R. CHALLET
LA PAROISSE
de
MEILLANT
sous
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
1989
1789
Les Etats Généraux et l'Assemblée Nationale
L'Assemblée Législative
La Convention
1793
1794
1795
Le Directoire
Le Consulat
En guise de conclusion
Sources, bibliographie et note
Annexe
En 1789, quand commença la révolution, la paroisse avait deux prêtres. Le curé, Pierre de Marans, né le 1er avril 1733, avait succédé en 1768 à Claude Estienne Lerasle, dont la naïve pierre tombale est aujourd'hui sur la pelouse au pied du clocher de l'église. Le vicaire François Desrois était à Meillant depuis 1788. Né à Saint-Amand le 25 août 1761, il était le fils de Jean Desrois, marchand drapier, et de Marie-Louise Jobier. Un autre prêtre, Jean Guichard, curé d'Ivoy-le-Pré, avait été nommé par le roi prieur de Sainte-Catherine le 19 mai 1765 et en avait pris possession le 23 juillet suivant. De temps en temps il devait bien lui arriver de passer par Meillant, ne serait-ce que pour percevoir les revenus de son bénéfice.
L'église ressemblait fort à ce qu'elle est aujourd'hui. En plus des trois portes actuelles, elle en avait une quatrième dont l'encadrement se voit encore de l'extérieur, côté cimetière. La chapelle actuelle de la Vierge, bâtie au 17e siècle, contenait le tombeau de Philibert de Brichanteau, évêque de Laon, et était fermée par une balustrade de pierre qui existait encore en 1876. L'ancien clocher, contenant quatre cloches, était situé à la croisée du transept. Sa trappe d'accès existe toujours. Le grand clocher, bâti en 1537 devant l'ancienne porte d'entrée de la nef, était beaucoup moins élevé que maintenant. Il était couronné d'une chambre octogonale contenant quatre grosses cloches et était surmonté d'une flèche. C'est seulement en 1864 que la tour actuelle fut construite. A la couleur des pierres on voit très bien le point de départ de cette superstructure. La chapelle Saint-Joseph n'existait pas encore. Elle ne fut édifiée qu'en 1877. De toutes parts l'église était entourée par le cimetière.
Le prieuré Sainte-Catherine, dont les origines remontent au moins à l'an 1285, était situé dans la rue menant au pont-levis du château, rue qui porte aujourd'hui son nom. Depuis longtemps il ne servait plus qu'à pourvoir son lointain titulaire avec un supplément de revenu. Sa chapelle et ses bâtiments sont maintenant devenus des maisons d'habitation.
L'hôtel-Dieu de Meillant, mentionné déjà en 1343, venait d'être rebâti en 1763 par le duc de Béthune-Charost. Ces bâtiments, auxquels des salles de classe ont été ajoutées au siècle dernier, se voient encore devant l'entrée actuelle du château, à l'ombre de grands arbres.
Non loin de là, au Pavé, en face de la rue des Cas, un petit oratoire était dédié à Notre-Dame de Pitié.
Au hameau de Saint-Rhomble, qui fut le siège d'une paroisse jusqu'à la guerre de 100 ans, il y avait deux chapelles romanes, côte à côte au milieu de leur vieux cimetière. Apparemment elles n'étaient plus guère utilisées, sauf le lundi de Pâques pour la procession en l'honneur de Saint Rhomble.
N'oublions pas le presbytère. En 1560 il était encore situé à peu près là où sont exposés les anciens véhicules du château. Au début du 17e siècle il avait été transféré à sa place actuelle. Si le curé M Lerasle revenait sur terre, il le reconnaîtrait tel qu'il l'a connu, y compris la grange du petit jardin rebâtie par son prédécesseur après qu'elle eut été " totalement incendiée le 5 avril 1755 par la communication du feu qui a pris par la faute de la femme du nommé Palleau aux bâtiments dudit Palleau, charbonnier ". Seule différence : une chambre prise sur l'écurie, une cloison dans la pièce d'entrée, un hangar à bois bâti en 1861, et l'escalier extérieur de la cave construit en 1882.
Quant à la population de la paroisse, un recensement fait par le curé Lerasle en 1764 l'estimait à 158 feux, 850 habitants dont 458 communiants. Le chiffre de 850 habitants peut paraître sous-estimé, étant donné que 1753 à 1772, période pendant laquelle les naissances sont restées stables, elles atteignent un niveau moyen de 46,3 par an, ce qui correspondrait à un taux de 54,5 naissances vivantes pour 1000 habitants, taux qui paraît énorme. Aux experts d'en juger ! Notons que ce taux se maintiendra jusqu'en 1789. Cependant, en raison du nombre important des décès, l'augmentation naturelle de la population de 1764 à 1789 ne fut que de 35. Si l'on ne tient pas compte des autres paramètres, il y aurait donc eu autour de 885 Meillantais en fin de 1789.
La paroisse possédait 125 boisselées de terres fromentales, mesure de Meillant, soit 54 arpents, ce qui équivaut à 19 hectares 30 ares, plus des prés produisant 26 milliers 800 de foin, ce qui correspond à 13 hectares 40, et d'autres prés produisant 12 charretées et demie de foin. Le cimetière contenait des noyers épars. En 1812, on verra le produit du cimetière en herbe et en noix constituer une partie du salaire du sacristain.
Les biens du Prieuré Sainte Catherine consistait en 67 arpents de terres fromentales, soit 23 hectares 46 et 8 milliers 400 de foin, soit 4 hectares 20 de prés.
L'hôtel-Dieu ne possédait que 39 boisselées de terres fromentales, soit 6 hectares, et des prés produisant 8 milliers 100 de foin, soit 4 hectares 05. A cela il faut ajouter 75 quintaux de foin.
LES ÉTATS GÉNÉRAUX ET L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En 1789, Pierre de Marans était donc curé de Meillant, et François Desrois était son vicaire. Avaient-ils pris part à la rédaction des cahiers de doléances ? Comment réagirent-ils à la convocation des Etats Généraux, au serment du Jeu de Paume, à la prise de la Bastille, à la nuit du 4 août, à la mise à disposition de la nation de tous les biens du clergé ? Aucun document ne nous le disant, nous n'essaierons pas d'en disserter. Nous nous bornerons à parler des événements locaux d'après les documents dont nous disposons. Nous relaterons les faits, en évitant autant que possible tout jugement ou commentaire personnel.
Le premier registre de l'assemblée municipale de Meillant fut paraphé le 8 février 1790 par Me Antoine Fouquet Desroches, qui venait d'être élu maire. Fils de Me Jean Fouquet Desroches, greffier en chef de l'élection de Saint-Amand, et de Marie Lerasle, il avait épousé le 13 septembre 1768 demoiselle Elisabeth Collas, fils de feu Me Antoine Collas, procureur de la paroisse de Saint-Amand et de Jeanne-Marie Libault. Avocat au parlement et lieutenant des baillages et maîtrise de Meillant, il habitait la grande maison de feu Me Jehan Libault, appelée aujourd'hui la Baillite.
Le premier acte, daté du 14 février 1790, nous apprend que Pierre de Marans est membre de l'assemblée municipale en qualité de notable. Il le restera jusqu'en fin de 1793.
Ce 14 février, il publie au prône et affiche à la porte principale de l'église quatre lettres patentes du roi. L'une d'elles concerne la mise à la disposition de la nation des biens ecclésiastiques. La publication à l'église d'actes officiels était une vieille coutume. C'est ainsi que chaque année, les dimanches précédant les quatre-temps, était publié l'édit de 1556 du roi Henri II, que Marans continuera de lire en chaire jusqu'en fin 1791 au moins. Cet édit interdisait aux fils de famille de se marier sans le consentement, à l'insu, ou contre la volonté de leurs parents, sous peine d'être déshérités et de se voir retirer tous les biens et droits qui avaient pu antérieurement leur être donnés. Et à Meillant, la lecture de cet édit rappelait de vieux souvenirs. En effet, c'est pour l'avoir enfreint que le 3 septembre 1716 Pierre-Francois Gorge d'Entraigues, seigneur de Meillant, avait été déshérité par son père, et que ses terres étaient passées à sa sœur Julie-Christine-Régine, épouse de Paul François de Béthune, marquis d'Ancenis, puis duc de Charost.
Le 4 avril 1790, le décret de l'assemblée supprimant les vœux monastiques est publié au prône, en présence sans aucun doute de la sœur Sophie Huet. Non seulement elle ne s'y soumettra pas, mais on ne la forcera pas, et le 4 janvier 1793 elle signera encore : Sophie Huet, sœur de la Charité. Elle accueillera même à l'Hôtel-Dieu Marie David " ex-sœur de la ci-devant Communauté Notre-Dame de Gannat ".
Le 11 juillet, Antoine Fouquet Desroches ayant démissionné parce qu'il venait d'être élu membre du district de Saint-Amand, Pierre de Marans " qui s'est trouvé le doyen d'âge" préside l'assemblée réunie pour élire le nouveau maire. Gilbert Thivallet, garde-marteau de la maîtrise des eaux et forêts de Meillant, est élu maire et accepte de plus ou moins bon gré. Il démissionnera quatre mois plus tard, ainsi que le secrétaire greffier, Pierre Régnault. Le 14 novembre Pierre Morlat, du Chaillou, deviendra le troisième maire. François Rognier, sacristain de la paroisse, deviendra secrétaire-greffier.
