LES RUES DE MEILLANT



« À la suite de l'attribution par le conseil municipal de noms officiels aux rues de Meillant le 28 février 1982, le Père René Challet a effectué des recherches sur leur histoire. Nous profitons de ce bulletin pour vous en communiquer quelques extraits et nous poursuivrons l'année prochaine. »

Avant de parler de ces rues, de leurs noms et quelque peu de leur histoire, il peut être intéressant de dire quelques mots sur le bourg lui-même.

Le site de Meillant est habité depuis fort longtemps, comme en témoigne la découverte, en 1977, dans le parc du château, de ce qui semble avoir été un lieu de culte gaulois, et de la statue décapitée d'une divinité portant au cou le torque gaulois. Plus près de nous, en 917, Guillaume le Pieux, Comte et Duc d'Aquitaine, et sa femme Ingelberge, donnent à l'Abbaye de Déols des biens situés « in vicaria Melliacensi » en pays Biturige. Si cette appellation désigne bien Meillant, comme plusieurs archivistes et historiens l'affirment, non seulement Meillant existait à cette date, mais il avait une certaine importance, étant le siège d'une Viguerie, autrement dit une sorte de chef-lieu de canton qui allait bientôt devenir une châtellenie. Un siècle plus tard, il n'y a plus d'hésitation possible. Une bulle du Pape Pascal II, datée du 13 Septembre 1115, mentionne l'église de « Meilent » et la chapelle de Saint-Rhomble. Mais, l'histoire du bourg de Meillant ne commence vraiment qu'en 1211, quand il reçoit sa charte de Franchise. Dans cette charte, Guillaume de Chauvigny, seigneur de Châteauroux, déclare : « Ayant plein dominium de ma terre, j'ai bâti une ville franche dans mon château de Meillant » (Plenarium dominium habens terre mee aedificavi villan franchiam in castello meo de Mellanto). La charte de franchise définit comme suit les limites du bourg : « de l'étang du Crosel jusqu'au cimetière, et de la tête du pré jusqu'en Chéré (a stagno de crosello usque ad cimiterium, et a capite prateae usque ad Chere) ». Mystérieux ? Moins qu'il ne paraît.

L'Etang du Crosel (1182), appelé Creusault en 1344, Cruseau en 1589 devient curieusement l'étang du Fondement au début du XVIIème, nom qu'il porte encore sur le cadastre de 1826. Comblé à la fin du XIXème, il devient le potager du château. Pendant plus de sept siècles il avait alimenté en eau le moulin du même nom,


les forges de Meillant (*)

et les fossés du château. L'étang a disparu, mais son nom subsiste ; les terres qui le bordaient au Nord-Est s'appellent encore « Le Cluzeau ».

Le cimetière et l'église qu'il entourait, inséparables au Moyen-Âge, ne semblent pas avoir changé de place. Car, si la vieille église mentionnée en 1115 a disparu, peut-être détruite par la tempête du mardi de la Pentecôte 1522 qui détruisit plus de cinquante clochers dans le Berry, et par l'horrible tremblement de terre qui survint seize jours plus tard, celle qui l'a remplacé en 1536 est toujours orientée au soleil levant le 25 Mars, jour de l'Incarnation et premier jour de l'année au Moyen-Âge.

Qu'en est-il du Chéré ? Ce nom ne se lit sur aucun cadastre. Pourtant il est resté gravé dans la mémoire populaire. Tous les meillantais de vieille souche le connaissent. Il désigne une zone de terrain à l'extérieur de la basse-cour du château, zone allant des dernières maisons du bourg, et englobant l'embranchement des chemins menant aux Bluises et au Moulin du Pré (deux noms qui existaient déjà au début du XIIIème). Le Chéré est traversé par le cours naturel de l'Hyvernin et c'est en Chéré que se trouve la station d'épuration. Notons qu'on dit « en Chéré », comme on dit « en Miot », et aussi … « en Avignon ».

La Tête du Pré est plus difficile à localiser. En tenant compte des trois points susdits, je proposerais volontiers un point situé vers le milieu de la rue des Chaumes. En effet, à partir de cet endroit, la carte au 1/25000e de l'I.G.N. indique une faible dépression s'étendant en ligne droite sur plus de trois kilomètres jusqu'à Champange et Talivot. Cette dépression est traversée dans le sens de sa longueur par l'Hyvernin et pourrait bien être le long pré arrosé par l'Hyvernin (longum pratum quod est super Evumam) dont parle le parchemin de 1182. Le Moulin du Pré se trouve au coeur de cette dépression. Le point proposé se trouvant à la fois au départ et au lieu le plus élevé de cette longue dépression, mérite bien, me semble-t-il, d'être appelé « la Tête du Pré ». Apparemment, la ville franche de Meillant formait un quadrilatère d'une superficie de quelques dix hectares et on peut se demander si une muraille l'a jamais entouré.

