L'ÉGLISE DE MEILLANT ET SES CLOCHES
Le plus ancien document connu nous parlant de Meillant est daté de 917. À cette date, Saint-Rhomble avait déjà une église et un cimetière, comme les fouilles faites il y a quelques années l'ont montré.
La première mention certaine de l'église de Meillant remonte au 13 septembre 1115.
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Avait-elle des cloches ?
La chose est plus que vraisemblable car elles étaient d'usage courant depuis les temps mérovingiens. Un siècle plus tard, l'église de Sidiailles avait la sienne ; celle-ci est toujours en service et fonctionne électriquement depuis quelques années. Au siècle suivant, la chapelle Saint-Sylvain avait aussi sa cloche qui est encore en service à l'église de La Celle. À cette époque antérieure à la guerre de Cent Ans, Meillant siège d'une chatellenie, avait certainement une ou plusieurs cloches. Mais, nous ne savons rien d'elles.
Entre 1490 et 1500, le Cardinal Georges d'Amboise supervisa
la construction du château de Meillant
mais il ne semble pas s'être intéressé à notre église paroissiale. Lui, qui avait doté sa cathédrale de Rouen d'une cloche pesant 3600 livres, ne paraît pas avoir donné même une clochette à notre église. À moins que la tempête du 12 juillet 1522, qui renversa cinquante clochers du Berry, détruisit un nombre incroyable de maisons et arrachat des forêts entières, n'ait renversé notre clocher et brisé ses cloches. Nous ne le saurons jamais. Mais une chose est certaine :Maître Jean Lybault y fut enterré.
En septembre 1529 Jean Calvin - qui n'était pas encore protestant - dut y assister à la messe et y communier.
Résultat de la tempête ou non, en 1537 un solide clocher fut bâti à l'entrée de la nef. Sa base puissante existe encore jusqu'à la hauteur du toit.
Elle supportait une chambre des cloches en bois de forme octogonale surmontée d'une flèche élancée comme on le voit sur deux anciens dessins dont l'un date d'avant 1610.
La vieille église romane avait déjà été profondément remaniée.La partie inférieure des murs de la nef, où l'on voit des traces de fenêtres à trois mètres au-dessus du sol, pourrait bien en être le seul reste.
Les voûtes du sanctuaire et les fenêtres flamboyantes, qui existaient déjà en 1528, ont vraisemblablement été faites avant 1500 car on a de la peine à imaginer qu'elles l'aient été pendant la Renaissance ou l'âge baroque.
Vous qui pleurez venez à ce Dieu car Il pleure
(Carte postale aux Archives Départementales du Cher à Bourges)
Quand on bâtit un clocher aussi solide, c'est pour y mettre des cloches. Que sont devenues les cloches de 1537 ? Détruites pendant les guerres de Religion ? Fondues pour faire des canons ? On ne sait.
Mais, nous voici en 1631. Cette année-là, Philbert de Brichanteau, évêque de Laon et prieur de Meillant,fait don à l'église d'une cloche de 1275 kgs qu'il baptise
Philberte.
En 1641, il fait venir des Flandres une seconde cloche Madeleine. En 1650, il en offre une troisième, à laquelle il donne le nom de sa défunte mère : Antoinette (de La Rochefoucauld). En 1656, son neveu, Claude de Brichanteau, baron de Meillant, Charenton, Chandeuil et Le Pondy, donne une quatrième cloche baptisée du nom de son épouse Angélique (d'Allogny).
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Et, ce n'est pas tout ! Au-dessus de la croisée des transepts il y avait un autre clocher plus petit dont la trappe se voit encore aujourd'hui et est la seule voie d'accès aux combles de l'église.
Notre Philbert "pour l'affection qu'il portoit aux habitants de Meillant" y avait fait mettre en 1639 quatre petites cloches : la première nommée Françoise par Monsieur de Guerchy, son frère ; la seconde nommée Claude par Madame de Linières ; la troisième nommée Antoinette par Madame de La Roche-Aymon, sa soeur ; la quatrième nommée Lucie par Madame de Guerchy. Le curé Lerasle, dont la pierre tombale se voit encore près de la croix du cimetière,
note en 1763 : « Ces quatre petites cloches sont du poids de mille livres au marc, suivant le marché que j'ay veu et pour le prix desquelles Mr l'évêque de Laon a payé au fondeur la somme de cinq cents livres ».
Rappelons qu'en 1652, à la mort de Philbert de Brichanteau, notre église s'enrichit d'une troisième chapelle dans laquelle il fut enseveli.