Le 8 novembre 1790, Guillaume Picaud l'aîné, marchand fermier demeurant à Segogne, expert nommé par le district de Saint-Amand, et Gilbert Porcheron des Places, lui aussi marchand fermier demeurant à Saint-Amand, expert nommé par la municipalité de Meillant, font l'inventaire et l'estimation des biens de la paroisse.
Le 26 novembre suivant, ces deux mêmes experts font l'inventaire et l'estimation des biens du Prieuré Sainte-Catherine. Il est vraisemblable qu'ils font l'inventaire des biens de l'hôtel-Dieu, mais pour l'instant il n'en a pas été trouvé trace.
Le 12 juillet 1790, l'assemblée nationale avait voté le décret relatif à la constitution civile du clergé. Le 27 novembre, elle avait décrété que tous les évêques, curés, vicaires et autres fonctionnaires publics, devraient y prêter serment, ce qui avait été approuvé par le roi le 26 décembre. La conscience des prêtres de Meillant fût-elle troublée par ses décrets ? On ne sait pas, mais il est probable que dans le Saint-Amandois, comme ailleurs, on en discutera vivement. Toujours est-il que la grosse majorité des prêtres du district prêtèrent serment. Quelques-uns seulement refusèrent : Damont, curé de Saint-Amand ; Coulon, d'Arpheuilles ; Lepage, de La Celette ; Geoffrenet, de Colombier ; Thavenat, vicaire de Châteauneuf…
A Meillant, " le 23 janvier 1791, à l'issû de la messe paroissial en présance du conseiller général de la commune… et le peuple assemblés, M. Pierre Marans, curé, et François Desrois, vicaire… ont prêté leur serment par lequel ils ont juré de veiller avec soin sur les fidèle de la paroisse quil leur est confiée, d'estre fidèle à la nation, à la loy et au Roy et de maintenir de tous leur pouvoir la constitution décrétée par la semblée nationale e acceptée par le Roy ".
C'est vraisemblablement à partir de cette date que curé et vicaire, en vertu de la loi du 16 juin 1790, deviennent " salariés de la nation " : le curé recevant 1200 livres par an et le vicaire 700.
En janvier 1791, le maire et des officiers municipaux prennent en main l'administration de l'hôtel-Dieu de Meillant et commencent à verser à la sœur Sophie une gratification de 50 livres tous les deux mois, pour elle et sa compagne. Notons qu'un an plus tard, le 29 janvier 1792, la " sœur Sophie Huet, supérieure de l'hôpital de Meillant, n'ayant point depuis longtemps de compagne et ayant dit que probablement elle n'en aurait plus ", cette gratification sera réduite de moitié.
De la fuite du roi et de sa famille, de leur arrestation à Varennes le 22 mai et de leur retour à Paris sous bonne garde, on ne trouve aucun écho dans le registre de la commune.
Fin juin 1791, le vicaire François Desrois est élu curé de Villequiers près Baugy et quitte Meillant pour prendre possession de son nouveau poste. Meillant restera six mois sans vicaire.
Le 11 juillet 1791, à Saint-Amand, les biens de la paroisse de Meillant sont vendus aux enchères, à l'exception de l'église, du presbytère et du cimetière. Les bâtiments, la chapelle et les terres du Prieuré Sainte-Catherine sont également mis aux enchères le même jour. En feuilletant ce qui reste du dossier des enchères et des ventes, on trouve les noms de certains acquéreurs : Charles Geoffrenet garde du corps du roi, Blaise Dupéron, Jean Rameaux, Joseph Gonnin, Gessé, Pactat, Picot, Massicard, Collas, Bottin, Porcheron, Verneuil, Valligny, Pesard, Laborde, Cormieux, Audebrand, Bonnet des Maisons, Ternat, Tuelès… Accidentellement, ou intentionnellement, le dossier ayant été endommagé par le feu, il est quasiment impossible de dire qui a racheté quoi et à quel prix. Notons cependant que Geoffrenet de Champdavid achetât ce jour-là plus de 48 boisselées de terre et que Joseph Gonnin fit l'acquisition de la chapelle et des bâtiments du Prieuré Sainte Catherine. Le 26 novembre 1792, plusieurs pièces de terre, non payées par leurs acquéreurs seront à nouveau mises aux enchères ; mais personne n'ayant enchéri, c'est le procureur-syndic de Saint-Amand lui-même, Pierre Roger Bignon, qui les achètera. Le 8 juillet 1795, une liste sera dressée des personnes qui n'ayant encore fait aucun payement sur leurs acquisitions ont " encouru la déchéance, et qui doivent rendre compte de clerc-à-maître ".
Nous y trouvons : Ursin Menneton, qui avait acheté 4 journées de vignes, 23 boissellées de terres et le pré Vert, le tout pour 5.185 livres ; Massicard, 4 boisellées de terres et 3 prés, pour 9.940 livres ; Paul Retat, le pré de la Bêlaire, pour 4.225 livres ; Blaise Séron, 4 boissellées, pour 550 livres ; Louis Guilleminet, une demi-boissellée pour 55 livres. Nous étions le 11 juillet 1791. Ce jour-là, Gilbert Pennet, cabaretier près le cimetière, ayant affermé les terres de l'hôpital, la municipalité, sur la représentation de Pierre Audebrand, procureur de la commune et marchand boucher, décide qu'il devra en payer la dîme, soit 27 livres par an.
L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE
Le roi ayant accepté la constitution préparée par l'assemblée nationale, dite constituante, celle-ci déclare qu'elle a terminé ses séances. Le lendemain, 1er octobre 1791, l'assemblée législative commence sa session.
A Meillant, ce même jour, la municipalité continue de s'occuper des biens nationaux. "Le ci-devant seigneur, Béthune-Charost" venait de réclamer remboursement de la somme de 300 livres, montant de la grande dîme laïque de Meillant, destinée à subvenir aux besoins de l'église et de la paroisse. La municipalité estime que la dîme ecclésiastique étant d'un revenu annuel de 2.070 livres et 100 bottes de paille, les revenus de la cure non grevés de fondations étant de 450 livres, le tout est plus que suffisant pour les traitements du curé et du vicaire, ainsi que pour l'entretien des ornements et les réparations de l'église, du clocher et des autres objets destinés au culte. En conséquence la réclamation de Béthune-Charost est rejetée.
Le 20 novembre 1791, de nouveau on vote à Meillant. Le mandat de Pierre Morlat n'est pas renouvelé. C'est Gilbert Pennet qui est élu maire. On élit ensuite 5 officiers municipaux: Etienne Gesset, de Thioux, Jean Crottet, Jean Gesset, garde-fourneaux, Claude Perade et Pierre Namouroux, charbonnier. Passant alors à l'élection du procureur de la commune "il s'est trouvé que monsieur Marans, curé de Meillant, a réuni la majorité absolue des suffrages, a été élu procureur et a prêté serment". Enfin on procède à l'élection des douze notables "à la pluralité relative".
Avec le nouvel an 1792, Meillant touche un nouveau vicaire. " Le 1er jour de janvier de l'année 1792, à l'issûe de la messe paroissiale, en présence du conseil général de la commune de Meillant et le peuple assemblé... Mr Joseph Péron, prêtre du diocèse de la Métropole du Centre (i.e. Bourges) et accepté par Mr. le curé..." prête serment à la constitution civile du clergé. Né en 1767, il était fils de François Péron, tanneur et corroyeur au Chatelet et de Marguerite Julien son épouse. Le 17 décembre 1791 il avait reçu ses lettres de pouvoirs de l'évêque constitutionnel Torné.
Dimanche après dimanche, le curé et son vicaire se relayent pour lire au prône et afficher les lois et décrets de l'assemblée législative, puis de la Convention : 563 pour cette seule année 1792, soit en moyenne une douzaine par dimanche. On peut se demander quelle serait la réaction des paroissiens de cette fin du 20e siècle s'ils devaient supporter chaque semaine une telle avalanche. Mais n'oublions pas qu'à cette époque peu de gens savaient lire...
Le curé Marans, en plus de ses fonctions pastorales, était aussi tenu par ses fonctions de procureur. A ce titre, on le voit intervenir dans l'adjudication de la charge de receveur des impôts, dans la nomination des gardes champêtres et la fixation de leurs salaires, dans la désignation des soldats, etc…
Il est vraisemblable que courant juillet 1792 l'hôpital de Meillant ait cessé de fonctionner. En effet, c'est alors que s'arrêtent ses livres de comptes. C'est alors également que la municipalité cesse de verser à la sœur Sophie Huet son allocation de 25 livres. Elle devra même attendre jusqu'en octobre pour toucher le terme échu en juillet. Mais on ne la chasse pas pour autant de l'hôpital, et nous verrons bientôt qu'elle y résidera encore le 4 janvier 1793.
Jusqu'à maintenant, il ne semble pas que la vie de la paroisse ait été gravement bouleversée. Mais tout va bientôt changer. Dans un an tout aura basculé.