Selon les termes de la charte, les personnes habitant à l'intérieur de ce périmètre, et toutes celles qui viendraient à s'y établir, devenaient des hommes libres ayant le droit d'aller et venir où ils voulaient avec les biens en leur possession : autrement dit, ils n'étaient plus attachés à la terre, ils cessaient d'être des serfs et devenaient des « bourgeois ». Ils devaient en être fiers, ce qui explique que peut-être qu'au XIXème siècle encore on parlait des « farauds de Meillant et des berdins d'Uzay », comme le note en 1878 Dominique Cochet, curé d'Uzay. En outre, la charte garantissait aux meillantais qu'ils ne seraient pas saisis, hormis pour cause de vol, de violence ou d'homicide, et qu'ils auraient le droit de se défendre en justice. En contrepartie, ils devaient payer chaque année, le jour de la saint Michel, un « setier d'avoine, deux sous et une poule, s'ils ne possédaient pas de boeufs ».


Forêt de Meillant (Cher) - Vieille bûcheronne
(Archives Départementales du Cher à Bourges)

Comme on le voit, la liberté se paie et il y a longtemps que les impôts locaux ont été inventés.

Ceci dit, venons-en aux rues …..

1 - L'Avenue de Saint-Amand
2 - La rue du Crot Vert
3 - La rue des Néchassins
4 - La rue de Saint-Rhomble
5 - La rue du Parc (prononcez : Par)
6 - La rue de l'Hyvernin
7 et 8 - L'impasse et la rue du Lavoir Carré
9 - La rue du Moulin du Pré
10 - La rue du Cimetière
11 - La Place du Pavé
12 - La rue Sainte-Aldegonde
13 - La rue des Cas
14 - La rue Sainte-Catherine
15 - La rue d'Uzay
16 - La rue des Chaumes
17 - La rue du Cluzeau
18 - La rue d'Arpheuilles
19 - La rue de la Baillite
20 - L'avenue de Dun





1 - L'Avenue de Saint-Amand


Elle part de l'église et monte jusqu'à la limite du bourg, en direction de Saint-Amand. En 1826, on n'y voyait encore que quatre maisons. En haut de la côte se dresse une belle croix de pierre dont l'emplacement avait été choisi par Madame de Sainte-Aldegonde. Mais celle-ci mourut en 1867, date gravée sur la croix. Ses parents, le Général Duc de Mortemart et la Duchesse, nièce et héritière de la Duchesse de Charost, « estimant que les désirs d'un mourant doivent être sacrés », firent ériger la croix et la baptisèrent « Croix des Larmes ».

Elle fut bénite le Mercredi 24 Septembre 1873 par l'Archiprêtre de Saint-Amand. En raison de leur grand âge, le Duc âgé de 86 ans et la Duchesse âgée de 81 ans ne purent assister à la cérémonie. On dit que jusqu'à la construction du château d'eau une personne se tenant à la Tour Malakoff pouvait voir le coq du clocher de Meillant à travers le trou central de la croix. Il fallait certainement une bonne lumière et un regard perçant. Mais le fait est que ces trois monuments sont en parfait alignement sur la carte.



2 - La rue du Crot Vert


Elle commence à la Croix des Larmes et se continue à travers un terrain nommé le Bas Quartier, quoiqu'il soit situé au plus haut point du bourg. Cette rue menant au Crot Vert, son nom était tout trouvé. Une question demeure : Le Crot Vert tire-t-il son nom de la couleur de l'eau d'un crot ? Ce n'est pas certain, car on trouve également à Meillant un Pré Vert, ce qui est une caractéristique de la plupart des prés. Ce nom ne serait-il pas celui d'un ancien propriétaire de ces lieux ? Il y eut à Meillant au XVIème siècle une famille Vert, et notamment un Abbé Vert qui portait le nom fort peu chrétien de Hermès. Mais, je découvre en dernière minute que l'église vénère le 28 Août Saint-Hermès, un des plus anciens martyrs Romains.

