécageux et inculte abandonné par les seigneurs de Charenton. L'abbaye, manquant de tout, gênée en outre par les moines voisins de La Celle, périclitait ; peut-être même les moines étaient-ils en partie rentrés à l'abbaye-mère, lorsque la donation du puissant seigneur de Charenton rétablit la situation et assura définitivement l'avenir.













































(8) J. Plat, L'abbaye de Noirlac, p. 25, d'après les Archives du Cher.























(9) Dom Estiennot, mss. à la Bibl. Nat, lat. 12 743, 2e partie, ehap. XLI (vers 1673-1674).
— La Thaumassière, Histoire de Berry, 1691, pp. 721 et 798.























(10) Bull, de la Soc. des Antiq. de France, 1917-1918, pp. 158-160.























(11) Voyez l'explication donnée par Mme la Marquise de Maillé, L'église cistercienne de Preuilly, dans le Bull. Mon., 1930, p. 322.























(12) Raynal, Histoire du Berry, t. II, 1844, pp. 137-141.























(13) Martène et Durand, Voyage litt. de deux bénédictins, I. 38























(14) Archives du Cher, 8 H. 7, n° 6.























(15) Archives du Cher, 8 H. 7, n° 11.























(16) Archives du Cher, 8 H. 74, n° 15. et 8 H. 71, n° 7.























(17) « Les arcboutans de la dite église au costé du septentrion sont équartés et ceux du midi endomagés par les gelées, ce qui expose les voûtes hautes et basses à un péril évident. »























(18) « Le dortoir est si bas et si obscur qu'on n'y peut pas lire pendant le jour mesme. Les cloizons des chambres des religieux tombent. Les chevrons du dit dortoir sont trop équartés, faibles et vieux. La couverture est presque toute de mauvais rebardeau. » (20 octobre 1717.)























(19) « Le dortoir des frères convers, ci devant appelé par abus le logis abbatial, est si ruiné par le feu que les hérétiques y ont mis, qu'il est plus à propos de le jetter à terre, attendu que les voûtes sont équartées, les augives calcinées et cassées et que cette ruine attire une aisle des cloistres au lieu et place duquel il est nécessaire de construire une infirmerie et un logis pour les hostes et des greniers, n'y en ayant point dans l'abbaye. » (20 octobre 1717.)























(20) Arch. Nat., E. 1063a, n° 13.























(21) Archives du Cher, 8 H. 94, n° 13.























(22) Les huit chambres du dortoir, très peu éclairées, sont tournées du côté du Levant ; elles mesurent 15 pieds carrés ; l'une d'elles, avec les cabinets attenants, est occupée par le prieur ; deux autres par le procureur, deux chacune par un moine, deux par les domestiques, la huitième est inoccupée. Le mobilier est pauvre ; « il y a dans le dortoir une petite chambre qui donne sur le cloître, bien voûtée, elle sert à mettre les titres ; plus une autre chambre où est l'escalier de l'orloge, elle ne sert de rien par rapport qu'elle ne peut avoir aucun jour, plus une autre chambre ditte la prison ;... elle est bien voûtée ; elle sert à coucher les domestiques ».























(23) Communication de M. Deshoulières à la Soc. des Antiq. du Centre, 4 décembre 1907.























(24) Les notes très complètes que m'a communiquées Mme la Marquise de Maillé et les relevés de M. Lucien Roy m'ont été très utiles pour l'établissement de cette notice : qu'ils veuillent bien accepter ici l'expression de ma reconnaissance.























(25) Sur le mur nord apparaissent des traces de peinture du XVe ou du début du XVIe siècle, où l'on peut apercevoir encore la silhouette d'un ange aux ailes rouges.























(26) Les combles de ces chapelles ont été remaniés à différentes époques ; on y établit au XVIe siècle une salle. Au XVIIIe siècle, on exhaussa le sol et transforma à nouveau cette petite pièce.























(27) Cf. le Nomasticon, p. 202, et Marquise de Maillé, L'église cistercienne de Preuilly, dans Bull. Mon., 1930, p. 304-305.























(28) On dut entailler les pierres du mur de l'église pour insérer les sommiers des arcs doubleaux.























(29) L'église cistercienne de Preuilly, dans Bull. Mon.. 1930, p. 337, d'après le Nomasticon, pp. 157, 158, 161.




































(*) Depuis la rédaction de cette étude, une heureuse rénovation du réfectoire a fait démonter tout l'étage, et déplacer l'escalier avec sa belle rampe du XVIIIe !