LA CONVENTION
Le 21 septembre 1792, la Convention Nationale succède à l'Assemblée Législative. Elle proclame la République Française et l'abolition de la royauté.
Le 30 septembre, à Meillant, dans le cadre de la nomination de soldats nationaux pour l'armée du Rhin, Marans participe, en tant que procureur de la commune, au choix de trois conscrits : Antoine Bailly, Gilbert Garnier et Pierre Bergemain. Le conseil juge nécessaire de consigner les motifs de ce choix : Bailly s'était déjà enrôlé pour le second bataillon, mais n'avait pas rejoint son unité ; Garnier, homme marié et sans enfants, a désobéi à la loi en ne se présentant pas ; quant à Bergemain, il s'est porté volontaire.
Le 7 octobre 1792, curé et vicaire, en tant que fonctionnaires publics, avec tous les membres de la municipalité, prêtent serment "d'être fidèles à la nation et de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir en la défendant", conformément à une loi du 15 août précédent.
Mais ce serment était déjà périmé ! Une loi du 3 septembre l'avait modifié comme suit : "Je jure d'être fidèle à la nation, de maintenir de tout mon pouvoir la liberté, l'égalité, la sûreté des personnes et des propriétés, et de mourir s'il le faut pour l'exécution de la loi". Il faut donc à nouveau prêter serment. Le registre municipal nous a conservé la liste des 147 hommes de Meillant qui le firent.
Une loi du 20 septembre avait dévolu aux municipalités la charge de constater l'état civil des citoyens. Le 18 novembre, au conseil municipal on s'occupe de la chose. Le procureur de la commune ayant été entendu, on procède sur le champ au choix de l'officier public qui à partir de ce jour sera chargé de recevoir les actes de naissances, mariages et décès. Claude Pérade est choisi comme premier officier d'état civil de Meillant. Le même jour, sur la réquisition du curé Marans, procureur de la commune, le maire et son greffier se transportent au presbytère et font l'inventaire des registres : six cahiers allant du 1er mai 1605 au 28 décembre 1760, ainsi que trente-deux registres allant du 7 janvier 1761 au 20 novembre 1792. Incontinent ils les font déposer aux archives de la municipalité, sauf le dernier registre qui est mis sur le bureau pour servir jusqu'au 1er janvier 1793. Tous ces cahiers et registres sont maintenant aux archives départementales du Cher.
Le 9 décembre 1792, on procède au renouvellement de la municipalité. Après ballotage, Jean Tueles, maréchal-ferrant sur le Pavé, est élu maire. Jean Pirot, Pierre Morlac, Pierre Garnier, Ursin Menneton et Barthélémy Soupizon sont élus officiers municipaux. Puis c'est le tour des douze notables, parmi lesquels on retrouve encore le curé Pierre de Marans. Jean Massicard lui succède comme procureur de la commune. Huit jours plus tard, Siméon Bonnichon devient officier d'état civil.
1793 commence...
Le 4 janvier, sur l'ordre du directoire du district de Saint-Amand, la municipalité, accompagnée de la ci-devant sœur Sophie Huet, se transporte à l'hôpital pour faire l'inventaire de tous les meubles et effets qui s'y trouvent. La sœur leur montre une marmite de cuivre avec son couvercle, une chopine d'étain et un demi-setier d'étain, disant que c'est là tout ce qui appartient à l'hôpital. On lui demande à qui appartient tout le reste. Elle déclare "qu'il appartenoit au citoyen Béthune-Charost qui les a prestê pour meubler laditte hopitale". Naturellement on ne peut pour autant se dispenser de faire un inventaire détaillé et complet. En voici un extrait : "Dans la chambre appellé la classe nous y avons trouvé un baie dan le quelle il y a un buffet fermante à cleff et son tiroir en dedan fermant aussy à clef, une grande tabe décoliers avec cest tiroire, cinq bancs pour asoire. Dan Lapotiquerie (pharmacie) un burot fermant à clef, un grand buffet garni de ceste boite et raion au dessus seize chenerete (?), dix neuf canon, dix huit bouteil de vere, vingt un petit po de faiance ; quatre grande bouteille de terre... un petit mortié de bronze avec son pilon de ferre, une seringe ; une père de balance, un petit raion pour mètre des livre, trois chaise, quinze grand livre. A légard du linge c'est la sœur qui s'en fournit, et a signé avec nous... Sophie Huet sœur de charité". De retour à la mairie, inventaire est fait d'un coffre qui y est déposé et qui contient les quelques misérables objets de culte du Prieuré Sainte-Catherine.
A la mi-janvier 1793, on remarque toute une série de démissions. D'abord l'officier d'état civi1, Siméon Bonnichon. Il est remplacé par le citoyen curé Pierre Marans. Puis le secrétaire-greffier et le procureur de la commune, à leur tour, démissionnent le 20 janvier. Le nouveau procureur, François Virtel, abandonne ses fonctions le 6 février et est remplacé par Pierre Latte. N'y aurait-il pas quelque rapport entre ces démissions et la condamnation à mort de Louis XVI ? Ou bien n'est-ce qu'une simple coïncidence? Quoi qu'il en soit le curé Marans "accepte laditte fonction à lui déléguée" et n'en démissionne pas.
La levée de 300 000 hommes, décrétée par la Convention le 24 février 1793, suscite des troubles parfois violents dans toute la France ; c'est la dernière étincelle qui allume la guerre de Vendée. Et même à Meillant elle provoque quelques remous, bien légers il est vrai.
Le vendredi 1er mars 1793, fête paroissiale, à l'issue de la première messe, le citoyen curé avait informé les citoyens soldats qu'ils auraient à se rassembler le dimanche suivant "avec armes et sans armes" au lieu fixé par leurs officiers, pour organiser leur compagnie et faire connaissance de leur commandant en second. Le jour venu, quand on veut les faire mettre en rangs et prêter serment, ils refusent tous d'obéir aux ordres de leurs officiers et aux injonctions de la municipalité ; tous, sauf six dont voici les noms : François Virtel, Pierre Ponnon, Pierre Fleurant, Vincent Martin, Antoine Peux et Gilbert Pinet. Les insultes fusent. Etienne Morillon, Nicolas Tarnat et Simon Morillon s'écrient: "Il faut tomber sur le commandant, et nous nous foutons de ses ordres comme de luy. Il peut s'aller faire foutre". Le citoyen Godeau, commandant en chef des troupes du canton de La Ce1le-Bruère, demande qu'on procède contre ces trois personnes. Procès-verbal est donc dressé.
Le 19 mars suivant, un seul homme, Edme Giraudon, s'étant porté volontaire pour "voller à la déffense de la patrie en qualité de soldat nationales", alors que le contingent de Meillant avait été fixé à onze, il faut changer de méthode. Sur convocation, 71 hommes se présentent à la salle commune. Invités à choisir le mode de désignation, ils demandent le tirage au sort. Le vicaire de Meillant, Joseph Péron, est parmi eux. Il présente un certificat du médecin Duret "à cause d'une plaie ancienne à la jambe droite et que cette plaie pour marcher le gêne beaucoup". On le fait examiner par quatre garçons qui reconnaissent son inaptitude au service militaire. Pendant, le tirage au sort, c'est au tour du cabaretier Gilbert Ternat, frère de Nicolas, d'insulter l'officier municipal, disant : "qu'ils étoient quatre ou cinq qui ne suivent pas le chemin droit, et quoique vous êtes muni de votre écharpe je me fout de vous, et qu'il voulé aprandre à vivre au maire et officiers municipaux, et que vous êtes cinq à six poullipoix et que je ne vous crin pas". Le greffier note que "devant le chagrin du peuple on n'a répondu rien". Le lendemain, Nicolas Renard, un des conscrits, non seulement refuse de joindre l'armée, mais insulte le maire et les officiers municipaux "quoiqu'ils fussent en écharpe".
Le 5 avril 1793, le citoyen Pierre Marans, curé de Meillant, vient déposer ses armes au greffe de la municipalité, "scavoir un fusil, à deux coups et un vieux sabre tous rouillé sans cinturon et sans fourreau". Le 25 juin de la même année on les lui rendra et de sa main il en donnera reçu.
Le 6 avril, à Paris, se forme le Comité de Salut Public. Le 20, un comité semblable est établi à Bourges, sur injonction de Paris. La situation devient sérieuse.
A Meillant, curé et vicaire publient au prône des décrets pour la sûreté générale. Mais, entretemps, la municipalité doit mettre en application un arrêté publié le 29 mars par le conseil du département du Cher "en surveillance générale". Elle s'exécute et, oubliant tant la révolte des soldats que les insultes de plusieurs citoyens, elle déclare: "après un examen exact et impartial, ouï le procureur de la commune, il a été unanimement reconnu.... que tous les citoyens de la commune... sont de la première classe, c'est-à-dire qu'ils sont tous zellés patriotes". Le curé Marans est l'un des signataires.
Le 30 juin 1793, la déclaration des droits de l'homme est lue en chaire, puis affichée à la porte de l'église, par le citoyen Péron, vicaire de Meillant. C'est son dernier acte, car il vient d'être élu curé de Maillet, près de Cérilly.