À propos, saviez-vous que la Gironde a été rayée de la carte de France par l'institut Géographique National ? La Gironde était un petit ruisseau prenant sa source à la brande des grands cours sur Arpheuilles. Il alimentait l'Etang Neuf et l'Etang du Gros Bouchot. Ensuite, après avoir traversé le terrain où se trouve la maison de M. Santamaria, il traversait la rue Crot Vert, passait par la fosse du Grand Sarzay, traversait la route d'Arpheuilles entre Thioux et le carrefour de l'Homme, arrosait les alleux de Segogne, passait au Nord des grands crets. De là, par le Sud des usages de Segogne, il traversait la forêt des Sept-Vingts, puis la forêt domaniale des Abbayes et se jetait dans l'Auron au Nord de Verneuil. Seule cette dernière partie du ruisseau subsiste sous le nom de ruisseau de l'Anguillerie. Le reste est disparu. N'empêche qu'en période de grandes eaux, la Gironde renaît, sait retrouver son cours naturel et se venge en inondant les routes.



3 - La rue des Néchassins


En forme de fer à cheval dans ce que les meillantais appellent « le lotissement » elle fut tracée en 1977. Elle est si jeune que son histoire est encore à vivre. Disons seulement que la pièce de terre qui lui a donné son nom s'appelait jadis les Néchassins.



4 - La rue de Saint-Rhomble


Elle va de l'avenue de Saint-Amand jusqu'aux Volages en direction du vieux hameau de Saint-Rhomble et de La Celle. À droite de la route : le nouveau cimetière. À gauche, la Croix de Mission en bois, érigée le 29 Novembre 1896 en présence de six cents personnes et aux accents de la Lyre Saint-Amandoise, a été refaite par la commune en 1976.



5 - La rue du Parc (prononcez : « Par »)



Elle commence à la Croix Namouroux, rue de Saint-Rhomble, et monte en direction du Gros Chêne et du parc de Meillant, d'où son nom. D'après un plan du XVIIIème, ce parc enclos de murs était situé entre le Gros Chêne et l'étang de la Chaudière. Les restes de ce mur d'enclos, long de quelques 3500 mètres, sont encore visibles le long du chemin allant de Saint-Rhomble à la route de Saint-Amand, et à l'intérieur de la forêt.

La Croix Namouroux fut élevée en 1810 par Barthélémy Namouroux. Fils de Jean et d'Anne Taillandier, il épousa Marie Gesset dont il eu quatre enfants : Auguste, Anne qui épousa Auguste Charton le 23 février 1846. Adjoint au Maire, il était propriétaire, entre autres choses, d'une pièce de terre aux Volages et du champ des pierres qui borde la rue du Parc. Récemment encore, en montant la rue on pouvait voir l'enclos en pierre de la Grande Vigne, qui avait été « façonnée » en 1557 par Charles de La Rochefoucauld. À gauche de la croix se voient plusieurs maisons fort anciennes. Un vicaire de Meillant, Joseph Péron, qui renonça au sacerdoce et épousa civilement Claire Rognier le 18 ventôse, an II de la République, aurait enterré sa soutane dans le jardin de l'une de ces maisons. C'est du moins ce qu'affirme un de ses descendants. Avis aux archéologues amateurs ! Notons que récemment, lors de travaux, M. Chissey, qui habite une de ces maisons, a trouvé dans son jardin une pierre sculptée portant les armes de Philibert de Brichanteau, Evêque de Laon, chassé de son diocèse par Richelieu.


Pierre sculptée portant les armes de
Philibert de Brichanteau, Evêque de Laon :
D'azur à six besants d'argent, 3, 2 & 1,
surmonté du chapeau épiscopal à 6 houppes de chaque côté

Frère de Nicolas de Brichanteau il administrait le château de Meillant en son absence. Bienfaiteur insigne de l'église, il y fut enterré en 1652.



6 - La rue de l'Hyvernin


Elle joint la place de l'église et la rue du lavoir carré. Elle n'a qu'un rapport très indirect avec le ruisseau dont elle porte le nom. Le petit cours d'eau qui alimente le lavoir carré n'est qu'un canal de dérivation creusé de main d'homme, alors que l'Hyvernin coule toujours dans son lit naturel à quelques centaines de mètres de là. Notons que le mot Hyvernin (en latin Evurna) pourrait remonter à nos ancêtres les Gaulois.



7 et 8 - L'impasse et la rue du Lavoir Carré


Ces deux petites artères longent de plus ou moins près un ancien canal alimentant les fossés du château. Dans un document de 1665, il est question de ce « ruisseau qu'on a faict de neuf pour la conduite des eaux des fontaines de Saint-Rhomble et dans le fossé de Meillan ». En plus du lavoir carré, qui est un lavoir public, on peut voir :


un petit lavoir privé
le long de la maison de M. Touchet.





