LE MANOIR DU CHAILLOU
ET
SES SEIGNEURS




Le manoir du Chaillou ?
Peu de meillantais le connaissent.
Même les spécialistes qui ont fait, il y a quelques années, l'inventaire du patrimoine architectural du Saint-Amandois ne semblent pas l'avoir reconnu.

Pourtant ce manoir existe toujours.

C'est la vieille maison, aujourd'hui fort délabrée, du domaine du Chaillou.

Quelles sont ses origines lointaines ?

Le chevalier Raoul Chaillou qui vivait à Meillant en 1270 ?
On aimerait le penser, mais rien ne le prouve.
Alors que la forteresse de l'Homoy existait déjà en 1376, il nous faut attendre 1537 pour trouver mention de l'Hostel du Chailou.

Mais il était déjà fort ancien, car en 1575 ses bâtiments étaient "en ruines et décadence", au point que Charles de la Roche Foucault dut y faire "plusieurs grandes réparacions et mélioracions" et faire "clorre et boucher de grands palliz le dit lieu du Chaillou et jardin d'icelly, pour quoy faire il faict de grands fraictz montans la somme de trois cens escus soleil ou plus".

Un document de 1609 nous en donne la description suivante : "Ung Manoir consistant en deux corps de logis contenant deux chambres basses une boulangerie une laitterie voultée deux chambres haultes grenier dessus cave dessoulz.
Grange à cinq esguilles et ung appentis servant de bergerie fenoil audessus joignant l'ung des pignons deladicte grange le tout couvert de thuille dans laquelle grange y a une lassière pour loger beufs et vaches Courts Jardin chenevière.
Le tout tenant et joignant ensemble près le bourg dudict Meillant contenant quatre boissellées ou environ qui jouxte les terres des appartenances dudict lieu de Chaillou de trois partz, jouxte le chemin tendant dudict Meillant au village de Thioux d'aultre
".

Aujourd'hui encore, quatre siècles plus tard, la description du manoir lui-même correspond bien à la réalité des lieux jusqu'au plus petit détail.

Tout est là, y compris la petite laiterie voûtée, la cave et la boulangerie avec son four à pain.

Les encadrements renaissance des portes et fenêtres sont toujours en place, sauf ceux de la façade qui ont été refaits, sans doute au siècle dernier.

Quand à la grange et aux bâtiments d'exploitation, ils ont été profondément modifiés et même rebâtis assez récemment.


LES SEIGNEURS DU CHAILLOU

1471 - PYON ROUSSARD, Maître des eaux et forêts de Meillant.
Cette année là il agit comme procureur de Pierre d'Amboise, seigneur de Chaumont, Sagonne, Meillant et Charenton, dans un procès avec les bourgeois, manants et habitants de Dun- le-Roy concernant les droits d'usage, dans la forêt de Maulne.

1523 - PIERRE ROUSSARD, bourgeois et Maître particulier de la Monnaie de Bourges, fils de Thomas Roussard (lui aussi Maître de la Monnaie et Echevin de Bourges) et de Jeanne Baston, est décrit comme :
« Sieur du Chaillou, de l'Hosmoys, des Quartiers et de Givry ».
Epoux en premières noces de Demoiselle Poncet, puis en secondes noces de Jehanne Thiboust, il en a huit enfants.
Une de ses filles, Alizon Roussard, épouse Me Jehan Lybault, licencié en loys, lieutenant général de Charenton, Meillant, Chandeuil et Le Pondy, procureur du Roi à Dun, châtelain de Thaumeret et Maître des eaux et forêts de Meillant, dont la grande maison se voit encore, au coeur de Meillant à l'angle de la rue de la Baillite.

En 1537 Pierre Roussard rend foi et hommage pour ses terres à Messire Philbert de Beaujeu, chevalier, seigneur de Lignières, Chaumont-sur- Loire, Baron de Charenton, Meillant, Chandeuil et le Pondy, et à Haute Dame Catherine d'Amboise, son épouse.

C'est dans ce document que nous trouvons la première description des terres et appartenances de la seigneurie du Chaillou.