Le 10 août, tous les citoyens se rassemblent devant l'autel de la Patrie, sans doute sur le Pavé. Là ils renouvellent leur serment de liberté et d'égalité, disant : "Nous demeurons inviolablement attachés à l'unité et à l'indivisibilité de la République et nous maintiendrons la sûreté des personnes et des propriétés et nous mourrons pour l'exécution de la loi". Le curé Marans est partie prenante et signe. On aimerait savoir la part qu'il prit dans cette cérémonie et on souhaiterait avoir le texte de l'allocution qu'il ne put manquer de prononcer.
Début octobre 1793, la sœur Sophie Huet est arrêtée, emmenée à Saint-Amand et écrouée à la prison Saint-Vic, ancienne résidence de l'Abbé de Noirlac et aujourd'hui musée. Elle fut, dit-on, "délivrée par sa famille, secondée par un groupe des habitants de Meillant ".
Le 6 octobre, le citoyen Marc Guillemain, commissaire de l'assemblée primaire du canton de La Celle-Bruère, vient personnellement à Meillant requérir le conseil municipal de faire descendre les cloches de la commune, avec la faculté cependant d'en garder une pour les sonneries civiles.
Le même jour, dans le cadre des réquisitions pour l'armée, le curé déclare "un cheval de selle d'une hauteur assez bien de couleur blanchâtre". D'autres habitants font de semblables déclarations. Le citoyen Béthune-Charost déclare que deux de ses chevaux, âgés de 22 à 24 ans, ont été refusés, que deux autres âgés de 10 à 11 ans ont été livrés à Bourges le 10 mai, qu'il a offert ensuite deux chevaux plus jeunes et qu'il est prêt à les donner sans indemnité aucune. Il est bon de noter qu'un mois plus tôt, le 8 septembre 1793, le citoyen Armand-Joseph Béthune-Charost, domicilié à Paris, rue de Lille, section Fontaine de Grenelle, avait déclaré reprendre domicile dans la maison lui appartenant à Meillant. II pensait peut-être que Meillant était moins dangereux que Paris...
Le 13 octobre, le citoyen Dumoulin, entrepreneur de travaux publics à Saint-Amand, descend et emporte sept des huit cloches de l'église, soit : trois des quatre cloches du grand clocher : Madeleine, fondue dans les Flandres en 1641 et donnée par Messire Philbert de Brichanteau, évêque et duc de Laon, pair de France, comte d'Anizy, prieur de Saint Vincent de Laon et aussi prieur de Sainte Catherine de Meillant ; Angélique, fondue en 1656 et donnée par Messire Claude-Alphonse de Brichanteau, marquis de Nangis, baron de Meillant, Charenton, Chandeuil et Le Pondy, et par dame Angélique d'Allougny, son épouse ; et Antoinette, dont on ne connait pas le donateur. Plus les quatre cloches du petit clocher : Françoise, Claude, Antoinette et Lucie, données en 1639 par Philbert de Brichanteau et parrainées par des membres de sa famille.
Deux jours plus tard, le 15 octobre, le voiturier Julien Villepelet, emmène à la fonderie de La Charité la cloche de Saint-Rhomble, qui pesait 100 livres, et celle du Prieuré Sainte-Catherine, qui en pesait 236 et était réputée contre les orages.
Il ne reste donc plus à Meillant qu'une seule cloche : Philberte, nom de son donateur. Elle avait été fondue en 1630 par Simon et Nicolas Bezot et pesait 1275 kg. Le 26 janvier 1875, lors du mariage de Jean-Marie Poirier, horloger à Châteauneuf, et de Louise Martin elle se fêlera et devra être refondue par Me Bollée d'Orléans, son poids étant alors porté à 1440 kg. Monseigneur de La Tour d'Auvergne viendra la bénir le 25 juin 1876. Et elle sonne encore...
Une loi du 17 juillet 1793 avait ordonné qu'on remette aux autorités les titres de noblesse, titres féodaux, lettres de prêtrise et autres documents relatifs aux bénéfices et fonctions ecclésiastiques. En conséquence, "le jour treizième de la 1ère décade du second mois de la seconde année de la république française une et indivisible", (i.e. le 24 octobre 1793) le curé Marans vient déposer ses titres à la mairie : en tout et pour tout "une nomination et présentation à sa faveur a la chapelle ditte la Fraye des Cayeux, en patronage laïc desservie au tombeau de Sainte Radegonde à Poitiers, ainsi que la collation et autres papiers relatifs audit bénéfice, plus un titre ou acte concernant la disme dépendante cy-devant de la cure dudit Meillant", documents qui devront être brûlés à l'expiration d'un délai de trois mois. Il convient de remarquer qu'il ne se démet pas de ses lettres de prêtrise.
Ce même 24 octobre, le curé Marans, qui depuis quelque temps n'assiste plus guère aux réunions du conseil, prend part à la fixation du prix maximum des salaires pour la commune. Le principe " à travail égal, salaire égal " n'est pas entré dans les mœurs. Ainsi : " Les gages des domestiques mâles seront de cent vingt, celluy des domestiques femelle de quarante cinq livres par an..."
Le 15 brumaire an II (5 novembre 1793) Siméon Bonnichon, lieutenant de la garde nationale de Meillant depuis le 13 octobre et commissaire nommé par le district de Libreval, se fait remettre tous les effets de la chapelle du Prieuré Sainte-Catherine, à savoir : trois cartons d'autel, un missel, un calice et sa patène, un tapis, une aube, trois nappes d'autel, un cordon, un amict, quatre purificatoires, une chasuble à deux faces avec ses étole et manipule, ainsi qu'un corporal. Il emmène le tout au district.
Le 6 Nivôse de l'An II (26 décembre 1793), le citoyen François Rognier, secrétaire-greffier de la commune et sacristain de la paroisse, est nommé officier d'état civil à la place de son curé et promet "de s'acquitter exactement de ses fonctions conformément aux loix ".
1794 commence...
L'introduction du calendrier républicain le 22 septembre 1793 avait supprimé les dimanches (remplacés par les décadis) et les fêtes religieuses. Aucun texte ne nous dit comment la vie de la paroisse en fut affectée. Mais une chose est sûre : il a toujours fallu un certain temps avant que les mesures prises à Paris soient appliquées à Meillant.
Le 9 pluviôse an II (28 février 1794), brutalement, la vie de la paroisse passe au point mort. Ce jour-là, le curé Pierre de Marans abdique ses fonctions sacerdotales et curiales. Son acte d'abdication n'a pas été retrouvé. A titre d'exemple, citons celui d'Antoine Demenitroux, curé d'Ineuil : " Moi Antoine Demenitroux, ministre du culte catholique en la commune d'Ineuil, je me démet pour toujours, et sans jamais pouvoir y prétendre, de ma cure, et je renonce dès ce jour à toutes les fonctions ecclésiastiques, promettant sur ma foi de n'en jamais exercer aucune. La volonté générale sera toujours le thermomètre de la mienne, et le bonheur publique mon premier sentiment. Donné à Ineuil le Vingt-cinq pluviôse l'an second de la république françoise une et indivisible. Demenitroux". Le tout est écrit et signée d'une main ferme et assurée. Après son abdication, Demenitroux se retirera à Lignières. Le 9 germinal il deviendra membre de la société populaire "toujours dans les principes de la révolution". Néanmoins, le 1er brumaire an IV (23-20-1795), la volonté générale "thermomètre de la sienne" ayant changée, il reprendra ses lettres de prêtrise. En 1816 il deviendra curé de Meillant, où il mourra le 5 février 1841, âgé de 86 ans, laissant derrière lui une réputation de sainteté dont certains se souviennent encore. Sa tombe se voit encore au cimetière en face de celle du curé Julien.
Le 2 pluviôse (21-1-1794), Joseph Péron, ancien vicaire de Meillant devenu curé de Maillet avait abdiqué lui aussi à Libreval (nouveau nom de Saint-Amand, qui avait été débaptisé comme le furent bien d'autres villes et villages : ainsi Saint-Pierre-les-Etieux était devenu "Beauval", Saint-Loup-des-Chaumes : "Les Chaumes-de-Bel-Air", etc...). Le 16 pluviôse il revient à Meillant, présente son certificat de "démission de prêtre" à la mairie et déclare son intention d'établir son domicile dans la commune. On lui demande un certificat de civisme qu'il présente quelques jours plus tard.