9 - La rue du Moulin du Pré


Cette rue, qui longe la basse-cour du château mène au domaine du Moulin du Pré et permettait autrefois d'aller à Uzay par Champange. Le moulin, aujourd'hui disparu, qui donna son nom à ce domaine, existait déjà en 1204, date à laquelle il fut donné aux moines de Noirlac par noble homme Molsos de Charenton. Dans la maison de Mme Roger se voyait une très belle cheminée, détruite malheureusement il y a quelques années. Dans la cour de cette même maison se voit toujours un beau puits qui doit dater du XVIIème siècle.
Au départ de cette rue, derrière le sanctuaire de l'église, la municipalité a fait fixer une croix de fer forgé qui surmontait jadis le petit clocher situé au-dessus de la croisée des transepts. Ce clocher fut démoli en 1877. La croix est scellée dans le socle en pierre de l'ancienne croix du Gros Chêne qui se trouvait en face de l'entrée du parc de Meillant. Elle porte l'inscription :

CET CROIT AN 1813 A ETE DONE P M BONNICHON ET FAIT P J FOULTIE.

Le donateur, Monsieur Siméon Bonnichon, avait été commis au fourneau et capitaine de la garde nationale de Meillant. Maître de forges et membre du Conseil de Fabrique le 19 Thermidor, an 13, il devint Président du Conseil de Fabrique en 1817 et le resta jusqu'à sa mort en 1841 à l'âge de 81 ans. Le fabricant, Jean Foultier était maréchal au Pavé, à l'angle de la rue des Cas. Son fils Gilbert lui succéda et devint Maire de Meillant et fut arrêté en Décembre 1851, avec 56 autres Meillantais, pour cause de complot contre le Prince-Président Louis Napoléon. Il fut condamné à cinq ans de forteresse en Algérie. À sa libération il fut interdit de séjour et s'établit, semble-t-il, à Villefranche-sur-Saône. Les Beaudequin puis les Trompât succédèrent aux Foultier. Et, avec le progrès, la maréchalerie, comme le fourneau, dut fermer ses portes.



10 - La rue du cimetière


Elle va de la rue de l'Hyvernin à l'entrée du château. Seule chose à signaler : des fenêtres de la maison de M. Vobécourt, une vue imprenable sur le cimetière et l'église qui ramène l'esprit aux réalités fondamentales de l'existence humaine.



11 - La Place du Pavé


Près de l'entrée actuelle du château,


(Carte postale aux Archives Départementales du Cher à Bourges)

ce n'est qu'une rue qui s'élargit plus loin pour devenir une place

et se rétrécir de nouveau avant d'arriver à la rue Sainte-Catherine.
À droite, en face de l'entrée du château, se voit l'ancien Hôtel-Dieu de Meillant. Il existait déjà en 1343 mais fut entièrement rebâti en 1763.

Son recteur était nommé par l'Archevêque de Bourges. Le premier recteur connu s'appelait Pierre Dubois qui fut remplacé le 29 Novembre 1471 par Georges de Nosse. Le 22 Juin 1766, le Curé Claude Estienne Lerasle, Louis Bonnet de Sartage et Antoine Fouquet des Roches, co-administrateurs de l'hôpital, signèrent une convention tripartite avec le Duc de Charost et la soeur Elisabeth Baucheron, Supérieure des Soeurs de la Charité, pour l'établissement à perpétuité de deux Religieuses pour tenir l'hôpital, s'occuper des malades de Meillant et d'Arpheuilles et de l'éducation des filles de ces deux paroisses. Cet Hôtel-Dieu fut fermer à la Révolution et les Religieuses furent incarcérées à la prison de Libreval. On sait que l'une d'elles, Sophie Huet, fut libérée grâce à l'intervention des habitants de Meillant.
Acheté en 1850 et restauré par la famille de Mortemart, l'Hôtel-Dieu fut transformé en école de filles tenue par les Soeurs de la Charité. Il servit d'hôpital militaire pendant la guerre 1914-1918 et redevint école libre jusque vers la fin de la dernière guerre.

Plus loin, un peu après la rue Sainte Aldegonde, se dresse une vieille maison à tourelle.

Au-dessus de sa porte se voit un écusson de pierre portant les lettres C G P B et daté de 1582, date certainement postérieure à la construction de l'édifice.


La rue devient maintenant une place.

