Sainte Félicité et sainte Perpétue
Fête le 7 mars
Is 51 3. Oui, le Seigneur a pitié de toutes ses ruines ;
il va faire de son désert un Eden et de sa steppe un jardin du Seigneur ;
on y trouvera la joie et l'allégresse, l'action de grâces
et le son de la musique.
Extraits de Le purgatoire : traité historique, dogmatique et moral par Théodore Perrin
Actes de sainte Perpétue.
Il n'y a point de martyres plus célèbres dans l'Eglise que sainte Perpétue et sainte Félicité. Tertullien, saint Augustin et plusieurs autres Pères des premiers siècles, en parlent avec les plus grands éloges ; saint Augustin cite assez souvent leurs actes, et il semble dire que dès son temps on les croyait écrits en partie par sainte Perpétue même. C'est de lui que nous apprenons qu'on les lisait publiquement dans l'Eglise et qu'on honorait avec un pieux respect les instructions qu'ils contenaient.
On ne peut guère douter que la principale et la plus belle partie de ces actes n'ait été écrite par sainte Perpétue même, la veille de son martyre. Saint Sature y a écrit aussi une grande vision qu'il avait eue, et le reste est d'un auteur contemporain que plusieurs présument être Tertullien.
Quoi qu'on ne sache pas précisément en quelle année, ni en quelle ville eut lieu le martyre de sainte Perpétue et de ses compagnons, on ne peut le placer plus tard que sous la persécution de Sévère, de 203 à 205, et il y a toute raison de penser avec saint Prosper que Carthage en fut le théâtre ; il est toujours certain que sainte Perpétue et sainte Félicité étaient honorées à Carthage dès le quatrième siècle.
Or, il est impossible de trouver dans toute l'antiquité chrétienne un monument qui établisse plus clairement la croyance des peines temporelles dans l'autre vie, que les actes de ces illustres martyres de Jésus-Christ ; et l'apparition de Dinocrate à Perpétue sa sœur, fût-elle, comme le prétendent les incrédules, une vision, un songe de celle-ci, il n'en reste pas moins constaté que l'on admettait alors et l'expiation des péchés après la mort et les prières pour le repos des défunts.
Nous laisserons raconter cette histoire de Dinocrate au savant et judicieux Tillemont.
Peu de jours après, sainte Perpétue eut la vision de son frère Dinocrate qu'elle rapporte amplement, et d'une manière non moins édifiante qu'agréable.
Elle est célèbre dans saint Augustin, et, c'est presque autant de lui que des actes que nous en tirons cet abrégé.
Cet enfant mort, comme nous avons dit à l'âge de 7 ans, d'un cancer qui lui avait mangé tout le visage, était tombé dans les peines et dans la damnation de la mort, selon l'expression de saint Augustin, (qui peut comprendre par ce terme toutes les peines auxquelles les hommes sont condamnés après la mort à cause de leurs péchés ; car les enfants, dit ce Père, sont capables à 7 ans de mentir et de tomber dans d'autres péchés, de confesser et de renoncer Jésus-Christ. Ce qui fait que lorsqu'ils reçoivent le baptême, ils récitent la profession de foi, et répondent eux-mêmes aux choses qu'on leur demande. Il se peut donc bien faire ajoute saint Augustin, que Dinocrate eût été baptisé (puisque toute sa maison était chrétienne), et qu'ensuite son père l'eût rengagé dans les sacrifices du paganisme, (par un crime que sa résistance et la faiblesse de son âge aura pu rendre bien moins grand qu'il n'eût été dans un autre).
Lors donc que sainte Perpétue priait une nuit avec les confesseurs, elle prononça tout d'un coup le nom de Dinocrate. De quoi elle fut elle-même surprise, ne s'en étant point encore souvenue jusqu'alors. Le malheur et la chute de cet enfant lui étant aussitôt revenus dans l'esprit, elle en sentit beaucoup de douleur, et connut en même temps que Dieu l'avait rendue digne de prier pour lui, et qu'elle devait le faire (tout ce discours de la sainte favorise beaucoup la conjecture de saint Augustin).
Elle commença aussitôt à prier pour lui avec beaucoup d'ardeur et de grands gémissements ; et la même nuit (étant endormie) elle vit son frère, fort loin d'elle, qui sortait d'un lieu ténébreux, avec la plaie qui lui avait ôté la vie, et en un état qui marquait aussi bien que cette plaie, quelles étaient les peines dont son âme était affligée. Sainte Perpétue ne laissait pas d'espérer de le pouvoir soulager par ses prières, qu'elle continuait jour et nuit, demandant à Dieu avec larmes qu'il accordât sa grâce ! sa prière ne fut pas vaine. Car cela ayant duré jusqu'à ce que les martyrs furent transportés (de la prison ordinaire) à celle du camp (plus près du lieu où ils devaient souffrir), en fin Dinocrate apparut à la sainte dans un état bien différent du premier, et qui lui fit connaître qu'il était délivré de la peine qu'il souffrait auparavant.
On objectait cette histoire à saint Augustin pour en conclure que le baptême n'était pas nécessaire aux enfants : à quoi il répond premièrement qu'elle n'était pas d'un livre canonique, dont on peut tirer des preuves dans ces sortes de questions, et en second lieu qu'on ne pouvait pas prouver que cet enfant n'eût point été baptisé. Les hérétiques qui sont ennemis du Purgatoire, ont bien plus de peine à y répondre. Car ils sont réduits à dire que ce n'est qu'un songe, à accuser sainte Perpétue d'avoir été un peu trop légère sur les visions, et à dire franchement qu'elle était une disciple de Montan (Je ne sais s'il se peut rien de plus injurieux pour l'Eglise, qui a honoré jusqu'aux visions de sainte Perpétue. L'autorité de saint Augustin qui n'a rien trouvé dans cette histoire de contraire à ses sentiments, ni à la foi de l'Eglise, pourrait embarrasser des gens sincères et de bonne foi). Mais ils disent hardiment que saint Augustin a fort bien remarqué que Dinocrate n'avait point été baptisé (et c'est précisément ce qu'il combat. Non seulement ce Père n'a point rejeté cette histoire, quand on l'a lui a objectée) : mais il s'en sert lui-même pour montrer que l'âme n'est point qu'un corps.