Le nombre des abdications, autour de 341 dans l'Indre et plus de 350 dans le Cher, ne va pas sans poser une question : furent-elles spontanées ou imposées ? Il est difficile d'y répondre. Remarquons que le décret n° 1918 de la Convention, du 29 frimaire (19 décembre 1793), promettant aux évêques, curés et vicaires qui abdiqueraient leur état et fonctions de prêtre une pension annuelle de 800 livres s'ils avaient moins de 50 ans, de 1000 livres s'ils avaient entre 50 et 70 ans, et de 1200 livres pour les plus âgés, a pu agir sur certains comme une incitation. Par ailleurs, en fin 1793 et début 1794, nous sommes en pleine campagne de "déprêtrisation" campagne systématique menée dans la région par le citoyen Laplanche, délégué de la Convention…, et lui-même ancien moine bénédictin et ancien vicaire épiscopal de la Nièvre. Cette campagne a certainement engendré une atmosphère de peur. La formulation de certains actes d'abdication semble révéler parfois une perte plus ou moins complète de la foi. Et pourtant ? Certaines déclarations sont en contradiction avec le comportement de leurs signataires. Ainsi, que penser de Philbert Baudon, ancien vicaire d'Uzay-le-Venon puis curé de Vasselay, qui abdique à Bourges le 28 brumaire (18 novembre 1793) devant le comité de surveillance, et déclare qu'il ne "veut plus que sa langue soit souillée par les chants gothiques de la ci-devant église, qui ressemblent plutôt au chant des oiseaux nocturnes qu'à des hymnes en l'honneur de l'Etre suprême"? Après le Concordat de 1801 on le retrouvera curé dans l'Indre. Laissons le jugement à Dieu qui seul "sonde les cœurs et les reins".
Revenons à Meillant. Le curé ayant renoncé à ses fonctions, les objets de culte sont devenus inutiles. C'est ce que déclare le conseil municipal le 14 ventôse (4 mars 1794). Sur le champ on les envoie donc au district de Libreval : "deux calisses et leur patène en argent, un ciboire en argent doré, un autre petit ciboire en argent, un soleille (ostensoir) en argent, deux petites boites en argent, une croix et son bâton, une ensensoire, un bénitier six chandeliers et un Criste le tout soufflé en argent et une lampe, une vieille croix, un bénitier, une lampe, une ensensoire, le tout de cuivre, quatre chandelliers de potin et quatre de cuivre, une navette argenté et une autre en cuivre et un bassin en plont".
Cinq jours plus tard, le 19 ventôse an II (9 mars 1794), le conseil municipal arrête, "sur la motion d'un membre, que le vingt-six du courant l'on commenceroit la vente des ornements, linges, bois des différentes chapelles et des orgues, les pierres et statues, lesquelles statues seront dénaturées avant l'enlèvement, qu'en outre il serat achepté un porterait de la déesse de la raison et l'oeil de surveillance pour ëstre placé dans le temple de la raison". Effectivement, le 26 ventôse (dimanche 16 mars 1794) tout est vendu à la "fole enchaire". Les linges et vêtements de culte rapportent 1375 livres et dix sols. Les statues et leurs supports, les pierres des autels, du bénitier et des fonts baptismaux, les boiseries des quatre autels, deux bancs et deux confessionnaux, deux mauvaises petites armoires, la boite de la bannière et le pupitre, rapportent 323 livres. Soit un total de 1698 livres 10 sols. De ce total il faut déduire "24 livres de dépense pour abatre les croix du clochet et casser les ci-devant saints".
Le citoyen Pierre Marans n'étant plus curé doit en bonne logique quitter le presbytère. Le 27 ventôse (17 mars 1794), les officiers municipaux, après avoir visité "la maison ci-devant curiale", reconnaissent que toutes les réparations locatives ont été faites et en donnent un certificat de décharge au ci-devant curé. Va-t-il tout de suite s'établir route de Saint-Amand dans la maison où il mourra le 11 juillet 1800 ? On ne sait. Plus probablement, comme ce fut le cas pour Demenitroux, il dut quitter Meillant, ce qui expliquerait sa tardive réapparition le 22 novembre 1795.
Entre temps, le 17 ventôse (7 mars 1794), Joseph Péron, l'ancien vicaire avait épousé Claire Rognier, fille de François Rognier, propriétaire, secrétaire greffier et ancien sacristain, et de Jeanne Bailly son épouse. Sur le registre il avait signé : "Joseph Péron, vrai sans-culotte". Le 30 nivôse (19 janvier 1794), à Dun-sur-Auron, François Desrois, lui aussi ancien vicaire de Meillant puis curé de Villequiers, après avoir renoncé à ses fonctions, sacerdotales, avait épousé Françoise-Jeanne Juillien, fille "de défunt Claude Juillien, en son vivant huissier de la connétablie maréchaussée de France, et de Françoise Lamoureux". Ils ne sont pas les seuls. Dans le Cher et l'Indre quelques 250 prêtres firent de même. Ils y étaient encouragés, entre autres choses, par le décret n° 1094 de la Convention, du 25 brumaire an II, qui arrêtait que "les ministres du culte catholique qui se trouvaient actuellement mariés ; ceux qui antérieurement au présent décret auront réglé leur mariage, ou seront en état de justifier de la publication de leurs bans, ne seront point sujets a la déportation ni à la réclusion, quoiqu'ils n'ayent pas prêté le serment prescrit par les lois des 24 juillet et 27 novembre 1790". Bien plus, ils suivaient les encouragements du citoyen Torné, évêque constitutionnel de Bourges, qui avait personnellement célébré en sa cathédrale deux mariages de prêtres en émettant le souhait que son clergé "donnât l'exemple de l'amour conjugal mêlé aux vertus pastorales ". Et encore plus, ils suivaient son exemple, car il venait lui-même d'épouser la citoyenne Collet de Messine le 4 janvier 1794.
Le 3 germinal de l'an II (25 mars 1794), un registre est ouvert à la mairie "pour y inscrire les noms des instituteurs et institutrices du premier degré d'instruction et des enfants ou pupil qui leur seront confiés par le père, mère, tuteur ou curateur ". On ne sait pas si c'est alors ou plus tard que Joseph Péron s'est porté volontaire. En tout cas, trois ans plus tard, le 28 messidor an V (16 juillet 1797), il sera effectivement instituteur.
L'église était vide et dépouillée, mais elle allait encore subir bien des indignités. Pour la défense du pays il fallait de la poudre. Il fallait donc du charbon et du salpêtre. Pour le charbon, pas de problème. Le 11 germinal an II (31 mars 1794), Pierre Morlat, Thomas Marchandon et Jean Pirot sont chargés de faire le recensement des cendres et de les réquisitionner, ne laissant à chaque ménage que ce qu'il faut pour faire la lessive. Mais pour le salpêtre ? Le citoyen Jean Massicard "connu pour son civisme et son patriotisme" s'étant offert, on le nomme chef d'atelier et on l'envoie à Bourges prendre des instructions. Est-ce là qu'il prît l'idée d'utiliser le sol de l'église comme carrière? Car c'est ce qu'il fît. En effet le 20 brumaire an III (10 novembre 1794) on aura besoin de réparer "les dégradations qui ont été faites dans le temple, soit en démolissant les autels, soit en tirant du salpêtre où on a été obligé de décarier pour prendre la terre". Il en coûtera 240 livres pour la main d'œuvre, la municipalité s'engageant à fournir tous les matériaux nécessaires. Mais pour payer ces 240 livres, il faut se les procurer. Le 30 brumaire (20 novembre 1794) on vendra donc aux enchères les vieilles orgues de l'église. C'est le maire, Jean Tuelès, qui les acquerra pour 140 livres. Elles en avaient coûté 800 un siècle et demi plus tôt.
Le 13 germinal an II (2 avril 1794) le ci-devant duc Béthune-Charost est arrêté et emmené à Paris, où il est écroué le 17 germinal à la prison de La Force. Le 8 floréal (27 avril 1794), une lettre écrite de sa main et non datée arrive à Meillant. Il demande aux officiers municipaux un certificat de résidence, et ajoute : "Je vous demande de vous concerter avec l'agent national de la commune, celui du district et le district... J'attends que vous voudrez bien me rendre justice dans ce moment où votre suffrage, appuyé du district ou comité révolutionnaire et de la société populaire qui connoissent et ont surveillé ma conduite contribuera sans doute efficacement à mon bien être dans l'examen des détenus pour mesure de sécurité générale qui va être effectué. Salut et fraternité. Béthune-Charost". Il ajoute en post-scriptum : "Je ne demande que vérité et équité".
Le certificat de résidence, envoyé immédiatement, est intéressant, car il nous donne le signalement de Béthune-Charost, âgé alors de "cinquante-cinq ans et neuf mois, taille de cinq pieds un pouce, cheveux et sourcils bruns, visage rond, front chauve, yeux bleus, nez long, bouche petite et menton rond".
Il est déplaisant de déflorer une belle histoire ... On a écrit que Béthune-Charost fut "conduit à la prison de Saint-Amand, mais (que) les habitants du village de Meillant allèrent en masse l'y chercher et le ramenèrent dans son antique manoir". On le dit encore. Hélas, la vérité est assez différente. C'est seulement le 3 fructidor (20 août 1794), soit quatre mois après réception de sa lettre et un mois après la mort de Robespierre sur l'échafaud, que les meillantais se présentent à la mairie, font son éloge et demandent qu'il soit jugé promptement. Et c'est huit jours plus tard, le 11 fructidor, que la requête officielle sera rédigée et envoyée au comité de sûreté générale de Paris. Joseph Péron est l'un des signataires. Paris hésite à croire le contenu de la requête et écrit au district de Saint-Amand pour qu'il en vérifie l'exactitude. Enquête faite, Saint-Amand non seulement confirme les déclarations des meillantais, mais les développe. Pourtant ce sera seulement le 19 pluviôse an III (7 février 1795) qu'un arrêté du comité de législation rayera définitivement Béthune-Charost "de toutes les listes d'émigrés où il avoit pu être porté". Et c'est deux mois et demi plus tard qu'il reviendra à Meillant.