C'est ici que, jusqu'à une date très récente, se tenaient foires et marchés. À la demande de Charles d'Amboise, seigneur de Meillant et Grand Maître de France, le Roi Louis XII, par lettres patentes de Mai 1499, autorisa quatre foires : le 1er Mars (Fête de Saint-Aubin, patron de la paroisse), le 31 Mai, le 1er Septembre et le 30 Novembre. En 1725, des lettres patentes de Louis XV modifièrent les dates de ces foires qui se tinrent désormais le Lundi de la Passion, le 8 Juin, le 29 Août et le 30 Novembre, et fixèrent le jour du marché au mercredi.


Vue du château, en hiver, depuis la place du Pavé


Avant la Révolution un reposoir [ou un oratoire dédié à Notre Dame de Bon Secours (?)] se dressait sur la place du Pavé. Le 23 Mars 1806 « les pierres de ce reposoir », qui était alors « absolument dégradé », furent vendues par le Conseil de Fabrique à Gilbert Ternat, propriétaire à Meillant, pour la somme de cent livres, « à la charge pour le dit Ternat qu'il aplaniroit le local où était ledit reposoir de manière qu'il ne parut pas qu'il y ait eu un édifice quelconque, a quoy a consenty ledit Ternat et a promis de payer à la première réquisition et a offert pour caution M. Bonnichon, maître de Forges et membre du Conseil de Fabrique qui ne s'est point refusé audit engagement ».
La place du Pavé se termine à l'angle de la rue Sainte-Catherine par une grande et belle maison à étage du XVIIIème siècle. C'était la régie des terres de Meillant. C'est ici qu'a du habiter Me Jean Fouquet Desroches, d'abord greffier de l'élection de Saint-Amand, puis régisseur des terres de Meillant, avant de devenir régisseur des terres de Mareuil en 1776. D'après Maransange, les Fouquet du Berry portaient les mêmes armes que le célèbre Intendant Fouquet.


Entrée des visiteurs du château





12 - La rue Sainte-Aldegonde


Elle ne date que de la deuxième moitié du XIXème siècle et fut construite au milieu des prés Fichots qui étaient les jardins de l'Hôtel-Dieu. Ceux-ci s'étendaient jusqu'au delà du café Saint-Jean. Dans le jardin de ce café se voit encore le mur d'enclos. Cette rue préserve le souvenir de Madame Sainte-Aldegonde, fille du Général-Duc de Mortemart, décédée en 1867 comme nous l'avons dit plus haut.



13 - La rue des Cas


Son nom est mystérieux : mais, faut-il le dire, le 4 Mars 1880 un article de presse anonyme, simplement signé « un habitant de Meillant », l'appelle : « rue des cacas ». Il est vrai que la guerre scolaire venait d'éclater en France. La Municipalité de Meillant venait de décider la construction d'une école publique de filles. L'auteur de l'article accusait Nicolas Bourbon, adjoint au Maire Pinaguet, de profiter de l'occasion pour se débarrasser d'une maison dont il ne savait plus que faire depuis qu'il s'était établi cabaretier, et cela bien sûr « aux frais des habitants de Meillant qui auraient à supporter à l'avenir une augmentation d'impôts ». C'était la polémique et il pouvait être tentant de transformer la rue des Cas en rue des cacas. Il est bien possible pourtant que ce fut vraiment le nom de cette rue. Il semble qu'on le retrouve dans un contrat de 1767 où le Duc de Charost échange des propriétés avec Charles Lebrun, officier au régiment du roy-Cavalerie. Une note de l'Abbé Hofhuis, malheureusement sans références, porte simplement : 1670, rue des cacas ! Ne comptant au XVIIIème que trois maisons, dont celle de Mme Préau, elle pouvait certainement, les jours de foire et de marché, rendre grand service aux personnes désirant se couvrir les pieds, comme dit la Bible. Notons d'ailleurs que des rues de ce nom existent en d'autres villes du Berry, à Lignières par exemple. Honni soit qui mal y pense !



14 - La rue Sainte-Catherine


Au début du XVIIème c'était « le chemin tendant de la croix Regnard au chastel ». La Croix Regnard devait se trouver à peu près à l'emplacement de la pompe actuelle, car de cette croix on pouvait aller soit au château, soit à l'étang du Fondement, soit à l'église.
En 1848, Gilbert Foultier étant alors maire de Meillant, un arbre de la Liberté fut planté près de la pompe.


Carte postale sur le site des Archives Départementales à Bourges.

