L'ÉGLISE SAINT AUBIN DE MEILLANT


Avant de découvrir le chœur, les chapelles, il faut prendre le temps, remonter le temps, car on ne peut parler de notre Église sans y associer le village et le château. Tout est lié. C'est notre histoire et c'est l'histoire.

Sur les terres celtes, les temps changeaient. Au IIIe siècle, Saint Ursin premier évêque de Bourges, évangélisait le Berry. Et si le plus ancien document connu nous parlant de Meillant est daté de 917, la première mention certaine de l'Eglise de Meillant remonte en 1115. La seigneurie de Meillant appartient alors à la famille de Charenton (Charenton-du-Cher), issue de la famille de Déols.

Nul doute qu'une église romane s'élevait alors et que des cloches rythmaient la vie des habitants. Rappelons que la famille de Charenton donna des terres à quelques kilomètres de Meillant pour que la " Maison Dieu " soit construite en 1136 : La Maison Dieu était alors le nom donné à l'Abbaye de Noirlac.

Au XIIe siècle, la seigneurie de Meillant passa à la famille de Sancerre (vers 1200 jusqu'en 1419). Puis en 1212, une lettre du Pape Innocent III mentionne l'église de Meillant. A regarder la maçonnerie du mur sud de la nef, il semble bien que par la suite cette ancienne église ait été ruinée presque complètement et reconstruite sur les mêmes fondations.

La tempête du 12 juin 1522 renversa cinquante clochers du Berry et détruisit un nombre incroyable de maisons et arrachât des forêts entières, a-t-elle renversé notre clocher et brisé ses cloches ? Et 13 jours plus tard, dans la nuit du 25 au 26 juin, vers 23 heures, un " effrayant tremblement de terre " (magnitude 7 à 8) laissa-t-il les bâtiments debout ? De plus, les guerres de religion sévissaient alors en Berry…

Est-ce la famille d'Amboise, branche de Chaumont, (seigneurs de Meillant de 1408 à 1525) qui a fait réaliser les voutes et les fenêtres gothiques de notre église ? Vers la fin de l'époque gothique, à la nef existante alors on ajouta le sanctuaire et les deux chapelles formant le transept.

Puis on éleva le clocher dont le portail renaissance est daté de 1537. Les sacristies furent, semble-t-il, bâties au début du XVIIe, car derrière la porte de l'une d'elles on lit encore : " 1605 J.M. Delaporte curé ".

Une troisième chapelle fut édifiée en 1652 pour recevoir la dépouille mortelle de Monseigneur Philbert de Brichanteau, évêque de Laon et prieur commendataire de Sainte Catherine de Meillant. En 1763 " le chœur de l'église fut carrelé en parquet avec la chapelle de la sainte Vierge " (l'actuelle chapelle seigneuriale). La même année, le vieil Hôtel Dieu médiéval de Meillant avait été rebâti entièrement.

Vint la Révolution. L'église fut complètement saccagée. Le fait que le curé et son vicaire aient prêté serment à la constitution civile du clergé n'évita rien. L'orgue qui avait couté 800 livres en 1640 fut détruit. Les statues des douze apôtres en pierre de Charly, furent brisées. Des huit cloches qui meublaient les deux clochers de l'église, une seule fut sauvée : Philberte. Donnée par Monseigneur de Brichanteau en 1651, et pesant 1440 Kgs, elle sonne aujourd'hui encore nos peines et nos joies. L'autel avec son baldaquin supporté par 4 colonnes fut démoli. Une décision du conseil municipal du 18 Ventôse An II (8 mars 1794) le fit remplacer par " un portrait de la Déesse raison et un œil de surveillance ".

La veille, le vicaire de la paroisse s'était marié civilement à la maison commune et avait signé : " un vrai sans-culotte ". Quatre jours plus tôt, les calices, ciboires, ostensoir, chandeliers, etc…, en argent d'un poids de 31 marcs dix onces 1 grain (soit 7,9 kg) avaient été confisqués et emportés à Libreval (le ci-devant Saint-Amand-Montrond).

C'est seulement sous l'empire qu'il fut possible de commencer à remettre l'église en état. Il fallait d'abord mettre le bâtiment hors d'eau. Le devis du 8 décembre 1809 pour la réfection totale de la charpente et de la couverture, pour la construction d'un autel et le remplacement de 72 mètres de lambris, s'élève à 13 253 francs. Plus tard le sol fut dallé de nouveau, les voutes réparées, le berceau en bois fleurdelysé de la nef mis en place.