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C'est l'actuelle chapelle de la Vierge.
Pendant un siècle et demi, les fêtes carillonnées allaient être un régal, quand les onze ou douze cloches de Meillant sonneraient à la volée. En effet, aux huit cloches de l'église s'ajoutaient celle de Saint-Rhomble qui pesait cent livres, celle du prieuré Sainte-Catherine, du poids de 236 livres, réputée pour chasser les orages, et les clochettes de la chapelle du château et de la chapelle de Sarzay.
Avec la Révolution de 1789, un lourd silence tomba sur Meillant. Le citoyen Dumoulin, entrepreneur de travaux publics à Saint-Amand, descendit et cassa les cloches, sauf Philberte. Le citoyen Julien Villepellet, voiturier de Saint-Amand, les transporta à la fonderie pour en faire des canons.
Il faudra attendre 1813 pour que l'église soit réparée. Un devis du 8 décembre 1809, fait conjointement par Jean Barnachon, maître maçon, Jean Desfougères, maître charpentier, François Deboise, maître couvreur et Simon Gartioux, maître menuisier, atteignait la somme considérable de 13 293 francs.
Il est curieux de noter que Siméon Bonnichon, donateur en 1813 de la croix du petit clocher, croix qui est maintenant au chevet de l'église, avait personnellement, en qualité de commissaire et d'agent national, sommé le maire de Meillant, le 12 Ventose An II, de descendre les croix, de casser les cidevant Saints et de vendre au public tous les objets de culte.
En 1826, Monsieur Pennet, maire de Meillant, fait refaire à neuf la chambre des cloches. Or, sur l'inventaire du 12 Ventose An II, on trouve sa signature à côté de celle de Tueles et de Bonnichon.
Le vent pouvait tourner. Les hommes pouvaient tourner casaque. Philberte était toujours à sa place dans le clocher. Mais, elle devait s'ennuyer !
En 1862, la chambre des cloches en bois fut remplacée par le beffroi en pierres qui nous est familier.
L'architecte était Monsieur Tarlier, les entrepreneurs, Alexandre Dufour et Auguste Gesset. La facture s'éleva à 41 142 francs.
Deux nouvelles cloches vinrent tenir compagnie à Philberte : Virginie, 740 kgs, et Henriette-Alix, 405 kgs. Elles furent bénites le 9 octobre 1864 par l'abbé Sautereau, archiprêtre de Saint-Amand.
C'est l'origine de notre fête des cloches.
En 1877, un an avant sa mort, Madame de Sainte-Aldegonde, duchesse de Mortemart, fit construire une quatrième chapelle dédiée à Saint Joseph.
C'est alors que le petit clocher fut supprimé.
Mais, le 26 janvier 1875, lors du mariage de Jean Marie Poirier, horloger à Châteauneuf, et de Louise Martin de Meillant, on sonna si énergiquement que Philberte se fêla et rendit l'âme. Elle fut refondue à Orléans par Georges Bollée, maître fondeur, et son poids fut porté à 1440 kgs.
Philberte avait été donnée par Philbert de Brichanteau, Evêque et Duc de Laon, comte d'Anizy, etc ... La nouvelle Philberte fut bénite le 25 juin 1876 par un Archevêque qui était aussi un prince : Monseigneur le Prince de La Tour d'Auvergne-Lauraguais, Archevêque de Bourges. On ne pouvait faire moins.
Et, aujourd'hui, 12 octobre 1986, Philberte, Virginie et Henriette-Alix commencent une nouvelle vie. Désormais, elles ne seront plus éveillées par des mains énergiques et fortes, ni secouées parfois par des mains violentes ou inexpérimentées, mais elles seront bercées par la force tranquille et peut-être monotone de l'électricité. Que cela ne les empêche pas de chanter !
Et que leur chant redevienne, pour nous, ce qu'il devrait toujours rester : un appel à la prière.
Meillant, le 12 octobre 1986
René Challet
curé
Avec l'aimable autorisation des Archives départementales du Cher pour plusieurs cartes.
Étude complétée avec l'article de Buhot de Kersers, sur les dalles des tombes à l'intérieur de l'église :
« Ci-git honorable homme maître Jean Viet en son vivant fermier des terre et seigneurie de Meillant, il decedda le 24e jour de mars 1649. Priez Dieu pour son ame. »
Une autre, dont la pierre porte une croix fleuronnée sous un arceau : « jean le hault, licencié en lois, décédé le 24 juillet. »