En 1977 il eut une fin peu glorieuse : des conscrits ayant fait partir des pétards dans son tronc creux, il se consuma lentement par l'intérieur pendant plusieurs jours. Les coupables, eux, sont toujours en vie et ne se vantent pas de ce forfait.
Récemment, dans le dallage du sous-sol de la maison jouxtant l'ancienne maréchalerie du Pavé, une pierre a été trouvée sur laquelle on peut lire : « Cet arbre a été planté en l'honneur de la République de 1848 par les citoyens de Meillant ». Cette maison appartenait à Gilbert Foultier.
Cette rue tient son nom du Prieuré Sainte-Catherine dont les bâtiments existent toujours. Un Prieur existait déjà en 1226. Il avait même des vignes, et tout comme le Prieur de La Celle il avait un cellier au château. En 1285, l'Abbé de Déols demanda à l'Archevêque de Bourges la permission d'élever à Meillant une chapelle qui ne porterait aucun préjudice au curé, car elle n'aurait ni cimetière, ni cloche. Mais les bâtiments actuels sont plus récents. Ils furent réparés et agrandis en 1630 par Monsieur Philbert de Brichanteau, Evêque de Laon et Prieur de Meillant. Le « Dénombrement des héritaiges du Prieuré de Meillant », légèrement antérieur à ces agrandissements, nous en donne une description détaillée.
Le terrain du Prieuré, d'une superficie de huit bosselées, était notamment limité à l'Ouest par la rue du Pape qui reliait la chaussée de l'étang du Fondement à la maison de prudent homme Pierre Ternat, procureur au baillage de Meillant. Cette rue qui n'est autre que le chemin séparant la maison de M. Imbert de celle de Mme Descouts, se voit encore sur le cadastre de 1826. Saisi et vendu à Joseph Gonin en 1792, le Prieuré devint plus tard l'hôtel Sainte-Catherine, puis le Café de l'Union, une galocherie, un dépôt de bières et de charbon, une salle de danse, puis une maison d'habitation.


Les armes de Monseigneur Philbert de Brichanteau, qui surmontaient l'autel, se voient maintenant dans l'église de Meillant. (**).
Sa cloche, car malgré les promesses, le Prieuré eut une cloche, était réputée très efficace pour chasser l'orage. Elle fut descendue et emmenée à Saint-Amand par le citoyen Dumoulin, entrepreneur de travaux publics en cette même ville. De là, le 15 Octobre 1792, elle fut emmenée à la manufacture du district de La Charité par le citoyen Julien Villepelet, voiturier à Saint-Amand, très probablement un ancêtre du regretté Evêque de Nantes.


Archives Départementales du Cher à Bourges



15 - La rue d'Uzay


Elle commence au bas de la rue Sainte-Catherine et longe le mur du parc jusqu'à la sortie du bourg. En 1905, de la fin du Pavé jusqu'au pont elle s'appelait la rue du Crot aux chevaux, car nombreux étaient les chevaux qui allaient se désaltérer dans le crot après avoir amené au Fourneau minerai et charbon de bois.

Du pont jusqu'à la Parchaterie, elle devenait la rue du Fourneau.
Ce fourneau, dont l'origine remonte au moins au XIIIème siècle, fonctionnait encore à la fin du XIXème. Sa halle au charbon, maintes fois incendiée, fut rebâtie pour la dernière fois en 1875. Elle était sous la protection de Saint-Thibault, patron des charbonniers. La cour des Mines est aujourd'hui la seule chose qui nous rappelle l'existence de ce haut-fourneau.
La rue du Fourneau se terminait à la Parchaterie, qu'on appelait en 1562 : les Cours de Jean Thureau, dit Perchât. Jean Thureau est oublié, mais son surnom demeure.
Depuis la Parchaterie jusqu'aux dernières maisons, on était dans la rue de Miot. Ensuite, dans les temps anciens, on tombait dans les marécages. Les braves pouvaient essayer de rejoindre Uzay en franchissant le ruisseau de Barberoche et en traversant le ruisseau de Longueriche au gué des chieuvres.



16 - La rue des Chaumes


Ainsi nommée parce qu'elle conduit aux Chaumes de Meillant, cette rue s'élargit après quelques dizaines de mètres pour former une sorte de place où se dresse une croix en pierre. Cette croix est ornée au devant de deux coeurs, deux étoiles à cinq branches et un disque.

À l'arrière se lit une inscription latine : Anno 1834 - O Crux Ave (En l'an 1834 - O Croix je te salue).

Cette rue, très irrégulière en largeur, se termine par une patte d'oie où l'on peut aller soit à la Parchatrie, soit à Givry par Billy, soit à Givry par l'ancien manoir de l'Osmois, soit aux Chaumes et au Cart-au-Pin. Beaucoup ignorent sans doute qu'en 1232 Givry était habité par Nicolas de Giuvre, frère du seigneur de Meillant et neveu de Barthélémy, curé d'Uzay. Chose curieuse, en raison de l'arrêté gouvernemental du IX Thermidor an XI, le domaine de Givry a continué de payer la dîme à la paroisse de Meillant pendant tout le XIXe siècle, dîme bien légère puisque d'un montant de 10 livres par an en 1806, elle n'atteignait que 12 francs en 1905. Il serait intéressant de savoir si, depuis la communalisation des biens paroissiaux en 1905, la commune s'est substituée à la paroisse pour percevoir cette dîme.