En 1862, la vieille chambre des cloches, de forme octogonale, fit place à la haute et lourde tour dont le poids énorme fait maintenant fissurer les vieux murs qui la supportent.


Coût de l'opération : 41 142 francs.
Il serait de combien aujourd'hui ?


Le 9 octobre 1864, jour de la Saint Denis, eut lieu la bénédiction de deux nouvelles cloches : Virginie, du poids de 740 kg et Henriette-Alix qui pèse seulement 405 kg. Elles montèrent rejoindre leur aînée. Depuis cette date l'assemblée de Meillant, toujours célébrée début octobre, s'appelle la Fête des Cloches.

De 1863 à 1867 les fenêtres furent garnies de vitraux. Et en 1867, un an avant sa mort, Madame Virginie de Sainte Aldegonde, duchesse de Mortemart fit construire une quatrième chapelle dédiée à Saint Joseph. C'est alors que le petit clocher qui surmontait la croisée du transept fut supprimé.

Avec la bénédiction d'un autel en pierre l'église était prête à commencer le XXe siècle. Telle elle était alors, telle elle est encore aujourd'hui. Elle n'a rien d'extraordinaire, mais c'est notre église, et nous l'aimons.



QUELQUES POINTS D'INTERÊT




1. Le portail extérieur est daté de 1537. Essayez de trouver cette date.

2. Sous le clocher : un Christ en bois, malheureusement badigeonné et vermoulu. C'est le seul objet qui ait survécu à la Révolution. En 1986 a été déposé là un des cadrans qui marquait les heures, réalisé en 1877 par la Maison Henry Lepaute, grand horloger de Napoléon III.

3. A l'intérieur de l'église, au-dessus de la porte centrale : les armes de Monseigneur de Brichanteau, qui jusqu'en 1794 couronnaient le retable de la chapelle Sainte Catherine de Meillant :


" D'azur à six besants d'argent, 3, 2 & 1, surmonté du chapeau épiscopal à 6 houppes de chaque côté ".



4. A gauche de la porte, les fonds baptismaux. Ils furent taillés dans un bloc de pierre par Jean Thil en 1876. Leur couvercle est l'œuvre de J.B. Cormieux. La grille a été forgée par le sieur Feuillatre : tous trois étaient Meillantais. La statue de Jean baptisant Jésus est une terre cuite de la même époque.

5. Du même côté, la chapelle de la Vierge est l'ancienne chapelle funéraire de Monseigneur Philbert de Brichanteau, évêque et duc de Laon, pair de France, comte d'Anisy, abbé de saint-Vincent de Laon, prieur commendataire de Sainte Catherine de Meillant, etc… Il était aussi l'oncle de Claude Alphonse de Brichanteau, baron de Meillant. Un moment chassé de son diocèse par Richelieu, Monseigneur Philbert de Brichanteau mourût le 22 décembre 1651. Pour obéir à ses dernières volontés, son cœur fut placé dans la chapelle de la Trinité à Laon, une partie de ses entrailles chez les Capucins, et l'autre partie dans un couvent qu'il avait fondé. Son corps fut porté à Meillant " pour l'affection qu'il portait à ses habitants ", et enseveli en cette chapelle. Le monument surmontant sa tombe fut mis en pièces à la Révolution.
Les vitraux représentent Saint Casimir, le blason et la devise des Mortemart : " Ante Mare Undae " -avant que la mer n'existe, Mortemart portait des ondes. Et le blason et la devise des Sainte Aldegonde : " Non inferiora secutus " -qui ne suit pas les choses inférieures. Et aussi une statue de Saint Jean Cantius, confesseur. Dans cette chapelle à gauche du sanctuaire, on entrevoit des fresques sous le revêtement de plâtre peint. L'usage de cette chapelle fut concédé à la famille de Mortemart par décision du Conseil de Fabrique du 1er août 1876, en contrepartie de la construction de la chapelle Saint Joseph, (Les Mortemart utilisaient la petite porte privée).

6. Le vitrail central dans le chœur représente le Christ donnant les clefs à Saint Pierre, entouré par les évangélistes Saint Jean et l'aigle, Saint Marc et le lion, Saint Luc et le taureau, et enfin Saint Mathieu et l'homme. On pourra noter que la maison Thevenot de Clermont-Ferrand l'a réalisé ou restauré en 1864.