Les malheurs de la ci-devant église paroissiale ne sont pas terminés. Le 6 prairial an II (25 mai 1794), sur l'ordre du citoyen Méhaut, représentant du peuple dans les départements du Cher et de l'Indre, le conseil général de la municipalité "révolutionnaire" de Meillant décide "la démolition des flèches et donc des deux clochers qui sont sur la ci-devant église". Le contrat est donné au citoyen Pierre Fleurant, charpentier de cette commune, pour la somme de 300 livres. Il devra réparer tout le dommage occasionné et il rétablira la charpente et la couverture "pour mettre au niveau du bâtiment la place occupée par le petit clocher qui est au-dessus du chœur, et il fera une bonne charpente et une bonne couverture à la place du gros clocher". Notons que les deux actes rédigés ce 6 prairial an II, sont les seuls où l'on utilise le mot "révolutionnaire". Il semble qu'à Meillant on soit moins engagé qu'à Libreval où on parle même de "l'extraction révolutionnaire du salpêtre".
On dit que le jour de prise de la Bastille un seul mot est écrit dans le journal de Louis XVI : "Rien". Eh bien ! le 9 thermidor (27 juillet 1794), jour de la mort de Robespierre, une seule chose est notée dans le registre de la commune : Gilbert Pennet, membre du conseil, ayant vendu du vin au-dessus du prix maximum, procès-verbal lui est dressé.
Le 24 fructidor (10 septembre 1794), Jean Massicard, métayer à Meillant, s'étant rendu adjudicataire du ci-devant presbytère, fait constater 1'état des lieux par Georges Barbarin, juge de paix du canton de La Celle-Bruère. Le bâtiment a du rester à l'abandon depuis le départ du curé : quelques vitres sont cassées, les allées du jardin sont remplies d'herbe et son mur est écroulé à trois endroits.
Le 20 brumaire an III (10 novembre 1794), décision est prise de construire une chambre dans la ci-devant église "pour faire le bureau de la municipalité". Ce travail est confié au citoyen Denoyer, maitre-entrepreneur. Le 12 frimaire an III (2 décembre 1794), le citoyen Cherrier, représentant au peuple en mission dans les départements du Cher et de l'Indre nomme d'autorité les membres de la nouvelle municipalité : Tuelès, maire ; Jean Pirot, Pierre Garnier, Jean Morlat, Gilbert Pennet, Claude Perade officiers municipaux ; 12 notables ; un officier d'état civil, Claude Giraudon ; un agent national, Siméon Bonnichon. François Rognier demeure secrétaire-greffier.
1795 commence
La loi du 3 ventôse an III (21 février 1795) article 5, décrète "qu'aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public, ni extérieurement, de quelque manière que ce soit ". Il est permis de penser que c'est en application de cette loi que les nombreuses croix qui se trouvaient tant dans le bourg qu'à la croisée des chemins furent détruites. Seules furent sauvées, on ne sait comment, la croix de Sarzay, élevée en 1645 par Jacques Duchassin, et les deux croix de Saint-Rhomble, élevées par G. Jutier en 1765, sans oublier la grande croix du cimetière, qui est datée de 1780. Chose curieuse, si les statues et les autels de l'église furent détruits, il n'en fut pas de même partout. L'autel du Prieuré Sainte-Catherine survécut à la révolution.Il fut vendu au début du 19e siècle à la paroisse de Saint-Pierre-les-Etieux. Les armes de Philbert de Brichanteau qui l'ornaient furent rendues à la paroisse de Meillant en 1880 et furent placées à l'intérieur de l'église au-dessus de la grande porte, où elles se voient encore. Au début du XIXe, également, "quelques saints en bois (de la chapelle de Saint-Rhomble) entr'autres Saint Romble et Saint Roch, assez grossièrement sculptés et deux petits buffés d'assez bon gôut" furent transportés à l'église de Meillant. Un inventaire du 9 avril 1893 mentionnera encore un "Saint Roch en bois peint", mais point de Saint Rhomble. Hélas, rien n'en subsiste aujourd'hui. Quant à la chapelle du Pavé, dédiée à Notre Dame de Pitié, fort endommagée pendant la révolution, elle était dans un tel état que le conseil de Fabrique, le 20 mars 1806, décida de la faire détruire et en vendit les pierres à Gilbert Ternat pour la somme de 100 livres.
Le 5 floréal an III (24 avril 1795) "le citoyen Armand-Joseph Béthune-Charost cy-devant duc et maréchal des camps et des armées de la république" et Henriette-Adélaïde-Joséphine Sourches-Tourzel, son épouse peuvent enfin revenir à Meillant. Le 25 prairial, ils seront suivis par leur belle-fille "Maximilienne Augustine Henriette Bethune-Sully, veuve Béthune-Charost, domiciliée en la commune de Neuilly, département de Paris, district de Franciade".
Le 24 floréal (12 juin 1795), Béthune-Charost se présente devant la municipalité et déclare son "intention, conformément à la loi (de Robespierre) sur la liberté des cultes, de suivre dans sa maison le culte catholique, en se conformant aux dispositions de la loi, et pour que la réunion de ceux de ses concitoyens qui profiteroient de cette facilité pour user du même droit, et qui savent comme lui qu'un des devoirs du chrétien est d'obéir aux lois, comme c'en est un autre d'aimer ses semblables comme soi-même et de contribuer de tout son pouvoir à leur bien et à la prospérité publique, donne toujours le spectacle d'une réunion paisible et tranquille et ne puisse jamais les en accuser, il a invité les maire et officiers municipaux, et agent national, à concourir par leur sagesse et leur surveillance à assurer ce but salutaire".
Le lendemain, le citoyen Jacques-Auguste Greffin se présente en mairie et déclare que, "voulant répondre aux vœux du citoyen Béthune-Charost qui l'a choisi pour exercer le culte dans sa chapelle" il fait auparavant la présente déclaration et promet de se soumettre toujours aux lois de la république. Jacques-Auguste Greffin, fils de Pierre Greffin et de Marie Ledard, était né le 14 août 1741 à Gray-sur-Mer, Calvados, et avait fait profession religieuse le 3 novembre 1774 au couvent des Carmes de Caen. Au début de la révolution il était sacristain aux Carmes de Saint-Amand. Après la suppression des vœux monastiques, il avait déclaré par écrit : "Je soussigné déclare que ma dernière volonté est de ne plus continuer la vie commune et de sortir du cloître, restant dans le district de Saint-Amand, département du Cher. A St.Amand, le 14 janvier 1791. Jacques-Auguste Greffin". Le 12 prairial (31 mai 1795), Jacques Greffin quitte Saint-Amand et établit son domicile à Meillant, où il restera jusqu'à sa mort, c'est à dire pendant 20 ans.
Avec la venue de Greffin se terminait une longue période d'un an et trois mois pendant laquelle les meillantais avaient été complètement privés des secours de la religion.
Quatre mois plus tard, le 18 fructidor (4 septembre 1795), le citoyen Joseph Péron, dont l'épouse venait de mettre au monde le premier enfant, se présente à la mairie et déclare son intention de reprendre l'exercice du culte dans l'église de Meillant. On aimerait savoir si effectivement, il a repris ce service, ce qui n'est pas impossible. Mais à coup sûr, on a du jaser dans les échopes du bourg !
Le 5 brumaire an IV (27 octobre 1795), la municipalité fait le compte de ses recettes et dépenses depuis le 16 février 1794. A part "8 livres dans un trou", les 1854 livres 19 sols de la recette proviennent uniquement de la vente des effets de l'église et du bois des orgues. Sur 1180 livres 5 sols de dépense, 250 ont été payées pour la démolition des clochers, 640 pour recarreler l'église, la regriffer et y faire une chambre pour la municipalité, pour remonter les autels et pour le blanchiment des murs, 140 pour quatre charretées de chaux et quatre cent briques, port compris, et 31 pour une porte à chambranle, une table, des tréteaux et la ferrure. Restent donc en mains 674 livres 5 sols, auxquels il faut ajouter 122 livres 5 sols, montant d'amendes perçues, et 730 livres reçues du receveur du district de Saint-Amand pour estre employé à la confection de la grande route de Meillant à Dun" (notre départementale 14) qui est alors en cours de construction.
LE DIRECTOIRE
Pendant que la municipalité de Meillant faisait ses comptes, à Paris s'organisait le nouveau corps législatif, composé de deux conseils, l'un des Anciens, l'autre des Cinq Cents, et la constitution décrétée par la Convention le 5 fructidor (22 août 1795) était mise en vigueur. Le 13 brumaire an IV (4 novembre 1795) verra l'installation du Directoire exécutif de France.