1544 - PIERRE ROUSSARD, fils de Pierre, hérite semble-til des fiefs du Chaillou et de l'Hosmoys à la mort de son père, autour de 1544, en indivision avec son frère Robert. Ce Pierre est procureur du Roy à Bourges et est marié à Julienne Leblanc. Il meurt vers la fin de l'année 1565.

1565 - ROBERT ROUSSARD, son frère, lui succède le 9 novembre 1565. Il est alors secrétaire de Mr. de Monstrud. En 1570 il sera secrétaire de Mr. de la Tremoille. Il a pour épouse Gabrielle Seurrat, fille de Me Nicolas Seurrat et d'Anne Tuilier.
Bientôt Robert est couvert de dettes.
Un document notarié, long de quinze pages et complexe à souhait, rédigé par Me Gibot, notaire royal en bourbonnais, nous apprend bien des choses.
Les fiefs du Chaillou et de l'Hosmoys, à la requête des créanciers, ont été saisis et mis en vente publique.

Le 23 mai 1575 ils ont été acquis par Charles de la Roche Foucault, chevalier de l'ordre du roi, capitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances, seigneur de Barbezieux, Lignières, Meillant, Charenton, Chandeuil, Le Pondy, Preuilly et Le Blanc en Berry, "pour la somme de 1750 livres tournoys pour chascun desdicts fiefs, qui est pour les deux la somme de 1166 escus et deux tiers", payable aux créanciers de Roussard.

Appel ayant été fait, la cour du Parlement de Paris condamne, en 1580, le sieur de Barbezieux à faire annuler par jugement la vente des deux fiefs.

Robert Roussard récupère alors le Chaillou et l'Hosmoys, mais pas pour bien longtemps. On peut se demander si les difficultés financières de Robert ne provenaient pas du fait de sa belle-mère et de sa femme. En effet Me Gibot les admoneste sévèrement et leur rappelle que « les femmes ne se peuvent obliger pour aucun, et si elles sont mariées ne se peuvent obliger pour leurs maris, ni aliéner ou hypothéquer leurs terres dotales ».

1583 (?) FRANÇOIS AMELOT, avocat en Parlement, acquiert les seigneuries du Chaillou et de l'Hosmoys, dans des conditions et à une date que nous ne connaissons pas.

1586 - JEHAN et CHARLES AMELOT, héritent du Chaillou et de l'Hosmoys en début 1586, lors de la mort de François Amelot, leur frère. Jehan est Conseiller du Roi et Président des enquêtes de la cour du Parlement de Paris.
Charles est Conseiller du Roi et Maitre ordinaire en sa chambre des comptes.

1609 - CHARLES AMELOT et ses neveux JACQUES, DENIS et JEHAN AMELOT, tous trois fils et héritiers de Jehan, possèdent conjointement : le Chaillou et l'Hosmoys.
-Jacques est Conseiller du Roi et Président des requêtes du Palais.
-Denis est pareillement Conseiller du Roi en son grand Conseil.
-Quant à Jehan, il est semblablement Conseiller du Roi et maître des requêtes ordinaires en son Hostel.

Le 18 décembre 1609, les quatre Amelot rendent foi et hommage à Haut et Puissant Messire Anthoine de Brichanteau, seigneur de Beauvais, Nangis, Lignières et autre lieux, et, à cause de Haute et Puissante Dame Anthoinette de la Roche Foucault son épouse, seigneur et baron de Charenton et de Meillant.

1616 - JEAN L'HUESSE, sieur du Chaillou. Il est fils de feu François L'Huesse, en son vivant Maître des eaux et forêts de Meillant, et de Françoise de Brissac. ?