7. Le maître-autel est décoré de peintures représentant Sainte Solange (patronne du Berry), Saint Romulus, le Christ, Saint Aubin (Saint patron de Meillant) et Sainte Jeanne d'Arc. De chaque côté également les statues de Sainte Jeanne d'Arc et Sainte Thérèse.

8. Au-dessus du chœur, il faut aussi remarquer les blasons des d'Amboise (Palé d'or et de gueules, de six pièces),
et des Béthune-Charost [D'argent (ici peint en or ?) à la fasce et au lambel de gueules].

9. A droite du maître-autel, l'ancienne chapelle Saint Jean, maintenant dédiée au Sacré-Cœur, contient un tableau montrant saint Aubin, évêque d'Angers, au concile d'Orléans en 538. C'est lui le patron de notre église. Les vitraux de cette chapelle représentent Saint Victurnien, martyr (Victurnien est le prénom porté par tous les Mortemart), et Saint Augustin. A noter la mention de Champrobert successeur de la Maison Thevenot 1888 pour la réalisation ou restauration. On remarquera une statue du Christ, et au sol une pierre tombale datée 1714.

10. Dans la chapelle Saint Joseph, bâtie en 1877, sous un tableau représentant Jésus avec la Vierge et Jean-Baptiste et Elisabeth, se voit une inscription en minuscules gothiques :


" cy-git honorable homme et saige maistre Jehan Libault, bachellier en loyx, procureur du Roy nostre sire à Dun-le-Roy, lieutenant de Charenton, Meillant, Chandeuil et le Pondiz, maistre des eaux et fourests desdicts lyeux et chatlin de Taumerais (Thaumiers). Quiescat in pace. Amen. Il trépassa le XVI may Mil Vc XXX Priez Dieu pour son âme ".



Les vitraux représentent l'un : Joseph, Marie et Jésus enfant, et l'autre : la mort de Joseph. Vitraux réalisés ou restaurés par la Maison Fournier de Tours en 1899, et pour le tour par la Maison Jurie de Bourges en 1876.

Les statues de saint Joseph et Saint-Jean-Marie Vianney décorent cette chapelle.

11. Ici et là dans le dallage de l'église : quelques pierres tombales des XVI, XVII et XVIIIe siècles. A cette époque, de nombreuses personnes furent enterrées dans cette église, spécialement dans la nef et la chapelle Saint Jean. Ce n'étaient pas seulement des gens de condition, mais aussi des cabaretiers, voituriers en charbon, bouchers, taillandiers, sergents, mousliers, bourgeois, chirurgiens (i.e. barbiers), etc. … Ils voulaient reposer dans la maison de Dieu, près de l'autel où des messes étaient dites pour le repos de leur âme.

12. Chemin de croix : 14 stations de part et d'autre de la nef.

13. Autres vitraux : Sainte Solange, bergère patronne du Berry, Saint Antoine (de Lisbonne, de Brive-la-Gaillarde et de Padoue, … " Toi qui trouves tout, prie pour nous… "), Sainte Jeanne de France, Reine de France, première épouse de Louis XII, répudiée, elle fonde l'ordre des Annonciades (Saint-Doulchard), et meurt à Bourges en 1505. Au-dessus de la porte, le vitrail central représente Sainte Bernadette et Marie à la grotte bénie de Lourdes.

14. Statues : Notre-Dame de Lourdes, Saint Blaise, Sainte Solange, Sainte Cécile (patronne des musiciens -a entendu une musique céleste à sa mort), Saint Roch, Saint Aubin évêque d'Angers, Saint Antoine. De chaque côté de la porte : Saint Michel et Saint Jean baptisant le Christ.

15. En haut de la nef, a été peint : " Vous qui pleurez, venez à ce Dieu car il pleure ", phrase extraite des Contemplations de Victor Hugo.



C'est dans une église comme celle-ci, peut-être beaucoup plus belle, peut-être beaucoup plus humble, que vous avez été baptisé, confirmé, communié, marié. Pourquoi ne pas garder un moment de silence, laisser ces souvenirs revivre dans votre cœur, une prière monter jusqu'à vos lèvres, une larme jusqu'à vos yeux ?

Que Dieu vous bénisse ! Et bonne route !




P. René Challet, curé de Meillant 1978-1995