La reprise du culte n'est pas facile. Le 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), la Convention avait imposé un nouveau serment, que voici : "Je reconnais que l'universalité des citoyens français est le souverain et je promets soumission et obéissance aux lois de la république". Le 18 brumaire (9 novembre 1795), Jacques Greffin vient le prêter et déclare à nouveau vouloir exercer le culte dans l'enceinte de la maison du citoyen Béthune-Charost. Cela signifierait-il qu'il n'avait pu le faire malgré sa déclaration du 25 floréal ?
Le 1er frimaire (22 novembre 1795), Pierre Marans réapparaît. Il vient lui aussi prêter serment, et déclare vouloir exercer le culte dans l'église de la ci-devant église de Meillant Quant à Joseph Péron, qui a été élu adjoint municipal le 15 brumaire (6 novembre 1795), on lui a peut-être laissé entendre qu'étant marié et père de famille il valait mieux qu'il s'abstienne. Ou bien a-t-il pensé que ce n'était guère compatible avec ses fonctions d'adjoint ?
Le 6 floréal (25 avril 1796), Jacques Greffin vient à nouveau à la mairie. Cette fois il déclare vouloir exercer le culte dans "l'enceinte de l'église de cette commune". Il venait ainsi aider le curé Marans dans sa lourde tâche. Depuis bientôt deux ans, de nombreux enfants n'avaient pas été baptisés. Les plus grands n'avaient pas été catéchisés. Bien des mariages étaient à régulariser. La vie de la paroisse était à remettre sur pieds.
Mais il fallait agir avec la plus grande discrétion et prudence. Un arrêté départemental du 15 pluviôse an IV (4 février 1796), constatant qu'en bien des endroits on relevait les croix des carrefours et on sonnait les cloches pour appeler les fidèles aux cérémonies religieuses, avait repris la loi du 3 ventôse an III, stipulant : "Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public, ni extérieurement, de quelque manière que ce soit. Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui lui est affecté ; aucune proclamation ni convocation publique ne peut être faite pour y inviter les citoyens".
Arrivés à ce point, hélas ! il y a un grand vide dans le registre municipal. Du 6 floréal an IV (25 avril 1796) au 6 germinal an V (26 mars 1797) rien n'y a été inscrit. En ce jour du 6 germinal an V, Pierre Marans, étant le plus jeune d'âge, préside l'assemblée qui va élire Jean-Etienne Bonnelat, gendre d'Antoine Fouquet Desroches, au poste d'agent municipal de la commune. Joseph Péron, étant le plus jeune d'âge, fait fonction de secrétaire. Après cela il faut attendre le 15 messidor an VIII (4 juillet 1800) avant de trouver un autre registre.
Que s'est-il donc passé ? Jean Tuelès, maire de Meillant est mort le 2 ventôse an IV (21 février 1796), âgé de 43 ans. Son dernier acte date du 5 brumaire an IV (27 octobre 1795). Aucune mention n'est faite de l'élection ou de la nomination d'un nouveau maire. On trouve seulement le 15 brumaire l'élection de Siméon Bonnichon au poste d'agent de la commune, et celle de Joseph Péron au poste d'adjoint municipal. Chose curieuse, les mariages des années VII et VIII sont célébrés par le "président de l'administration municipale du canton de La Celle-Bruère" et les registres sont au chef-lieu du canton. N'est-on pas en droit de se demander si la commune de Meillant n'a pas été coiffée pendant un certain temps par l'administration cantonale ?
Un procès-verbal de visite du presbytère est inséré entre les pages du registre. Le presbytère avait été loué à Jean Massicard le 10 septembre 1794. Le 28 messidor an V (1 juillet 1797), il est en instance d'être repris par la commune. Son état est lamentable. Jugez plutôt : Sept carreaux de la porte d'entrée sont brisés ; à la porte de la pièce d'entrée donnant sur le jardin les deux panneaux et la traverse du bas sont cassés ainsi que six carreaux de la fenêtre de cette même pièce (aujourd'hui petite salle de catéchisme); dans la salle à droite (aujourd'hui bureau) à la croisée donnant sur le jardin un panneau en plomb est totalement ôté et les deux autres à moitié cassés ainsi que le crochet du contrevent; dans la salle à côté, (chambre à coucher actuelle) deux carreaux sont brisés et le crochet du contrevent est perdu; dans le cabinet à côté (actuellement cuisine) "il n'y a qu'un carreau de verre cassé"! A la croisée du passage qui va de l'entrée à la cuisine (aujourd'hui chambre à donner) l'un des deux panneaux en plomb a été totalement emporté ; dans la cuisine (chambre à donner) à la croisée donnant sur la cour "deux carreaux de cassés", et dans le foyer il manque un carreau de pierre ainsi que le contrefeu en fonte ; dans la chambre à côté (grande salle de catéchisme) trois panneaux de plomb manquent à la croisée donnant sur la cour et trois vitres sont brisées. Dans la boulangerie (présentement salle d'eau) il manque trois panneaux en plomb à la fenêtre donnant sur la petite cour. Dans l'étable à cochons il faut reposer la porte et il manque un gond ainsi que le seuil en bois. A l'étable du milieu la porte doit être complètement, refaite, ainsi que le galandage entre les deux étables. La porte du poulailler est renversée et déclouée. A l'écurie il n'y a plus ni porte ni gonds ; "1'arrière-boursure" a été enlevée et quatre rolons manquent au râtelier, etc… En outre, il manque quatre clefs à différentes serrures. - Remarquons que ce procès-verbal est rédigé en présence de Jean-Etienne Bonnelat, agent de la commune, et de Joseph Péron "instituteur de la commune". L'acte disant que le "ci-devant presbitère est maintenant destiné à devenir un établissement public", et la présence de l'instituteur, cela laisse à penser que le presbytère est sur le point de devenir école communale.
Quelle fut la vie de la paroisse et de ses prêtres jusqu'à la fin du Directoire? Aucun document ne nous le dit. Il y eut, bien sûr, des serments à prêter. Celui du 7 thermidor an V (24 août 1797) : "Je promets d'être soumis au gouvernement de la république française"; et celui du 19 fructidor an V (5 septembre 1797): "Je jure haine à la royauté et à l'anarchie. Je jure attachement et fidélité à la république et à la constitution de l'an III". Ce dernier serment fut imposé à tous les prêtres sans exception, sous peine de déportation à Cayenne d'abord, puis à partir de mai 1798 à la citadelle de l'ile de Ré. Quelques 38 prêtres du diocèse de Bourges furent alors ainsi déportés.
LE CONSULAT
Le lendemain du coup d'état du 18 brumaire (8 novembre 1799) Bonaparte renverse le Directoire et établit le Consulat.
C'est seulement le 15 messidor an VIII qu'on retrouve un nouveau registre des délibérations et autres actes de la municipalité de Meillant. Léonard-Joseph Deby est alors maire. Depuis quand ? Probablement depuis le début de floréal de cette même année (21 avril 1800).
Le 22 messidor (11 juillet 1800), Jean Jessé et Joseph Péron viennent à la maison commune déclarer que "Pierre Marans, âgé de soixante cinq ans, ministre du culte catholique, est mort d'hier à 10 heures du soir, domicilié en cette commune route de Saint-Amand à Meillant". Joseph Péron, ancien vicaire, avait donc toujours gardé des relations avec son curé.
Le 14 brumaire an IX (5 novembre 1800), le corps du défunt citoyen Béthune-Charost, maire du 10e arrondissement de Paris, décédé à Paris le 5 brumaire, est inhumé, selon le désir de sa veuve, dans la chapelle de son château de Meillant, en présence du sous-préfet de Saint-Amand, des membres du corps législatif, des tribunaux et autres autorités civiles et militaires et des sociétés littéraires du département du Cher. Le citoyen Josset, maire de Saint-Amand, prononce l'éloge funèbre du défunt. Le texte de cet éloge est consigné dans le registre municipal.
Un acte du 14 nivôse an IX (4 janvier 1801) nous apprend que le citoyen Joseph Péron a été percepteur des contributions à Meillant en l'an V et en l'an VI. Le 13 ventôse (1 mars 1801) un certificat de vie est délivré au dit "citoyen Péron, cy-devant ecclésiastique".
Au mois de Ventôse an XI le citoyen Deby, maire, démissionne de ses fonctions, probablement pour raisons de santé car il mourra peu après. Le 23 ventôse (14 mars 1803) Jean-Etienne Bonnelat est nommé maire à sa place par arrêté préfectoral.
Lors de l'examen des comptes du défunt maire Deby, le 4 floréal an XI (24 avril 1803), sa veuve demande que la somme de 90 francs 40 qui lui est due soit versée "de suite entre les mains du curé de la paroisse pour être employée au soulagement des pauvres les plus nécessiteux". Demande approuvée.
Le curé qui vient d'être mentionné est Durand Brioude. Né le 21 août 1744, il était fils de Jean Brioude et d'Elisabeth Gastel. Ordonné prêtre en 1772 à Saint-Martin-sous-Vigneroux, diocèse de Saint Flour, il était venu en Berry. Curé de Saint-Symphorien, près de Châteauneuf-sur-Cher, il avait prêté serment et avait été l'un des derniers à abdiquer ses fonctions curiales le 20 février 1794. Fin 1802 ou début 1803 il avait succédé à Pierre Marans, l'interrègne ayant été assuré par Jacques-Auguste Greffin.