17 - La rue du Cluzeau


Quoiqu'elle en soit distante de quelques centaines de mètres, cette rue préserve pour les générations à venir le nom et le souvenir de l'étang et du moulin de Crosel. À l'angle de cette rue et de l'avenue de Dun se dresse la Croix du Cart-au-Pin qui existait déjà en 1619. La croix en ciment que nous voyons aujourd'hui fut faite et placée sur le vieux socle en pierre par Monsieur Savio, pour remplacer la vieille croix en bois qui s'était effondrée.



18 - La rue d'Arpheuilles


On y remarque le domaine des Ours, construit au XIXème siècle. Il tient son nom de deux statues d'ours qui, jusqu'à une date récente, surmontaient les pilastres de son portail d'entrée, statues que le propriétaire actuel n'a pas encore réussi à retrouver. Le terrain sur lequel le domaine des Ours est bâti faisait partie, autrefois, de la garenne de Beaulieu, appelé aussi la garenne de Monsieur.



19 - La rue de la Baillite


Sur une carte du début du XIXème siècle elle est appelée route de Meillant à Charenton. En 1905, l'abbé Julien l'appelait rue du Boutillon. C'était, en effet, le chemin par lequel le fer produit par les Hauts Fourneaux de Meillant était transporté jusqu'aux forges de Boutillon, situées sur les bords de la Marmande entre Saint-Amand et Charenton. D'aucuns disent que l'appellation rue de la Baillite est une corruption de rue de l'Abbaye. Mais aucun document ne mentionne l'existence d'une abbaye à Meillant. J'avais écrit que la grande et belle maison dite « la Baillite » aurait pu être le siège du Bailliage de Meillant, dont on connaît plusieurs titulaires, comme
-Jean Dupont bailli et juge ordinaire de Meillant en 1659.
-Paul Joseph Pelaud, écuyer, sieur de la Baronnie, Maître des Eaux et Forêts et bailli de Meillant en 1717.
-Jacques Dufour, bailli de Meillant, mort en 1750.
Et je m'étais demandé si la grande salle que l'on voit dans ses dépendances, avec sa magnifique cheminée, ne serait pas la salle d'audience, « l'auditoire » reconstruit en 1630 par Philibert de Brichanteau.

Il n'en est rien.

La Baillite, c'est tout simplement la demeure cossue qu'un riche bourgeois meillantais, Jean Lybault, se fit construire autour de l'an 1500. Ses armes parlantes, ornées de trois beaux lys (=Lysbault), se voient encore, sculptées dans la pierre, sur une lucarne des combles et au dessus de la porte principale.


Dans les contrats et autres documents antérieurs à la révolution de 1789 elle est appelée soit « la grande maison de feu maistre Jean-Lybault » soit « la grande maison des Lybault ».
Comme nous l'apprend son épitaphe, qui se voit encore à l'église dans la chapelle Saint-Joseph, Jehan Lybault était « Bachellier ès Loyx, procureur du Roy nostre Sire à Dun-le-Roy, lieutenant de Charenton, Meillant, Chandeuil et le Pondiz, maistre des eaux et fourests desdicts lyeux et chatlin de Taumerais (Thaumiers) » (***). Il avait pour épouse Alizon Roussart, soeur de Pierre Roussart, bourgeois et maître particulier de la Monnaie de Bourges, Sieur du Chaillou, de l'Hosmoys, des Quartiers et de Givry. Jehan Lybault, entre autres choses, possédait la grande pièce de forêt appelée « Les Tailles à Jean Lybault ». Une tradition familiale, transmise par Monsieur Olivier de Charon qui, hélas, vient de mourir, veut qu'il l'ait perdue au jeu avec Charles d'Amboise, seigneur de Meillant.



20 - L'avenue de Dun


Non loin du carrefour de l'église on trouve presque face à la mairie, le presbytère et le bureau de poste. Ce voisinage ne fut pas toujours sans histoire. La première mairie et le premier bureau de poste :


Meillant - La Grande Rue - Le Bureau de Poste
Archives Départementales du Cher à Bourges

étaient situés dans un petit bâtiment, là où se trouve maintenant le garage du bureau de poste. En raison du développement des communications, le conseil municipal en 1880 décida de « distraire » une partie du terrain du presbytère pour agrandir le bâtiment.