- JEAN FOUQUET : (*** Conseiller du roi, la bénédiction de la cloche d'Arcomps (Cher) en 1688 nous apprend que Jean Fouquet est fils d'Étienne Fouquet des Roches, et qu'en 1654, il est qualifié sieur du Chaillou (Meillant, Cher) et grenetier au grenier à sel de Saint-Amand ; il se qualifia ensuite de sieur des Mouillons ; en 1692 il était bailly de Saint-Amand, Orval, etc., )

1669 - NICOLAS BONNET rend foi et hommage au seigneur de Meillant pour le Chaillou, l'Hosmoys, Billy et la Grange Neuve. Il vient de les acheter à Jean Fouquet pour la somme de 14.480 livres.

1692 - PIERRE LEBEGUE, Trésorier de France, Président du Présidial de Bourges, Premier Maire perpétuel de Bourges, est sieur du Chaillou. Il a pour femme Jeanne Chalmoux.

1703 - JOSEPH LEBEGUE, leur fils, Sieur d'Arabli et Maître d'hotel du Prince de Condé, semble avoir été aussi Sieur du Chaillou. Il épouse Damoiselle Madeleine Bonnet le 23 décembre 1703 en l'église de Meillant. Madeleine Bonnet sera inhumée dans cette même église le 8 octobre 1720.

1735 - ESTIENNE LEBEGUE, leur fils, épouse Marie Coulom le 3 février 1735 en l'église d'Uzay. Marie Coulom sera inhumée le 17 août 1767 dans la nef de l'église de La Celle, où l'on peut lire encore l'inscription :
"Cy Gist Dame Marie Coulom veuve de Me Estienne Lebègue du Chaillou lieutenant au régiment de Lestrange infanterie. Pries Dieu pour son âme".

Dans l'acte de sépulture Estienne Lebègue est dit « ancien lieutenant de milice ». Le 10 février 1755, en cette même église de La Celle, leur fille Marie Lebègue épouse Jacques de Bonneval, de la paroisse de Farges.

1767 - JACQUES DE BONNEVAL, fils de Claude de Bonneval, chevalier, seigneur de Sizière, et de Dame Louise de Crest.

1773 - PIERRE GEOFFRENET DE RODAIS, conseiller du Roi, élu de Saint Amand, et héritier en partie de Dame Marie Lebègue, achète de Jacques de Bonneval le fief du Chaillou, qu'il possédera au moins jusqu'en 1793. [***...Par sa mère, il est l'arrière-petit-fils de Jean Fouquet (ci-dessus) !]

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La Révolution ayant aboli les droits féodaux, il n'y a plus désormais de seigneurs du Chaillou, mais seulement des propriétaires du domaine du Chaillou, même si le mot « domaine » évoque irrésistiblement le mot « Dominus », qualificatif des seigneurs au Moyen-âge.

Voici donc la liste des propriétaires du Chaillou de l'Empire à nos jours.

1808 - GE0FFRENET DES BEAUXPLAINS est propriétaire du Chaillou. Il meurt le 30 décembre 1830 au Creuzet, commune de Coust. Son épouse le suit le 8 janvier 1836. Ils n'ont qu'une seule fille et unique héritière, Marguerite, qui a épousé Bernard Rey.

1836 - BERNARD REY, ancien maire de Saint-Amand, ancien membre du conseil général, chevalier de la légion d'honneur, maire de Coust. A la mort de son épouse Marguerite, le 30 mars 1852, le domaine du Chaillou passe à leurs enfants, Anna, épouse d'Abel Corbin, maire de Vorly, Bernard et Luce.

1857 - JEAN PANGOT, propriétaire, demeurant à Arpheuilles, époux d'Anne Morlat, achète le domaine le 28 avril 1857 ?

- JEAN PANGOT, son fils, époux de Sophie Roger, lui succède. Leur fille Anne Marie épouse Julien Gibault. ?

- JULIEN GIBAULT, son gendre, lui succède, dont une fille Mauricette épouse Bernard Jacquin.

1973 - BERNARD JACQUIN devient le nouveau maître du domaine du Chaillou.


Nous venons de parcourir un demi-millénaire d'histoire. Puisse cette histoire du Chaillou continuer longtemps encore !


R. Challet


Bulletin Municipal n°8 Janvier 1991



































*** - Ajout par Ghislain de Beauregard, Paris le 23 avril 2018.