C'est vers la fin de l'année 1803 que le presbytère sera remis a la disposition de la paroisse et que le curé Brioude pourra y résider. Le 8 prairial an XI. (28 mai 1803), suite à l'arrêté préfectoral du 3 floréal, le conseil municipal se penche sur les réparations à faire tant au presbytère qu'à l'église. On estime à 800 francs les travaux à exécuter sur les bâtiments eux-mêmes. Il faudra 600 francs pour l'ameublement de l'église, tant en linges d'autel, habits sacerdotaux et dais, "non compris le tableau du grand autel et la réédification de la chapelle de la Vierge (celle qui est à gauche du chœur) et un ornement sacerdotal offert par Madame Henriette-Adélaïde-Joséphine Sourche-Bouchet-Tourzelle, veuve Béthune-Charost". On s'occupe aussi du traitement du curé : en sus du traitement versé par le gouvernement en vertu du concordat de 1801, la commune lui alloue une somme de 700 francs par an. Quant à l'ameublement du presbytère, Durand Brioude déclare qu'il a le nécessaire et exprime ses remerciements à la commune. Mais il reste à trouver l'argent. Pour éviter aux contribuables une surcharge extraordinaire d'impôts, le conseil estime que "le moyen le plus convenable est de mettre les bois d'usage en coupe réglée". Le 28 fructidor (11 septembre 1803) on se rendra compte qu'il ne suffit pas de 800 francs pour réparer église et presbytère, mais qu'il en faut bien 2000...
Mais il n'y a pas que les dégâts matériels. Bien des ruines spirituelles et morales sont à relever. Durand Brioude et Jacques Greffin ont une lourde tâche devant eux, car en plus de Meillant ils doivent aussi s'occuper d'Uzay et d'Arpheuilles.
Avec le Concordat du 15 juillet 1801, proclamé à Paris le 25 février 1802, la liberté religieuse revient, mais sous le contrôle de la police des cultes. La liberté de circulation, elle, ne revient pas encore. Les laissez-passer, obligatoires depuis 1792, sont toujours nécessaires et même, si on peut dire, plus précis que jamais. En effet, à Meillant tout au moins, on ne mesure plus la taille d'une personne en pieds et en pouces, mais en mètres et en millimètres. C'est ce que nous apprennent les deux derniers actes du registre de l'an XI : le citoyen Prévost-Tourzelle, régisseur de Meillant, mesure un mètre 733 millimètres, tandis que madame Marie Vaucorbeille, veuve du défunt maire Deby, ne fait qu'un mètre 573 millimètres!
Mais ici, arrêtons-nous. Nous arrivons à la fin du Consulat, demain, 28 floréal an XII (15 août 1804), ce sera l'Empire.
EN GUISE DE CONCLUSION
Dans les pages qui précèdent on n'a pu relever ni drames, ni affrontements sérieux. Au début, tous semblent avoir été heureux du changement. Par la suite, tous paraissent avoir courbé l'échine, quitte à se relever quand les temps devinrent plus calmes. De toute manière, il ne peut être question pour nous, qui vivons aujourd'hui, de porter un jugement sur le comportement, et encore moins sur la conscience, de ceux qui ont vécu ces événements il y a deux siècles.
Pour ce qui est des prêtres de Meillant, remarquons seulement que malgré leurs serments successifs et contradictoires, malgré leurs abdications (que celui qui n'a jamais faibli leur jette la première pierre), Marans, Brioude et Greffin, dès que ce leur fut humainement possible, se remirent au travail et moururent à la tâche: Marans, le 11 juillet 1800, âgé de 65 ans ; Brioude, le 21 mai 1812, à l'âge de 68 ans ; Greffin, le 14 novembre 1815, ayant passé ses 74 ans.
Il en sera de même pour leurs successeurs, François Corré-Prêjoly et Antoine Demenitroux. Corré eut même le courage de se présenter spontanément, le 12 prairial an IV (31 mai 1796), devant l'administration de l'Indre, pour déclarer qu'il avait rétracté verbalement ses serments et venait se soumettre aux lois portées contre les ecclésiastiques ayant fait de telles rétractations. Interné à la maison de réclusion d'Indrelibre (Châteauroux) et libéré le 19 décembre suivant, il reprit ses fonctions en cachette, ce qui lui valut d'être arrêté de nouveau en octobre 1797. Le 25 juillet 1798 il reçut l'ordre de quitter la France et se réfugia en Espagne. Il revint en 1802. Rejeté par le préfet de l'Indre, il fut nommé à Saint-Eloy-de-Gy, puis à Fussy, Pigny et Asnières, ensuite à Jeu-les-Bois, et enfin à Meillant le 21 octobre 1812. Quant à Demenitroux qui lui succéda en 1816, nous avons déjà parlé de lui. C'est seulement en 1827, à 74 ans, qu'il put obtenir un vicaire. Il en avait pourtant besoin. L'année précédente il avait célébré 204 baptêmes, mariages et funérailles tant à Meillant qu'à Arpheuilles et Uzay, paroisses dont il avait la charge. Il mourut le 5 février 1841, toujours fidèle au poste malgré ses 86 ans.
Gardons-nous d'oublier Joseph Péron. En dépit de son abdication et de son mariage, de cœur il était resté prêtre. Il n'hésita donc pas, le 4 septembre 1795, à déclarer officiellement son intention de reprendre l'exercice du culte dans l'église de Meillant. Cela ne fut pas possible. Le 24 mai 1803 il demanda sa réhabilitation et mourut à Meillant le 15 septembre 1819. Le curé Demenitroux lui accorda les honneurs des funérailles chrétiennes, chose qu'aujourd'hui encore ses descendants ne sont pas près d'oublier.
Quant aux officiers municipaux, un exemple suffira : celui de Siméon Bonnichon. Il transmit et fit exécuter l'ordre du district de briser les croix, autels, statues et de liquider les objets de culte. En 1805, il devient membre du conseil de Fabrique de la paroisse et fait don à l'église d'un bénitier en fonte, qui est aujourd'hui à 1'entrée de l'église. En 1813, il fait don d'une croix en fer forgé pour le petit clocher, celle qui est actuellement derrière 1'abside de l'église...
Cette conclusion n'est pas une apologie, mais une constatation.
SOURCES
-Mairie de Meillant
Registre des délibérations du conseil municipal (1790-an XI)
-Archives départementales du Cher
B.4293
J.828
L.328
Q.42
Q.57
Q.139
Q.268
Registres paroissiaux et d'état-civil de Meillant et de Dun et de Saint-Amand
-Archives municipales de Saint Amand
l.A
1.I
15.I
l.P.
1. S
GG.29
II. 36
-Archives hospitalières de Saint-Amand
BB
-Archives paroissiales
Registre des délibérations du conseil de Fabrique 1805...
Comptes de la paroisse, 1665, 1668
Extrait des minutes du greffe de la justice de paix du canton de la Celle-Bruère, 7 vendémiaire an III
Notice manuscrite sur Meillant par le curé Lacord
Livre vert du curé Lesage
Bibliographie
La congrégation des sœurs de la Charité, Clément, Bourges, 1893
Les prêtres dans la Révolution, Christophe, Paris, 1986.
Les curés de Saint-Eloy-de-Gy, Delaunay, Paris, 1926.
Un aventurier cosmopolite au 18e siècle : Pierre-François Gorge, seigneur d'Entraigues, Jean Mauzaize, Revue de l'Académie du Centre, 1987.
NOTE
Nous avons essayé de relater impartialement les faits, sans porter de jugements. Ce n'est pas chose facile pour quelqu'un dont près d'une quarantaine de parents, proches ou lointains, ont disparu pendant les guerres de Vendée : certains morts les armes à la main, plusieurs fusillés à Fontenay-le-Comte et à Avrillé (dont une femme béatifiée par le Pape le 19 février 1984) ; les autres, vieillards, femmes et enfants, massacrés à Saint-Christophe-du-Bois, Yzernay et Chanteloup. Si dans les pages qui précèdent s'était glissée quelque partialité involontaire, qu'on veuille bien nous en excuser.
R.Challet
Eloge funèbre prononçé le 12 brumaire an IX (3 novembre 1800) par le citoyen Josset, maire de Saint-Amand, devant la dépouille mortelle d'Armand-Joseph Béthune-Charost.
Citoyen Maire,
Nous sommes informés que la commune de Meillant possède la dépouille mortelle du citoyen Béthune-Charost, son esprit et sa mémoire appartiennent à l'immortalité.
Nous venons nous réunir à vous pour honnorer la mémoire de cet homme vertueux, de ce philantrope estimable, dont l'ame sensible ne sut jamais jouir que du bien qu'il pouvoit faire à son semblable.
Comme habitants de Saint Amand, nous pleurons l'administrateur éclairé dont nous savons que plusieurs des grandes vues se trouvoient liés aux intérêts de notre commune.
Comme citoyens nous honorons l'homme à qui le Gouvernement avoit donné plus d'un témoignage de sa confiance.
Comme hommes, nous versons des larmes amères sur la tombe d'un des plus dignes amis de l'humanité.