Le presbytère qui, en 2017, abrite
la Bibliothèque municipale

Le presbytère, à l'époque, appartenait à la paroisse et non à la commune. Il s'agissait donc d'une expropriation. L'affaire mobilisa bien du monde, le Curé et son Conseil de Fabrique, le Sous-Préfet, l'Archevêque, le Préfet et même le Sénat. Finalement en 1882, après deux ans d'escarmouches, le Curé fut déplacé à la demande du Ministre des Cultes, alors que l'Archevêché et la Préfecture se mirent d'accord. Le terrain du presbytère fut amputé, et un mur fut construit, mais de telle manière que la servante du presbytère puisse voir de sa cuisine les personnes entrant dans la cour. Le postier, qui demandait un droit de puisage n'obtint pas la permission d'entrer dans la cour pour aller au puits, mais une pompe, reliée au puits par un souterrain qui existe peut-être encore, fut installé dans son enclos, etc… La mairie actuelle fût bâtie en 1897 et le présent bureau de Poste en 1913.



Dans la deuxième cour après le bureau de Poste les curieux peuvent admirer un ancien et très beau puits.

Plus loin, la maison du numéro 44 est ornée d'un écusson et datée de 1613.

Dans sa cour, un puits à plusieurs marches recouvert d'une coupole en pierre porte l'inscription ; « 1644 André Delafé N e ». Les registres paroissiaux nous apprennent qu'il était greffier au bailliage de Meillant comme l'avait été son père. La maison devint ensuite une boulangerie. Du même côté de l'avenue, à l'embranchement de la route d'Arpheuilles, se voit une belle maison à étage de la fin du XIXème.

Construite à l'emplacement de la maison de Beaulieu qu'un procès-verbal devant le Maître des Eaux et Forêts de Meillant, en 1721, appelle « le Prévostage ». Dans sa cour se voit encore un grand colombier rond qui fut « ressappé »


et dont le donjon fut refait à neuf cette même année 1721.

En face de cette maison, de l'autre côté de la rue et en contrebas de la promenade plantée de tilleuls, se voit un grand terrain en friches entouré de murailles, qu'on appelle le Potager.

Il recouvre l'emplacement de l'ancien étang de Crosel, du Cluzeau, du Fondement … ( « l'étang de Crosel et l'étang du Fondement étaient deux étangs différents. Le premier, plus ancien et plus petit, était situé vers l'angle Nord-Est du potager et faisait tourner un moulin. L'étang du fondement fut creusé et mis en eau vers le XVIème siècle pour alimenter les Hauts-Fourneaux du château. Les deux coexistèrent au moins jusqu'à la fin du XVIIIème siècle. » ) On raconte qu'il y a bien longtemps une charrette et son attelage de boeufs s'y sont enlisés et n'ont jamais été retrouvés. Ce n'est peut-être qu'une histoire, mais elle est plausible. En effet, le document qui vient d'être cité dit qu'en 1721, le Fourneau ne fonctionnait plus, faute d'eau, car l'étang du Fondement était encrassé de 15 pieds de boue et de vase. C'est plus qu'il ne faut pour engloutir une charrette et ses boeufs. Depuis que l'étang a été comblé, le conduit souterrain qui l'alimentait ne fournit plus que le lavoir public construit en 1884 par le comte et la comtesse de Mortemart, et celui du Crot-aux-Chevaux, avant de se déverser dans les fossés du château et d'aller grossir l'Hyvernin. On dit que dans le lavoir du potager il y a un trou si profond qu'on n'arrive pas à le sonder et que pendant la dernière guerre, des maquisards y jetèrent leurs armes pour éviter d'être pris par les allemands…

C'est sur ces on-dit que ce papier se termine.
Les traditions orales et les légendes ne sont-elles pas aussi une manière de dire l'histoire ?

René Challet, curé.



Avec l'aimable autorisation des Archives départementales du Cher pour plusieurs cartes.











* Les forges de Meillant : dessin (Dessins à la plume et encre de Chine ; 17 x 22,5 cm), de Jean-Lubin Vauzelle, (1776-1837), conservé à la BnF (Bibliothèque nationale de France), accessible en ligne sur le site Gallica.








** Voir les photos du blason de Monseigneur Philbert de Brichanteau dans « Meillant, son église et la fête des cloches ».












*** Voir les photos de l'épitaphe de Jean-Lybault dans « Meillant, son église et la fête des cloches ».